La hiérarchie et le réseau : vers une collaboration intelligente

Les environnements actuels sont caractérisés par deux éléments : l’imprévisibilité et l’exponentialité. La difficulté, rappelle l’auteur, John Kotter, professeur à la Harvard Business School, est que les entreprises et les organisations n’y sont pas préparées, car elles sont davantage optimisées pour l’efficacité que pour l’agilité. A part une minorité.

« Le monde change à un rythme tel que les systèmes, les structures et les cultures construits au cours du siècle dernier ne peuvent faire face aux demandes qui pèsent sur eux. Le nombre d’organisations qui vivent sur des icebergs en train de fondre n’a jamais été aussi élevé. » Même dirigée par des personnes compétentes, une hiérarchie traditionnelle ne peut devenir plus agile.

Et face à un tel contexte, de simples ajustements des choix stratégiques ne suffisent plus. D’où la nécessité, selon John Kotter, d’un nouveau système : « Le nouveau système apporte agilité et vitesse et l’ancien, toujours en place, fiabilité et efficacité. »

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Accélérez ! Oser l’agilité, par John Kotter, Ed. Pearson, 2017, 182 pages.

L’une des limites, lorsque tout va plus vite, réside dans les hiérarchies en place. « Les entreprises ont longtemps vécu en ne réévaluant leurs stratégies qu’épisodiquement, lorsqu’elles étaient contraintes de le faire. Aujourd’hui une entreprise qui ne repense pas régulièrement son orientation se met en danger. » Certes, les hiérarchies sont toujours nécessaires, mais « on sollicite encore et encore le même petit nombre de personnes de confiance pour piloter les initiatives clés, ce qui, naturellement, limite le nombre de projets et la vitesse à laquelle ils peuvent être conduits », souligne l’auteur, pour qui « la communication entre les silos manque de rapidité et d’efficacité.

La même chose est vraie de la circulation verticale de l’information. Résultat : toujours plus d’atermoiements. » A cela s’ajoute le fait que, généralement, les individus s’accrochent à leurs habitudes (et à leurs hiérarchies), pratiquent l’autosatisfaction, pensent que les « choses sont bien comme elles sont » et « craignent de perdre du pouvoir et de la stature », prévient John Kotter, qui plaide pour une réduction (mais pas une suppression) des niveaux hiérarchiques.

Comment résoudre, en partie, ce problème ? Pour l’auteur, il faut mettre en place un système dual, basé sur une coexistence de hiérarchies et de réseaux : « Un réseau plus proche du système solaire d’une start-up que de la pyramide de Gizeh d’une organisation parvenue à maturité qui peut créer agilité et vitesse. » Une telle approche n’a rien à voir avec des initiatives tels que des task forces interservices, des comités d’innovation ou des dispositifs qui laissent les collaborateurs travailler sur des projets personnels.

« Ces initiatives ne sont jamais que l’enrichissement d’un système unique », prévient John Kotter. Ce système dual, mis en exergue par l’auteur, présente l’avantage de concerner moins le management que le pilotage d’initiatives stratégiques. Mieux, « alors qu’une hiérarchie classique ne change généralement pas beaucoup d’année en année, ce type de réseau se transforme constamment et avec facilité. Il libère l’information prisonnière des silos et de ses strates hiérarchiques », résume l’auteur.

Le système dual (un côté hiérarchie, un côté réseau) a plusieurs caractéristiques : des profils diversifiés, un état d’esprit de type « on y croit » plutôt que « il faut », davantage de leadership que de management…

Comment faire pour passer d’un monde à l’autre ? John Kotter, à partir de son observation d’entreprises, identifie huit accélérateurs :

1. Créer un sentiment d’urgence autour des opportunités, pour adresser les menaces et les possibilités stratégiques.

2. Construire une coalition pilote, composée de personnes venues de toute l’organisation, de tous niveaux hiérarchiques. « Ce noyau dur a l’énergie, l’engagement intellectuel et émotionnel, les connexions, les compétences et l’information », précise l’auteur.

