Toutes les entreprises ont à ce jour dans leur portefeuille un projet SEPA. Qu’il soit pris en charge par un ou plusieurs chefs de projet (un par pays), qu’il soit piloté par la direction financière ou par la direction des systèmes d’information ou encore cogéré, un projet SEPA se gère-t-il comme n’importe quel autre projet ? Quelles sont les précautions à prendre en compte ?
Les nouvelles normes SEPA vont concerner 32 pays, 4 400 banques et 700 millions d’habitants. C’est pour ces raisons que les projets SEPA ont tous leur place dans le portefeuille des entreprises de moyennes et grandes tailles (Cf. Best Practices Systèmes d’Information, n° 104, 4 mars 2013). Nous sommes à moins d’un an de l’échéance de la contrainte réglementaire (fixée au 1er février 2014), et le projet SEPA devra être opérationnel à cette date. Comment mobiliser toutes les parties prenantes de l’entreprise et ses partenaires pour un même objectif : être conforme à temps ?
Une forte contrainte réglementaire
Un projet SEPA, parce qu’il répond à une contrainte réglementaire européenne, aura toujours les mêmes objectifs : gérer les encaissements par prélèvement et les décaissements par virement, conformément aux nouveaux moyens de paiement SEPA Direct Debit (SDD) et SEPA Credit Transfer (SCT), assurer la responsabilité de la Référence Unique du Mandat (RUM) de prélèvement SEPA, gérer les mandats et assurer la migration du parc de prélèvements clients vers les prélèvements SEPA.
Pour atteindre ces objectifs, les entreprises se dotent d’une structure projet avec, à sa tête, un responsable projet souvent issu de la direction financière-trésorerie ou de la DSI. Le choix de l’un ou l’autre des profils aura une incidence sur le projet, selon que l’entreprise privilégie l’adaptation du métier à ces nouvelles règles ou que sa DSI intègre directement ces règles à son environnement. On trouve également des structures plus classiques avec un représentant de la finance qui porte la MOA (maîtrise d’ouvrage) et un de la DSI qui porte la MOE (maîtrise d’œuvre).
D’abord un projet d’entreprise
Le projet SEPA a cette particularité de concerner directement plusieurs directions de l’entreprise (SI, finance, ventes, achats, juridique, …) et toutes les filiales opérant dans la zone SEPA. La première étape consiste à réaliser une étude d’impact, afin d’identifier clairement quelles sont les directions concernées, quelles processus devront évoluer et quels systèmes devront être adaptés. Plusieurs scénarios peuvent exister et toutes les opportunités doivent être envisagées. Le risque juridique pour l’entreprise peut être très important, notamment pour les entreprises B-to-C à forts volumes de prélèvements.
Le plus important est donc de mobiliser toutes les parties prenantes, au-delà de possibles divergences sur les enjeux, de décalages en termes d’avancement selon les pays, voire des différences culturelles… Faire progresser le projet SEPA nécessitera par exemple la mise en place d’ateliers spécifiques où les sujets critiques seront débattus et validés par l’ensemble des participants.
Ces ateliers, qu’ils soient réalisés physiquement ou en partie par téléconférence, nécessitent que le chef de projet prenne position quand il le faut pour aider à la décision dans l’intérêt de l’entreprise et donc du projet. Débattre, détailler, décider et diffuser : tels sont les facteurs clés de succès qui optimiseront l’avancement du projet. En effet, SEPA aura un impact client si la communication n’est pas adéquate et/ou si sa mise en place n’est pas transparente pour le client final.
Un projet piloté par le délai
La contrainte délai a et aura une incidence sur le projet car elle primera sur la qualité et sur le coût global du projet. Un projet piloté par le délai nécessite un cadencement des actions et un planning rigoureux. Dans le cas de SEPA, un rétroplanning s’avère indispensable pour délimiter les jalons préparatoires à la migration finale et, ainsi, les livrables qui en découlent.
Les ateliers de travail viendront ensuite délimiter le périmètre de ce qui doit obligatoirement être opérationnel au 1er février 2014 afin de pouvoir respecter la réglementation et ce qui pourrait faire l’objet d’un « 2e lot SEPA ».
Un projet, loti ou non, piloté par le délai en mode « time boxing » nécessite une surveillance constante des actions et un pilotage des risques durant l’ensemble du cycle projet, afin d’en garantir le bon avancement.
