Institut national de l’audiovisuel : un centre de service pour mieux gérer les applications

Pour accroître l’agilité de son système d’information, l’INA a concentré la gestion et le développement de son parc applicatif au sein d’un centre de services. La bonne compréhension des enjeux métiers par les deux prestataires en charge du centre de services a accru la crédibilité de la DSI.

Il y a une quinzaine d’années, l’Institut national de l’audiovisuel (INA), chargé de la gestion du patrimoine radiophonique et télévisuel, a entrepris la numérisation de ses archives : la migration a concerné près d’un million d’heures de documents. Aujourd’hui, la stratégie de l’Institut est centrée sur le numérique. « Le système d’information est devenu très prégnant à la suite de cette transition », souligne Safia D’Ziri, DSI de l’INA.

« En effet, il a fallu mettre en place des applications pour le traitement technique, juridique et commercial des vidéos, ainsi que des outils pour les documenter, les indexer ou les rechercher. » Autant de besoins spécifiques pour lesquels il n’existait pas réellement d’offres sur le marché. Pour cette raison, l’INA a fait développer ses propres solutions par des prestataires en régie.

90 % du chiffre d’affaires est généré par les supports numériques

Si ces applications répondaient aux nouveaux enjeux de la numérisation, cela n’était néanmoins pas suffisant. En effet, bâti au fur et à mesure des besoins, le système d’information était organisé en silos. « Quelque 90 % du chiffre d’affaires est réalisé grâce aux supports numériques. Dans ce contexte, il était important d’avoir un système d’information agile et décloisonné, permettant de développer d’autres activités et services en ligne », explique la DSI.

Lorsque Safia D’Ziri prend ses fonctions, en 2006, elle propose donc un nouveau schéma directeur comportant une réorganisation de la DSI et un plan d’urbanisation du système d’information. À l’époque, l’INA dispose de deux DSI : l’une, orientée métier, chargée de la gestion des archives, et l’autre, généraliste, pour les missions classiques de gestion du système d’information.

La réorganisation a notamment pour objectif de regrouper les différents services de développement. « Auparavant, chaque projet avait son chef de projet et ses propres développeurs, ce qui ne permettait pas d’avoir une cohérence globale des applications et complexifiait la maintenance. L’INA gérait par ailleurs une cinquantaine de contrats avec des prestataires, ce qui rendait le pilotage impossible et ne permettait pas d’avoir des garanties en termes de réversibilité. »

Pour mener cette transformation à bien, l’INA souhaite remplacer ces nombreux contrats par un centre de services unique. Ce centre a plusieurs objectifs : il s’agit, tout d’abord, d’effectuer la rétro-ingénierie de toutes les applications existantes (environ cent cinquante), afin d’en faciliter la maintenance. Pour certaines applications, en effet, dont certaines sont critiques, la documentation était quasi inexistante. Le centre doit également apporter de la souplesse sur les nouveaux projets, en permettant d’augmenter facilement le plateau en cas de besoin. Il doit, enfin, fournir un certain nombre de garanties sur les coûts, la documentation ou le suivi des projets, de par l’engagement des prestataires. Le contrat est prévu sur trois ans afin d’assurer une certaine stabilité des intervenants sur les projets.

L’Institut lance donc un appel d’offres, à l’issue duquel deux sociétés sont retenues, dont la société de conseil et de services Alti. Ce choix de deux prestataires est motivé par des questions à la fois de sécurité et de stratégie : en effet, pour assurer une certaine pérennité au centre, l’INA ne souhaite pas dépendre uniquement d’un seul acteur. Par ailleurs, ce choix permet de maintenir un minimum de concurrence et d’émulation, un contexte dans lequel les prestataires restent particulièrement vigilants sur la qualité du service. Enfin, travailler avec deux prestataires permet d’assurer une certaine réactivité, un aspect important pour l’INA, car « les projets numériques vont très vite ».

Un investissement sur la communication

Les changements entraînés par la mise en place du centre étaient redoutés par les maîtrises d’ouvrage et les directions opérationnelles, habituées à disposer chacune de leurs propres développeurs. Pour vaincre les appréhensions, la DSI a mis l’accent sur la communication, afin d’expliquer aux utilisateurs que ce dispositif allait leur permettre d’avoir plus de services, et non pas moins.

« Une fois le centre en place, les craintes se sont vite dissipées, se souvient Safia D’Ziri. Les utilisateurs ont constaté que le centre de services apportait des réponses claires sur les délais, et les développeurs sont allés à la rencontre des métiers afin de comprendre leurs besoins, démontrant ainsi un réel intérêt pour les activités de l’Institut. »

Lors de la mise en place du centre, l’INA en a profité pour réduire le nombre de technologies utilisées, passant d’une dizaine à trois ou quatre, notamment effectuant la migration de plusieurs applications. Aujourd’hui, les nouveaux projets sont développés en Java, .Net ou PHP, l’Institut s’appuyant également sur Business Objects, Flash et quelques outils de traitement vidéo pour ses besoins plus spécifiques.

