Sitôt les géants du numérique américains annoncent une perte de vitesse et des importants, et surtout malheureux, plans de licenciements (52000 recensés aux États-Unis fin octobre par Crunchbase), sitôt les sirènes retentissent au lointain pour vouloir sonner la fin de la tech.
Pour Diego Ferri, directeur de la stratégie d’EY Fabernovel, il est important de prendre du recul pour comprendre que non, la tech mais surtout leurs (nouveaux) acteurs innovants sont bien vivants aujourd’hui et le seront encore demain. Par contre, nous arrivons sans doute à la fin d’un cycle d’innovation chez les géants du numérique mono-business.
Contexte macro-économique : la tech fait partie intégrante de l’économie mondiale
Présente dans toutes les industries de l’automobile à la grande distribution, en passant par la santé ou encore les acteurs publics, mais aussi incarnée par les pure players du numérique comme Airbnb, des géants aux plus petites entreprises, la tech fait aujourd’hui partie intégrante de l’économie mondiale. Il n’a d’ailleurs échappé à personne qu’entre tensions internationales, crise environnementale et période d’inflation, cette dernière s’en trouve impactée.
Il est vrai que pendant la crise sanitaire, les géants du numérique ont réussi à poursuivre leurs insolentes croissances. La crise du Covid leur a permis de bénéficier d’un transfert du temps d’attention et des usages du numérique dans un monde physique quasiment à l’arrêt, que ce soit en proposant des solutions de télétravail comme Zoom ou de divertissements dématérialisés à l’image de Disney+.
Ces entreprises ont continué à investir massivement, notamment dans le recrutement de talents, pour anticiper ces croissances à deux chiffres alors même que les usages et les temps d’attention se sont détournés des écrans à l’issue de la crise, redonnant de l’aspérité aux entreprises plus traditionnelles.
De l’inflation généralisée qui nous pousse à rationaliser nos dépenses, à l’envie de mieux, ou moins, consommer pour répondre aux défis climatiques auxquels nous faisons face : aujourd’hui la frugalité s’impose.
Avec l’envolée des coûts de l’énergie et les coûts plus conséquents pour maintenir un business mature, ce sont de nouvelles variables qui viennent brutalement entrer en collision avec le modèle d’hyper croissance de ces géants. Même si certains s’en sortent mieux que d’autres : la valorisation actuelle d’Apple à 2,15 mille milliards de dollars est quasi équivalente à celles des autres GAFA réunis.
Ce contexte n’a fait que renforcer la frilosité des investisseurs où le court terme prime sur le long terme et où les superlatifs économiques sont entendus plus que de raison, venant sanctionner directement la valorisation de ces géants. Preuve en est, celle de Meta, qui a chuté de 730 milliards de dollars entre septembre 2021 et octobre 2022 pour se retrouver à 269 milliards de dollars.
Le marché de la pub en ligne s’est inversé en sortie de crise sanitaire
Pour les géants du numérique qui n’ont pas encore initié le virage de la diversification de leurs modèles et demeurent dépendants des revenus publicitaires, le ralentissement est d’autant plus sévère.
La crise sanitaire avait rendu les annonceurs plus dépendants des plateformes médias qui avaient réalloué une majorité de leur budget marketing pour faire de la publicité en ligne et assurer leur performance économique. Le boom du e-commerce a fait flamber les coûts publicitaires d’acquisition mais aussi le coût moyen par clic pour les annonceurs.
À la fin de l’année 2021, les premiers signaux d’inversement de cette tendance sont apparus. Premièrement, avec le géant chinois Tiktok s’est ouvert à la publicité en atteignant une masse critique d’utilisateurs provoquant un appel d’air conséquent sur le marché.
Il est aussi devenu plus difficile pour les plateformes de poursuivre un ciblage publicitaire précis auprès des utilisateurs d’Apple, désormais capables d’arrêter le tracking de leurs applications.
Mais aussi, cette période de crise sanitaire et d’évolution de la confidentialité des données a fait accélérer la prise de conscience des annonceurs pour reprendre la main sur la donnée et s’armer de plateformes de vente et distribution de leurs produits pour être en mesure de diffuser leurs propres publicités. Le prix de publicité s’est donc inversé et est revenu à la baisse, emportant dans son sillage les performances des géants historiques des réseaux sociaux.
Une période propice aux nouveaux acteurs tech innovants et vertuex
Si le modèle d’hyper-croissance de ces géants de la Silicon Valley semble être à un moment de bascule, le marché de la tech aux États-Unis est loin d’être en récession. En regardant les données publiées en novembre 2022 par le US Bureau of Labor Statistics, qui prend en compte l’entièreté du marché de la tech aux États-Unis à fin septembre, nous observons que le taux de chômage du secteur atteint un niveau extrêmement bas de 2,1%, même si le nombre d’offres publiées a légèrement baissé.
Une chose est sûre, c’est que les entreprises innovantes et créatrices ne connaissent pas la récession. Il est vrai que la tâche se complique davantage pour les GAFA car leur modèle de croissance et d’innovation, qui repose en partie sur des super acquisitions, a été remis en cause par le gouvernement américain et les comités anti-trust qui ont déjà bloqué plusieurs projets d’acquisitions.
Une chance pour de nouveaux acteurs entrants notamment si nous prenons l’exemple des start-up tech spécialisées dans l’accompagnement des entreprises souhaitant maintenir le cap d’un monde à 1,5°C qui sont en plein boom. Les entreprises tech qui placent au centre de leur modèle l’éthique et le raisonnable se démarquent et grandissent.
Plutôt que la mort de la tech, ne s’agirait-il pas des prémices d’un nouveau cycle d’innovation tourné vers la fin la des monopoles et le développement de modèles plus vertueux pour le futur ? Rendez-vous dans quelques mois…