L’industrie cosmétique, soumise à de nombreuses contraintes réglementaires et de sécurité sanitaire, s’appuie sur différentes méthodes pour prédire les propriétés de ses produits.
Maquillage, crèmes, shampoings ou lotions après-rasage, les cosmétiques sont utilisés quotidiennement par des millions de consommateurs. La plupart de ces produits sont directement en contact avec la peau ou les yeux, organes fragiles et portes d’entrée sur le reste du corps : de nombreuses substances peuvent en effet pénétrer dans l’organisme à travers l’absorption cutanée, provoquant intolérances, voire allergies.
Dans ce contexte, les fabricants de cosmétiques doivent impérativement tester leurs produits avant toute mise sur le marché, pour s’assurer qu’ils sont bien tolérés par les consommateurs.
Dans l’Union Européenne, les tests in vivo effectués sur des animaux sont interdits depuis mars 2009. Plusieurs industriels ont cependant anticipé cette interdiction pour répondre aux exigences de consommateurs de plus en plus attentifs à ces questions. Parmi les approches explorées figurent les tests sur des tissus artificiels, les sciences en -omique et la prédiction à partir de modèles numériques.
Tests in vitro : d’énormes volumes de données
Depuis le début des années 1980, certains industriels ont mis au point des méthodes d’évaluation, basées sur les tests in vitro. Il s’agit de reconstruire artificiellement des échantillons de tissus humains avec les différentes particularités existant dans le monde, puis d’utiliser ces supports pour évaluer les propriétés des produits cosmétiques.
Ces tests, menés sur grande échelle, permettent de collecter des volumes de données très conséquents. Dans le laboratoire de L’Oréal à Gerland, dans la région lyonnaise, ce sont par exemple plus de 130 000 échantillons de tissus biologiques qui sont produits chaque année. Les données issues de ces tests sont ensuite agrégées et analysées pour prédire les caractéristiques des différentes molécules.
Les –omiques, pour comprendre le fonctionnement des cellules
Pour interpréter les résultats, les chercheurs peuvent s’appuyer sur des bases de données constituées par des sciences comme la génomique (étude du génome), les plus récentes transcriptomique (étude du transcriptome, c’est-à-dire l’ensemble des ARN – Acide Ribonucléique – messagers qui codent la synthèse des protéines) et protéomique (étude des protéines produites par les cellules).
La difficulté principale est d’intégrer l’ensemble des données issues de ces sciences, pour avoir une vision globale des systèmes vivants (biologie systémique) et des mécanismes entrant en jeu dans différents phénomènes, comme l’acné ou le vieillissement cellulaire. Dans cette optique, les chercheurs de P&G Beauty ont par exemple développé un outil leur permettant de suivre 9,4 millions de changements génétiques et des centaines de changements dans l’expression des protéines et des métabolites en une seule expérience.
Modélisation : un tamis pour molécules
Une autre approche possible est la modélisation moléculaire, fréquemment utilisée dans le secteur pharmaceutique. Il s’agit dans ce cas de modéliser par ordinateur – in silico– des molécules, puis d’analyser leur structure pour en déduire certaines propriétés. Cette approche permet notamment de faire des tris dans des milliers de molécules candidates, en éliminant celles qui sont potentiellement toxiques ou mal tolérées.
Ces analyses prédictives permettent donc de gagner du temps lors des processus de R&D, en identifiant les axes les plus prometteurs. Néanmoins l’usage dans le secteur des cosmétiques reste plus limité que dans la pharmacie, les propriétés cosmétiques étant plus difficiles à caractériser que les propriétés thérapeutiques.