Au fil des années, le centre de services est monté en gamme, améliorant ses services étape par étape. Le premier palier a consisté à fournir de la visibilité sur les projets : lesquels sont en cours de réalisation, lesquels sont réalisés, combien de bugs ont été identifiés, combien ont été corrigés, etc. La deuxième étape a été la mise en place d’un plan d’assurance qualité (PAQ) pour augmenter la qualité du code produit, intégré avec le PAQ global de la DSI.

La gestion de la qualité a par ailleurs été séparée des tests, afin que les deux activités ne se phagocytent pas. Lors du troisième palier, l’INA a obtenu un reporting annuel sur les activités du centre, ce qui a permis faire des prévisions financières sur la TMA. Ainsi, la maintenance a pu être mutualisée entre plusieurs applications, diminuant au passage son coût financier.

Après les trois premières années, l’appel d’offres a été renouvelé. « Nous voulions aller encore plus loin, avec un engagement de résultat de la part des prestataires et un contrat permettant d’accéder à des tarifs préférentiels et des engagements au forfait au-delà d’un certain nombre d’unités d’œuvre commandées. » Alti remporte de nouveau l’appel d’offres du fait de son engagement ferme sur les coûts et les délais. Un deuxième prestataire est également retenu.

Une émulation entre les prestataires

« Grâce au centre, nous savons que nous avons une équipe socle qui peut monter en charge selon les projets. Le plateau oscille entre vingt et trente-cinq personnes, les deux prestataires inclus, avec deux responsables de site. » La répartition des projets entre les prestataires s’est effectuée en fonction de la nature des applications, « assez naturellement », affirme la DSI.

L’INA veille néanmoins à maintenir l’équilibre entre ses deux partenaires, en répartissant le volume d’activités de manière cohérente : « Il arrive qu’un prestataire mette un développeur à la disposition de l’autre quand celui-ci n’a pas les ressources, se réjouit Safia D’Ziri. Les deux ont même fait un projet ensemble. »

Les clés de ce bon fonctionnement sont claires : « Il faut que le centre ait ses propres objectifs », souligne la DSI. Mettre en place un PAQ (plan d’assurance qualité), proposer un schéma d’évolution des technologies, une méthodologie de développement, un plan d’urbanisation… Toutes ces démarches permettent de donner du sens à l’activité de développement. « Avec le centre, nous avons créé un service qui a son mot à dire et qui possède un rôle clair dans l’entreprise, comme garant de la cohérence du système applicatif. » Le centre apporte, de fait, une réelle valeur ajoutée à l’INA, sa connaissance du métier lui permettant de ne pas seulement être exécutant, mais aussi force de proposition auprès des chefs de projets internes.

Les bénéfices apportés par le centre sont nombreux (voir encadré page 23). Sur le plan financier, il a permis des économies notables. Le centre marque également le passage à une approche industrialisée, avec la mise en place d’un processus de gestion du cycle de vie des applications l’arrivée de nouveaux outils : système de gestion des versions, méthodologie partagée, étapes bien définies pour le développement et le passage en production, etc.

De cette façon, la DSI de l’INA a nettement gagné en visibilité, améliorant ainsi la qualité globale du système d’information et son pilotage. « Nous sommes désormais capables de calculer le coût d’immobilisation annuel d’une application ou le montant des investissements qu’elle a nécessités », se réjouit Safia D’Ziri. Celle-ci estime également que ce projet de transformation a permis d’asseoir la légitimité de son service auprès des métiers, un pari qui n’était pas gagné d’avance dans un secteur très technique comme l’audiovisuel. « Les prestataires ont bien compris les enjeux liés à l’image de la DSI. Le centre de services a rendu la DSI plus forte et plus crédible sur son secteur d’activité. »

 

Les atouts d’un centre de services pour l’INA
Types de gains Objectifs Exemples
Économique Maîtriser les budgets Proposer davantage de services pour un budget équivalent ; mieux chiffrer les projets pour calculer le ROI avant de les lancer
Qualité Optimiser le pilotage Piloter l’ensemble du portefeuille des projets ; accroître le taux de succès des projets ; mettre en place un plan d’assurance qualité
Expertises Diversifier les compétences Proposer de nouvelles expertises audiovisuelles (gestion de formats vidéo, outils de découpage, incrustation, players…) pour garantir le succès des projets à forte composante technique
Performance Rationaliser les applications Structurer les applications en composants logiciels afin d’optimiser le code, la maintenance et la fiabilité du système d’information
Réutilisation Standardiser et modulariser Réutiliser au maximum l’existant en favorisant le recours aux standards et privilégier des architectures modulaires
Sécurité Réduire les risques Documenter systématiquement les applications et standardiser le SI afin de réduire la dépendance à l’égard des ressources humaines
Source : Alti.