Un projet piloté par les risques
Que se passe-t-il si les délais ne sont pas respectés ? Ne pas réussir la migration vers SEPA expose l’entreprise à des retards à l’encaissement, une perte d’image et de confiance du client final. Cela aura une répercussion financière et commerciale due, en partie, à une perte de clients ainsi qu’à la mise en place de solutions de contournement provisoires (changement de mode de paiement). L’entreprise risque également des pénalités en cas de non-respect de la réglementation après le 1er février 2014.Les banques anticipent déjà ce filon et mettront en place des outils qu’elles proposeront à leurs clients moyennant bien sûr une facturation comme, par exemple, l’offre d’externalisation de la gestion des mandats. Il est donc préférable de conduire un projet SEPA avec les bonnes compétences car les coûts induits par un « no go » du projet seront très importants pour l’entreprise, même si un « go » ne génèrera pas nécessairement des gains directs significatifs.
Ce dernier point explique peut-être que l’importance de ce type de projet reste plus délicat à vendre en interne : en effet, la mesure du retour sur investissement est difficile à réaliser sauf pour les entreprises qui ont gèrent des volumes très importants de prélèvements.
Les risques du projet SEPA doivent ainsi être constamment surveillés et leur évolution contrôlée par le management de projet (chef de projet, PMO…). Cette surveillance accrue des risques pourra ainsi influer, voire modifier, les décisions futures concernant le projet. On passerait ainsi du mode de gestion des risques au pilotage par les risques.
Des risques aussi bien internes qu’externes
Le projet SEPA aura à faire face à deux catégories de risques : d’une part, des risques « internes » au projet, c’est-à-dire liés à un manque d’implication des acteurs sur le projet, à des difficultés de coordination des différentes directions et filiales, de divergences d’opinions ou encore de mise à disposition d’environnements techniques nécessaires pour tester et mettre en production les différentes versions…
L’ensemble de ces risques doit être identifié au plus tôt afin d’établir leur criticité, leur impact en cas de survenance pour pouvoir, ensuite, statuer sur chacun avec trois options possibles : acceptation du risque, plan de contournement ou transfert du risque.
D’autre part, le projet connaîtra également des risques « externes » liés aux partenariats avec les banques qui devront, entre autres, exécuter des tests de migration vers les nouveaux flux SEPA, ou liés à des fournisseurs d’applications qui devront envoyer des patchs intégrant les migrations de flux, ou encore à des délais de validation du budget du projet par le top management de l’entreprise. Cette seconde catégorie est plus critique car le degré de maîtrise des risques est moindre.
Attention au rétroplanning très serré
Gérer le projet SEPA nécessite donc beaucoup plus de pragmatisme et de rigueur qu’un projet classique. L’avancement doit être cadencé, les intervenants bien ciblés et le planning constamment mis à jour. D’autant qu’être conforme début février 2014 implique une première livraison courant automne 2013 pour qu’un site pilote (ou un cercle restreint d’utilisateurs) puisse concrètement utiliser les nouveaux développements ou les mises à jour.
Si l’on ajoute à cela la période estivale, peu propice aux grands projets, cela signifie que les développements doivent aboutir avant l’été 2013 pour laisser une marge suffisante pour effectuer les tests unitaires et la recette MOA. Les ateliers de travail qui doivent statuer sur des modifications de processus ou de fonctionnalités doivent donc se tenir au printemps 2013, parallèlement aux développements (des parties déjà validées)… Et au moment où vous lisez ces lignes, le printemps… c’est dans trois jours !
Cet article a été écrit par Dung Hua, manager chez Advese.
Projet SEPA : les dix points d’attention
- Identifiez toutes les entités concernées dans l’entreprise et vérifiez toutes les conséquences de SEPA avec une étude d’impact (gestion de trésorerie, désorganisation commerciale, perte d’image, pénalités bancaires, surcoûts…).
- Délimitez le périmètre qui devra être obligatoirement opérationnel le 1er février 2014 et recensez toutes les applications qui devront être adaptées.
- Associez les responsables de trésorerie, financiers et juridiques à la gestion du projet.
- Mobilisez, plus largement, toutes les parties prenantes, notamment dans les filiales.
- Identifiez tous les risques juridiques, avec un chiffrage de leurs conséquences et les options possibles : acceptation du risque, plan de contournement ou transfert du risque.
- Surveillez en permanence l’évolution des risques (internes et externes).
- Intégrez la contrainte forte du délai, qui a une incidence sur la qualité et les coûts : un rétroplanning précis est plus que jamais indispensable.
- Organisez des ateliers spécifiques pour aborder les sujets critiques.
- Appliquez la règle des 4 D : débattre, détailler, décider et diffuser.
- Étudiez des éventuelles solutions de contournement provisoires.