3. Constituer une vision des initiatives stratégiques, celles qu’une hiérarchie traditionnelle ne peut prendre en compte par elle-même.

4. Lever une armée de volontaires, qui diffusent, dans l’organisation, « des informations sur la vision du changement et les initiatives stratégiques en vue de susciter l’intérêt et l’adhésion du plus grand nombre de personnes », décrit l’auteur. En principe, 5 à 10 % de la population des managers et des employés d’une hiérarchie suffisent pour que le réseau fonctionne, surtout s’ils ont une bonne connaissance de l’organisation, ont du réseau, de la crédibilité et de l’influence.

5. Faciliter l’action en supprimant les obstacles, en mettant l’accent sur ce qui se fait actuellement (pour éviter les chevauchements), sur ce qui a été fait (pour éviter de refaire), ainsi que sur les objectifs opérationnels.

6. Produire et fêter des victoires de court terme, en les rendant plus visibles dans l’organisation, des plus grandes aux plus modestes. « Ces victoires jouent un rôle psychologique important et un rôle crucial, elles confèrent de la crédibilité qui, à son tour, favorise la coopération dans l’organisation », explique John Kotter.

7. Entretenir l’accélération, qui est « l’exact opposé d’une approche et d’un état d’esprit de type « une fois que c’est fait, on n’en parle plus ». »

8. Instituer le changement pour l’intégrer aux processus, aux systèmes, aux procédures et aux comportements.

L’auteur l’assure : « Lorsque tous ces accélérateurs fonctionnent correctement, ils résolvent naturellement les défis inhérents à la construction d’un type nouveau et différent d’organisation. Ils fournissent l’énergie, les volontaires, la coordination, l’intégration de la hiérarchie et du réseau et la coopération nécessaires. » Cela ne nécessite d’ailleurs pas de profonds changements : « Il y a beaucoup moins de risques qu’on pourrait le penser », assène l’auteur. La tâche la plus difficile reste de « réussir à convaincre des personnes élevées au biberon des hiérarchies qu’un système dual est tout de même possible », dans un contexte où, affirme John Kotter, « le XXIème siècle nous obligera tous à évoluer vers une forme fondamentalement nouvelle d’organisation. »

Hiérarchie et réseau d’accélération : les différences
Hiérarchie traditionnelle Réseau d’accélération
Fiabilité et efficacité Agilité et rapidité (bond dans l’avenir)
Changement progressif et prévisible Innovation permanente
Outils de management :

  • Plans
  • Budgets
  • Description de postes
  • Rémunérations
  • Indicateurs
  • Résolution de problèmes
Attitudes :

  • Urgence face aux opportunités
  • Coalition pilote de volontaires
  • Vision du changement
  • Renversement d’obstacles
  • Victoires fêtées
  • Institutionnalisation des changements

 


Les autres idées à retenir

• Le type de réussite que Google et Facebook ont connu en cinq à dix ans n’a jamais existé auparavant. Jamais…
• Les personnes des niveaux intermédiaires font le « management », sans que l’on ne sache plus ce que cela signifie. Cette manière d’envisager les choses est erronée et de plus en plus problématique.
• Le management n’est pas le leadership, qui montre le chemin. En l’absence de leadership suffisant, les entreprises confrontées à un monde qui change rapidement deviennent immobiles et finissent par échouer.
• Pour recueillir l’adhésion des individus, il faut parler à leur esprit et à leur cœur. Or, le système hiérarchique traditionnel repose sur l’idée que la rationalité et l’argent sont les ingrédients essentiels pour motiver les individus à accepter d’être désignés comme agents du changement.
• Une hiérarchie fondée sur le management, construite pour être fiable et efficace maintenant, s’arc-boute contre tout changement d’importance.
• Un business case est un outil purement analytique, conçu pour séduire la rationalité, pas les émotions.
• L’urgence ne mène à rien si elle pousse les individus dans des dizaines de directions différentes.