Une étude présentée à Paris en décembre dernier par trois universitaires américains (1), lors du congrès ICIS 2008 (International Conference on Information Systems), s’est attachée à monter les liens entre la gouvernance des systèmes d’information et la performance des investissements en technologies de l’information à partir d’un échantillon d’entreprises du classement Fortune 1 000.
Depuis près de vingt ans, les investissements informatiques aux états-Unis représentent une part toujours plus importante des investissements productifs des entreprises, estimés aujourd’hui à près de 60 % du total, contre 30 % au milieu des années 1980. Ainsi, les projets dans les nouvelles technologies de l’information sont devenus le premier facteur de modernisation des organisations américaines et conditionnent inéluctablement leur performance.
Pourtant, d’après le Standish Group, près de 15 % des projets seraient abandonnés, et environ 50 % d’entres eux seraient retardés ou ne répondraient pas aux besoins des utilisateurs. Les raisons citées concernent les structures organisationnelles inadaptées, la mauvaise gestion des compétences, des capacités managériales et opérationnelles insuffisantes, les stratégies d’externalisation, la difficulté de l’alignement entre les ressources informatiques et l’organisation, l’utilisation inefficiente des solutions fournies…
Les recherches menées par les auteurs avaient pour objectif de montrer que les bénéfices retirés des investissements informatiques étaient aussi dépendants du processus de décision et en particulier du niveau de gouvernance informatique de l’entreprise.
Pas de modèle standard de gouvernance
La gouvernance informatique se réfère notamment pour les auteurs au bon niveau décisionnel afin d’assurer que les changements organisationnels sont bien intégrés aux décisions liées aux investissements informatiques. Des recherches antérieures ont démontré qu’il n’y avait pas de modèle standard de gouvernance.
Un mode centralisé sera préférable pour des entreprises qui ont des synergies au niveau des revenus et des dépenses entre les différentes unités. Un modèle décentralisé sera plus adapté pour les structures dépendantes des caractéristiques locales du marché.
Le niveau de gouvernance informatique est donc évalué en fonction du niveau de centralisation des opérations, des centres de décision, des impératifs des métiers, de la gouvernance globale, du niveau des ressources informatiques, etc.
Les auteurs montrent que les grandes structures ainsi que celles issues de fusions et d’acquisitions adoptent un mode de gouvernance décentralisé. Plus les équipes informatiques sont importantes localement, plus la gouvernance sera décentralisée. Autre enseignement de l’étude : les firmes qui possèdent un faible niveau de gouvernance informatique ne retirent pas de bénéfices de leurs investissements informatiques.
Pas de bénéfices projet sans gouvernance
A contrario, celles qui ont un fort niveau de gouvernance génèrent deux à trois fois plus de bénéfices que celles qui présentent un score moyen. Ainsi, cette étude, la première à s’intéresser à la relation entre gouvernance informatique et la valeur d’entreprise générée au travers des investissements informatiques, indique une corrélation très forte entre ces deux facteurs.
Des problématiques connexes sont à prendre en compte, notamment les changements organisationnels et les processus métiers, ainsi que la relation entre les métiers et l’informatique.
Les auteurs ont démontré a travers cette étude qu’une bonne gouvernance informatique conditionnait clairement les bénéfices retirés des projets informatiques. Ainsi, la gouvernance informatique influence potentiellement la performance d’entreprise au même titre que les autres investissements, les parts de marché et la R&D.
Une telle étude devrait convaincre les directions générales de s’intéresser à la fois à la gouvernance informatique et de son impact, aujourd’hui démontré, sur la réussite de ses projets de modernisation.
(1) IT Governance and IT Investment Performance, an Empirical Analysis, Bin Gu (université du Texax), Ling Xue (université de Scranton), et Rautam Ray (université du Minnesota), ICIS 2008 Proceedings, 18 pages.