Le cabinet Xerfi a publié une étude sur le marché des services numériques face à ses aux nouveaux enjeux. Flavien Vottero, directeur d’études chez Xerfi en résume l’essentiel.
Comment les prestataires de services numériques abordent-ils l’ère de l’IA générative ?
Avec l’intelligence artificielle (IA) générative, les entreprises de services numériques (ESN) ont sans conteste trouvé un relais de croissance durable. Cette nouvelle technologie, rupture majeure dans les modèles d’affaire, offre des solutions concrètes et des bénéfices tangibles pour les clients.
La facilité d’utilisation de ChatGPT permet un déploiement rapide à tous les échelons des grands groupes mais aussi des PME et TPE. Dans ce contexte, les ESN doivent se mettre en ordre de bataille pour profiter de la manne de l’IA générative : montée en compétences, développement d’offres dédiées parmi lesquelles l’adaptation des infrastructures IT actuelles, la mise en conformité avec la réglementation et la sensibilisation des employés.
Cette technologie va aussi générer des gains de productivité substantiels pour les prestataires de services numériques, en allégeant la structure de coûts en général et les frais de personnel en particulier. Tout en se maintenant à un haut niveau, la croissance du chiffre d’affaires des ESN va ralentir d’ici 2026.
La faute à un environnement économique instable et incertain. Toutefois, l’activité du secteur (qui pèse aujourd’hui environ 32 milliards d’euros) s’appréciera encore de 9% en 2024 puis de 12% par an en moyenne en 2025 et 2026, après un bond de 12,5% en 2023 et de 15% en 2022, selon nos prévisions. Signe de l’optimisme sur les perspectives d’avenir du secteur, Accenture et Capgemini ont prévu de consacrer respectivement trois milliards et deux milliards d’euros ces prochaines années pour aider au déploiement de l’IA.
Comment peut évoluer le paysage concurrentiel du secteur ?
Dans un marché des services numériques en constante évolution, la montée en puissance du cloud computing est un tournant. En réalité, il s’agit d’une véritable révolution dans la mesure où les services d’infogérance traditionnels sont peu à peu éclipsés.
Une tendance que les géants illustrent à l’envi en se délestant de leurs branches d’infogérance pour embrasser le cloud et ses innombrables avantages (réduction des coûts, optimisation des ressources, flexibilité accrue et sécurité renforcée).
Cela n’est pas un simple ajustement mais bel et bien une redéfinition du paysage du marché. En parallèle, les opérateurs historiques se heurtent à de nouveaux concurrents qui cherchent à diversifier leurs activités en capitalisant sur la transformation digitale des entreprises. Par exemple, les spécialistes du conseil élargissent leurs offres IT, marchant ainsi sur les plates-bandes des ESN.
Un phénomène amplifié par l’essor de l’IA générative, favorisant l’automatisation et offrant de nouvelles opportunités en conseil éthique. On observe aussi la montée en puissance des consultech et des plateformes de freelance IT dans les services numériques.
Des nouveaux venus qui bousculent les acteurs traditionnels avec leur modèle économique agile et compétitif. Des plateformes comme Malt ou Le Hibou offrent en outre une flexibilité que les ESN classiques peinent parfois à égaler. Cette tendance à la démocratisation de l’accès à l’expertise, conjuguée à la flexibilité et à l’innovation, pousse les ESN à repenser leurs modèles de recrutement et de collaboration. C’est la seule façon pour elles de rester pertinentes.
Quelles sont les stratégies de croissance à privilégier face à l’évolution du marché ?
Dans le secteur des services numériques, le principal défi reste de dénicher des talents qualifiés. Face à la lutte acharnée entre ESN pour attirer des professionnels en informatique, cybersécurité et intelligence artificielle, se doter d’une stratégie de recrutement efficace devient donc indispensable.
Les acteurs doivent également investir massivement dans la formation continue. Pour fidéliser les salariés, augmentations salariales, amélioration des conditions de travail et plans de carrières doivent être au programme. Les ESN doivent par ailleurs s’efforcer de construire une marque et une communication corporate solide.
A ce titre, la mise en avant de l’IA générative et des enjeux de responsabilité est un axe majeur. Cela renforce le pouvoir de négociation avec les clients et contribue à l’attraction et à la fidélisation des talents hautement qualifiés.
Par ailleurs, les organisations centrées sur le client deviennent peu à peu la norme. L’adoption de ce type d’organisation s’accompagne souvent du déploiement d’offres intégrées dont le périmètre d’intervention s’étend à l’édition de logiciels ou l’hébergement des données. L’objectif est alors de troquer son statut de prestataire pour celui de partenaire. La décarbonation est, elle, un enjeu à double tranchant.
Si toutes les grandes ESN proposent d’accompagner les DSI dans la réduction de leur empreinte carbone et le green IT, la question environnementale en matière de numérique est encore trop souvent perçue comme une charge pour les décideurs.
Autrement dit, les prestataires doivent démontrer le retour sur investissement et l’efficacité opérationnelle de la transition écologique pour emporter l’adhésion des clients.