Comment planter un projet qui a coûté cinq fois plus que prévu ? C’est très simple et la méthode est décrite par la cour des comptes, qui s’est intéressée au projet Sirhen (système d’information et de gestion des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche).
Au départ, en 2008, il s’agissait d’un projet à 60 millions d’euros, qui devait aboutir en 2012. Et aujourd’hui ? Un quintuplement du coût (286 millions d’euros) et une échéance reportée à 2023. Que s’est-il passé ? Hélas, tout était parfaitement prévisible. La cour des comptes a mis en exergue tout ce qu’il faut faire pour rater un projet : pas de cadrage technique et financier, des difficultés mal maîtrisées, un prestataire qui ne peut livrer une solution de qualité suffisante, une sous-estimation de la complexité, une externalisation de la conduite de projet, une équipe interne trop réduite, pas de dispositif transversal de suivi, une trop forte dépendance aux prestataires, un défaut de vigilance, une appréciation insuffisante des risques, des réactions trop tardives… Avec une telle liste, ce n’est plus de la négligence, c’est quasiment du sabotage caractérisé !
Dans ses trois recommandations à la ministre (renforcer le pilotage, recentrer le programme, documenter le suivi financier), la cour des comptes ne suggère pas de remplacer ceux qui sont responsables de ce fiasco. C’est pourtant la première action à entreprendre. On imagine difficilement qu’un même scénario, dans une entreprise privée, ne puisse faire de dégâts pour le DSI : proposer un projet sur quinze ans, avec un quintuplement des coûts, mené par une équipe de bras cassés et des prestataires qui ont les clés du système, il faudrait qu’il ait de la chance, ou de solides relations, pour demeurer à son poste.
Il est peu probable qu’il en soit de même chez les prestataires : ceux-ci ne vont pas se plaindre d’avoir engrangé quelques dizaines de millions supplémentaires et les responsables pourraient même être promus pour leur habilité et leur active contribution à l’amélioration des bénéfices pour enrichir les actionnaires privés avec de l’argent public !