La transformation numérique occupe une large place dans les médias, l’agenda des directions générales, les préoccupations des DSI, les comportements des consommateurs et des utilisateurs. Pour mesurer les caractéristiques de la transformation numérique des entreprises et organisations françaises, Digitalonomics/Best Practices a mené une enquête, fin 2015, auprès de 169 entreprises.
Les principaux enseignements de cette étude sont les suivants :
– les enjeux de la transformation numérique portent avant tout sur l’amélioration des relations avec les clients, la recherche d’agilité et de performance.
– la transformation numérique doit concilier des impératifs de sécurité et d’innovation, tout en s’intégrant dans une complexité existante du système d’information.
– La culture numérique reste très disparate dans les entreprises, mais elle progresse de façon significative.
– Les acteurs les plus actifs de la transformation numérique sont les DSI, les directions générales et les directions marketing.
– La transformation numérique va entraîner une évolution du métier du DSI, avec trois tendances majeures : un rapprochement encore plus étroit avec les métiers, une transformation du portefeuille des compétences et un positionnement du DSI davantage comme broker de services.
– Mener à bien une transformation numérique se heurte à plusieurs contraintes, dont trois ont été mises en exergue : des structures organisationnelles trop lourdes, un retour sur investissement difficile à évaluer et une dispersion des responsabilités.
– Des risques ont été identifiées, telles que la perte de confidentialité des données et l’absence de vision consolidée du système d’information.
– Le niveau de maturité moyen des entreprises et organisations françaises se situe à 3,9, sur une échelle de 1 (faible) à 7 (très élevé).
Les enjeux de la transformation numérique : le client, la performance, l’agilité
Les enjeux de la transformation numérique identifiés concernent trois domaines qui, pour la plupart des entreprises, apparaissent comme stratégiques : les relations avec les clients, la performance de l’entreprise et l’agilité de l’organisation. Ainsi, améliorer l’expérience client est considéré comme « important ou très important » par neuf répondants sur dix et fluidifier le parcours client par sept répondants sur dix.
La posture numérique vers l’externe n’est évidemment pas la seule justification de la transformation numérique. Dans les entreprises, améliorer les performances opérationnelles et favoriser l’agilité sont considérés comme « très importants » par plus d’un répondant sur deux.
Le fait que ces trois domaines ressortent particulièrement comme des enjeux majeurs est logique dans la mesure où cela correspond à des points faibles dans la plupart des entreprises : malgré les discours sur l’importance de la relation client, le passage à l’action s’avère souvent difficile, le décalage entre les comportements et les pratiques des clients et celles des entreprises reste significatif.
De même, dans un environnement concurrentiel exacerbé, la performance opérationnelle, dans tous les domaines, devient le leitmotiv des directions générales. Quant au besoin d’agilité, il suffit d’observer les méthodes de travail et de collaboration (ou de non collaboration) entre les métiers pour se convaincre qu’il reste du chemin à parcourir : avec le numérique toute agilité supplémentaire est bonne à prendre.
Parmi les différents facteurs suggérés comme étant des enjeux de la transformation numérique, certains apparaissent comme moins prioritaires, notamment « mieux travailler avec l’écosystème », « capitaliser sur le Big Data et l’analytique pour faciliter les prises de décisions » : un répondant que quatre seulement considère ces aspects comme « très importants ».
Les challenges technologiques : la sécurité en première ligne
La mise en œuvre de la transformation numérique se heurte évidemment à un certain nombre d’obstacles. Trois ont été mis en exergue par les répondants : d’abord, la nécessité de garantir la disponibilité des applications et l’intégrité des informations. Dès lors que la transformation numérique étend le nombre de parties prenantes, introduit des technologies nouvelles, et de rupture, et ouvre davantage l’entreprise vers l’extérieur, en particulier les clients, ces préoccupations trouvent leur sens.
On imagine mal, en effet, une amélioration de l’expérience client, dont on a vu que c’est l’un des premiers enjeux de la transformation numérique, se traduire par des dysfonctionnements dans la disponibilité des applications et dans des failles conduisant à la compromission des données personnelles des clients ou des partenaires.
Le second challenge cité comme très important concerne la gestion de la complexité. Les promoteurs de la transformation numérique, qu’ils s’agisse des DSI, des métiers ou des directions générales, doivent composer avec les systèmes existants, dont beaucoup sont très anciens, notamment dans les grandes entreprises, peu flexibles et complexes à faire évoluer à moindre coût.
Un troisième facteur cité comme très important se réfère à l’innovation : la transformation numérique, par définition source d’innovation, impose de « suivre le mouvement ». C’est une rupture par rapport aux évolutions antérieures, où la durée d’un système d’information était relativement longue.
Avec la transformation numérique, c’est l’agilité qui prime, ce qui suppose une adaptation permanente des systèmes d’information, des applications, des architectures techniques et des modes de gestion de projet. D’autant plus que l’implication des métiers devient prépondérante et ceux-ci ne manquent pas d’idées…
La culture numérique
La transformation numérique est autant une affaire de culture, de l’entreprise et de ceux qui y travaillent, qu’une affaire de technologie. Sur ce terrain, on observe un élément négatif et un autre beaucoup plus positif. Globalement, la culture numérique est éclatée dans l’entreprise : dans une sur deux, ce sont certaines directions métiers qui semblent les plus en avance.
Rares sont les entreprises qui sont vraiment en « ordre de marche » pour la transformation numérique, même si les utilisateurs, les DSI et les directions générales comprennent les enjeux. La bonne nouvelle est qu’un répondant sur deux affirme que, depuis deux ans, la culture numérique dans leur organisation a fortement progressé.
