La croissance du chiffre d’affaires et des marges reste, année après année, la première priorité des directions générales. Gartner, qui mesure régulièrement cet indicateur, révèle que, pour 2020, 53 % des dirigeants d’entreprises se focalisent sur la croissance de leurs business. Cette priorité est d’ailleurs étroitement associée aux leviers technologiques, placés en deuxième priorité.
Le digital et la performance : des relations étroites
En parallèle, le niveau de maturité des membres des Boards d’entreprises apparaît en décalage : selon les chercheurs du MIT, seulement un quart des conseils d’administration des grandes entreprises américaines, réalisant plus d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires, sont considérés comme disposant d’une bonne maturité digitale.
Problème : il semble difficile de gagner la bataille du digital avec un comité exécutif qui n’a pas la maturité numérique suffisante. En Grande-Bretagne, une étude de Gartner, portant sur 3 131 membres de comités exécutifs, a montré que seulement 21 occupent des fonctions technologiques. C’est le même constat dans d’autres pays, y compris aux Etats-Unis où, sur 680 membres de comités exécutifs des 25 premières entreprises cotées en bourse, seulement 41 exercent des métiers technologiques (DSI, CTO, e-commerce…).
Une étude de Deloitte confirme ce décalage : seulement 17 % des Boards des entreprises du classement S&P 500 disposent d’une expertise technologique. Et celles qui ont investi dans ces compétences surperforment de 10 % par rapport à la moyenne.
Pourtant, la sensibilité numérique des dirigeants a un impact à la fois sur la rentabilité de l’entreprise, la croissance du chiffre d’affaires et la capitalisation boursière, avec des écarts entre 17 % et 38 %, selon une étude du MIT. Heureusement, d’après Gartner, les Boards des entreprises placent, à 67 %, le digital et la disruption en tête de leurs challenges, devant l’acquisition de compétences, les problèmes réglementaires, la croissance et la profitabilité.
Le digital est de plus en plus intégré dans les cinq priorités des directions générales. Le terme n’apparaissait dans le Top 5 que dans 2,1 % des entreprises au début des années 2000, c’est aujourd’hui le cas dans presqu’une entreprise sur cinq.
Les trois missions des Boards : créer de la valeur, maîtriser les risques, élaborer la stratégie
La mise en œuvre des stratégies digitales suppose, comme pour n’importe quelle transformation technologique et organisationnelle, une gouvernance forte. Cet ouvrage explique les bases de ce que doit être une telle approche. Les auteurs rappellent que les Boards ont trois missions essentielles. La première est de s’assurer de créer de la valeur malgré un environnement incertain.
A ne pas confondre avec la croissance : « La croissance concerne le court terme et l’augmentation de la puissance capitalistique, la création de valeur est une stratégie à plus long terme qui prend en compte l’innovation et le développement durable », notent les auteurs. Deuxième mission : bâtir une entreprise résiliente, en maîtrisant les risques. « Il est toujours difficile de s’assurer que tout ira bien et, en cas de brusque changement, l’adaptation des organisations est cruciale », assurent les auteurs. Et les risques de disruptions ne manquent pas, qu’il s’agisse des aspects réglementaires, des comportements des consommateurs, des business models, des contraintes environnementales, sans oublier les risques géopolitiques.
Les auteurs rappellent que la durée de vie moyenne d’une entreprise dans le classement S&P 500 était de 33 ans dans les années 1960, elle est de moins de dix ans aujourd’hui. « C’est le résultat de faillites, d’acquisitions ou de déclins, la plupart du temps faute de n’avoir pas anticipé la révolution numérique », diagnostiquent les auteurs. Troisième mission : élaborer des stratégies qui s’adaptent (Just-in-Time strategies), en se posant les bonnes questions au bon moment. « Cela suppose trois attitudes : savoir sur quoi questionner, sortir de son bureau pour aller sur le terrain et savoir identifier le profil du Board afin de vérifier s’il est capable de se poser les bonnes questions », suggèrent les auteurs.
Une gouvernance nécessairement agile
Ils proposent une roadmap de la gouvernance à l’ère du numérique, articulée autour de six problématiques : la création de valeur, la résilience, le Risk Management, la stratégie, le développement durable et la responsabilité personnelle. Chacune de ces problématiques est adaptée aux quatre profils de Boards distingués par les auteurs : le basique, le structurel, le catalyseur et le futuriste.
Chacun a ses propres spécificités en termes d’objectifs, de processus, de leviers de changement et d’approche technologique. « Dans un environnement incertain, complexe, ambigu et volatil, les managers doivent constamment se remettre en cause, pour apprendre et s’adapter, et ne jamais se satisfaire du statu quo.
Pour les organisations, cela signifie développer une culture qui favorise l’agilité dans la gouvernance », résument les auteurs, qui estiment que « dans un monde digital, les gagnants seront ceux qui ont su rester des éternels « étudiants du business », qui savent dépasser leurs convictions et rester affamés de nouvelles idées. »
Governance in the digital age, a guide for the modern corporate board director, par Brian Stafford et Dottie Schindlinger, Ed. Wiley, 2019, 170 pages.