Après l’accident de parcours de 2020, le marché de la dématérialisation fera preuve d’une belle vitalité, selon une étude du cabinet Xerfi. D’ici 2024, il progressera en effet au rythme de 5,3% par an moyenne pour dépasser les 9,5 milliards d’euros (dont 62% pour les flux entrants/sortants/circulants), prévoient les experts de Xerfi Precepta. Pour ces derniers, « il faut dire que les moteurs ne manquent pas entre l’impulsion des pouvoirs publics concernant la facturation électronique, la digitalisation accrue des entreprises, une demande soutenue (entre autres pour réduire les coûts), des besoins de plus en plus complexes et transverses (sectoriels, fonctionnels et géographiques), une offre des prestataires plus claire et enfin des outils technologiques de plus en plus performants. »
Malgré les offensives des acteurs pour saisir les nombreuses opportunités liées à la dématérialisation de documents, il leur faudra relever certains défis pour consolider leurs positions. C’est d’autant plus vrai que le contexte macro-économique (hausse des taux et durcissement des conditions d’accès au crédit) va remettre à plat les modes de croissance.
Les acteurs du marché voient de réelles opportunités de marché. A partir de 2023, toutes les entreprises auront en effet l’obligation de réceptionner leurs factures au format numérique. Les grandes entreprises et les ETI seront en outre obligées d’émettre leurs factures en version électronique respectivement en 2023 et 2024. Dans le même temps, le souci de préserver leurs marges dans un contexte économique incertain va conduire les entreprises à réduire les coûts, principal atout de la dématérialisation.
Dans ces conditions, les prestataires activent quatre grands leviers, selon Xerfi. D’abord, ils étoffent leur portefeuille de compétences, à l’image de Docaposte qui a multiplié les acquisitions pour se renforcer sur le segment de la lettre recommandée/signature électronique. « Compte tenu de la forte dimension technique de la dématérialisation, les opérateurs misent également sur l’innovation. Les prestataires s’attachent aussi à développer leurs expertises sectorielles pour proposer des solutions digitales personnalisées », précise Thomas Roux, auteur de l’étude. La crise sanitaire a en effet accéléré les besoins dans la santé, le e-commerce ou encore l’assurance. Par ailleurs, tous les acteurs mettent le cap sur l’international pour saisir de nouveaux débouchés, à l’instar de YouSign qui a ouvert ses premiers bureaux en Allemagne et en Italie en avril dernier.
Consolider ses positions
L’intensification progressive de la concurrence va néanmoins contraindre à relever certains défis pour rester dans la course. Prestataires de services, éditeurs de logiciels ou intégrateurs, ils vont en effet devoir redoubler d’efforts pour se différencier. Autrement dit, la promesse de réduction des coûts doit désormais s’accompagner d’une dimension plus qualitative et créatrice de valeur pour le client (offre plus complète, plus spécialisée par exemple). Ils devront également s’attacher à communiquer de manière transparente pour rassurer les clients potentiels et existants. Face aux menaces croissantes de cyberattaques, certaines grandes entreprises répugnent à externaliser la gestion de leurs données et documents.
Ils devront en outre préserver leur compétitivité, tâche malaisée dans le contexte inflationniste actuel. Plusieurs solutions sont alors possibles pour maintenir leurs marges (11,2% de taux d’excédent brut d’exploitation en 2022) : utilisation plus massive des outils digitaux en interne, remise à plat de l’organisation des bureaux, recours accru au travail indépendant, augmentation du poids de l’offshoring…
Vers un décloisonnement de la filière
Sous l’effet de la démocratisation de la dématérialisation des documents et des besoins élargis des donneurs d’ordres, la filière va peu à peu se décloisonner. « En clair, les positionnements multispécialistes vont s’accroître pour répondre aux besoins des clients. Mais le jeu concurrentiel va également être impacté par la hausse des taux et le durcissement des conditions d’accès au crédit », précise Thomas Roux.
De quoi remettre en cause les fusions-acquisitions très répandues dans le secteur et ainsi remettre au premier plan la croissance organique et les alliances stratégiques. C’est ce qu’illustre le renforcement de l’alliance conclue entre Esker et Grant Thornton en mai 2022. La co-traitance va ainsi prendre de l’ampleur à court et moyen terme.
De la même façon, les barrières à l’entrée seront plus élevées, limitant ainsi l’incursion de nouveaux entrants majeurs sur le marché. Au final, la mainmise des leaders (Docaposte, Quadient, Cegedim, Tessi…) sur le marché devrait s’accentuer.