Les acteurs de la transformation numérique
Si, en théorie, toutes les parties prenantes d’une organisation peuvent revendiquer une implication dans la transformation numérique, dans la réalité, ce sont plutôt les DSI (sept entreprises sur dix), les directions générales (six entreprises sur dix) et les directions marketing (près de six entreprises sur dix) qui sont en pointe sur le sujet et considérées comme « très impliquées ».
L’évolution du métier de DSI
Que devient le DSI dans un contexte de transformation numérique ? Il est évidemment très impliqué, mais, à moyen ou court terme, comment va évoluer son positionnement, ses missions, ses moyens et ses relations avec les autres entités métiers ou transversales (par exemple les chief digital officers) ? Trois tendances se dégagent des réponses à l’enquête.
La première tendance est que, logiquement, les relations entre DSI et métiers vont devoir de resserrer. C’est l’essence même de la transformation numérique que de faire collaborer toutes les parties prenantes de manière à combiner la vision stratégique des directions générales, les besoins des métiers, les envies des utilisateurs et les expertises des DSI. Cette nécessité de collaboration a été mise en avant par 77,5 % des répondants.
La deuxième tendance va conduire les DSI à faire évoluer leurs portefeuilles de compétences. La transformation numérique implique en effet un changement à trois niveaux, pour les DSI : le niveau technique dès lors qu’il faut envisager de nouvelles architectures (avec davantage d’intégration) et des infrastructures renouvelées (en mode cloud) ; le niveau managérial (pour le leadership et les relations plus étroites avec les métiers) et le mode d’organisation, avec un changement de processus et d’approches dans la gestion de projet.
La troisième tendance qui a été mises en exergue par les répondants à l’enquête est le fait que le DSI deviendra de plus en plus un broker de services, d’applications et d’infrastructures pour les métiers. Autrement dit, passer d’une logique « faire » à une logique « faire faire ». Cette évolution sera renforcée par l’usage généralisé du cloud.
Dès lors que l’on combine les quatre environnements différents du cloud (privé, communautaire, public et hybride), ses cinq caractéristiques opérationnelles (utilisation mesurable et facturation à l’usage, évolutivité rapide, mutualisation des ressources, accessibilité sans limite et libre-service), et trois types de services possibles (SaaS, PaaS, IaaS), proposés par des milliers de fournisseurs (éditeurs, acteurs du services, sociétés de conseil, opérateurs, revendeurs, intégrateurs, fournisseurs d’infrastructures…), le rôle du DSI sera de guider les métiers et de les accompagner dans leurs choix de solutions.
En revanche, peu de répondants (un sur dix) se disent persuadés que le DSI sera marginalisé par la transformation numérique, ou face à l’autonomie des métiers pour leurs investissements IT ou qu’il se contentera de gérer des services et des applications externalisés dans le cloud.
Ce constat est plutôt rassurant pour les DSI, car il confirme que ceux-ci ont une carte à jouer dans la transformation numérique de leur organisation et pas seulement au titre de spectateur ou de fonction support.
Les contraintes rencontrées
La transformation numérique des entreprises n’est, hélas, pas un long fleuve tranquille. Ceux qui ont la responsabilité de la mener à bien doivent s’affranchir de nombreuses contraintes. Les répondants à l’enquête ont mis en avant des contraintes de trois types :
– organisationnelles : les structures en place s’avèrent trop lourdes,
– économiques : difficulté à identifier le retour sur investissement et la création de valeur,
– managérial (dispersion des responsabilités).
Les contraintes techniques ne sont pas considérées comme déterminantes, qu’il s’agisse d’identifier les bons fournisseurs, de gérer des infrastructures hybrides (cloud et SI interne) ou même de contrôler le BYOD (Bring your own device). Ces éléments sont relativement bien maîtrisés : les fournisseurs communiquent beaucoup sur leurs expertises en matière de transformation numérique, les offres cloud sont matures et s’intègrent facilement avec le SI existant et le BYOD ne pose guère de difficultés si l’on applique les bonnes pratiques pour éviter d’en perdre le contrôle.
Il reste toutefois des points d’attention, c’est-à-dire des contraintes qui, si elles ne sont pas considérées comme majeure, peuvent freiner la transformation numérique des entreprises. Elles ne sont pas liées à la technologie, mais concernent les comportements des individus. Il s’agit, notamment, du déficit de culture numérique des collaborateurs, du manque de proactivité des métiers et de l’inadaptation des compétences des équipes de la DSI.
Les risques
La transformation numérique n’est pas sans risques et deux sont mis en exergue par les répondants à l’enquête : la perte de confidentialité des données et l’absence de vision consolidée du système d’information. Le risque que le DSI perde son pouvoir face aux métiers est considéré comme peu probable, ce qui est cohérent avec les opinions sur l’évolution du rôle du DSI.
Deux autres risques, qui ne sont pas considérés comme majeurs, méritent toutefois l’attention : d’une part, le risque de dépendance à l’égard des fournisseurs de cloud (seulement un répondant sur dix le juge négligeable, quatre sur dix le considère comme « important ou très important »). D’autre part, la pénurie de compétences et la non disponibilité des applications.
Le niveau de maturité
Où en sont les entreprises françaises ? Les résultats de l’enquête montre que la situation est très encourageante : ainsi, quatre entreprises sur dix ont défini une stratégie globale et, dans une proportion similaire, il existe des initiatives individuelles ou par entités métiers. Une minorité (moins de 7 % des entreprises) n’a engagé aucune initiative et une organisation sur dix se situe encore dans une phase de réflexion plus ou moins avancée.
En terme de maturité, on aboutit à une courbe classique : sur une échelle de 1 à 7, une entreprise sur trois affirme se situer au niveau 4, une sur quatre au niveau 3 et une sur cinq au niveau 5. Globalement, huit entreprises sur dix se positionnent aux niveaux 3, 4 et 5.