Le cloud change-t-il vraiment les missions, le positionnement et la manière de travailler des DSI ? Une table-ronde, organisée par Digora le 22 novembre 2018, a réuni deux DSI et un responsable des opérations pour répondre à ces questions.
La recherche d’agilité et de simplification apparaît comme l’enjeu majeur des DSI. Chez Filassistance, une société de 150 personnes (dont une dizaine à la DSI) qui propose, en marque blanche, des services d’assistance dans les domaines de l’automobile, de l’habitation et du médical, l’agilité est au cœur du métier : « Elle est indispensable pour pouvoir proposer de nouveaux services, par exemple une montre connectée pour l’assistance aux personnes âgées », explique Hafida Boukhemma-Chaïb, DSI de l’entreprise. Ce besoin d’agilité est évidemment très visible auprès des métiers.
Pour David Aubert, DSI de Bandai Namco, « l’enjeu est de replacer le système d’information au centre du business. D’autant que notre équipe digitale exprime des besoins importants, la DSI doit lui apporter de la valeur. Avec de l’agilité, il est plus facile de faire prendre conscience à la direction générale que la DSI joue un rôle majeur. Les métiers nous sollicitent en permanence, ont besoin d’être rassurés, mais nous avons souvent du mal à suivre, parce qu’il y a plus de métiers que de DSI ! »
Plus d’agilité, moins de complexité
Le recours au cloud constitue l’une des voies pour devenir plus agile et réduire la complexité. « Nous souhaitons simplifier notre système d’information, notamment en passant de deux ERP à un seul. En outre, nous avons un enjeu de disponibilité, avec un fonctionnement en 24/7 avec nos usines, et de pérennité des compétences de nos équipes, parce qu’il est toujours difficile de recruter », souligne Thibault Maymil, responsable des opérations de Poclain Hydraulics.
Selon lui, le cloud permet de « s’affranchir des contraintes de maintien en conditions opérationnelles et de suivi du périmètre applicatif, de sorte que l’on peut se concentrer sur l’accompagnement des métiers. On ne peut plus gérer des datacenters, notre métier est de produire des transmissions hydrostatiques et des moteurs, pas faire de l’IT ! »
S’affranchir de contraintes techniques chronophages
Pour sa part, David Aubert, DSI de Bandai Namco, estime que le cloud doit devenir la priorité dès lors que cela conduit à créer de la valeur et qu’il n’y a pas de gap budgétaire ni de difficultés d’intégration avec l’existant. « Avec le cloud, on ne gère plus les systèmes d’exploitation, ni les serveurs, ni la disponibilité. Les acteurs du cloud sont bien meilleurs que nous dans le domaine de la sécurité. C’est, en outre, facile à vendre aux métiers et à la direction générale, car les arguments n’ont rien de technique.
Pour notre ERP (Oracle E-Business Suite), en production depuis avril 2018, nous ne nous sommes pas posés la question : il fonctionne dans le cloud ! » Dans le cloud, Bandai Namco utilise également, depuis trois ans, Office 365, ainsi qu’un outil d’EPM en mode Saas (Tagetik). « Et pour des domaines tels que le Big Data ou l’IoT, il ne faut même pas se poser la question ! », ajoute le DSI de Bandai Namco.
Cela implique bien sûr un changement de culture : « Les équipes IT sont généralement plutôt enthousiastes vis-à-vis des migrations vers le cloud, dans la mesure où le maintien du On Premise devient de plus en plus pesant. Mais il faut passer du mode faire au mode faire-faire et piloter les prestataires : cela transforme les tâches de ceux qui ont les « mains dans le cambouis » et qui ont le réflexe, bien naturel, de les y remettre dès que possible… », reconnaît Thibault Maymil.
Attention aux coûts cachés
En principe, le cloud réduit les coûts, mais pas toujours. Selon Franck Nassah, vice-président Digital Business et Innovation chez Teknowlogy (ex-PAC), « Tant que les machines sont actives, le compteur tourne, c’est l’Open Bar qui coûte cher… Et lorsqu’une entreprise recourt à plusieurs prestataires de cloud, cela devient vite compliqué, d’où l’intérêt de faire appel à des intermédiaires, prestataires de services managés, pour gérer cet aspect, d’autant que les fournisseurs de cloud ne s’engagent pas sur des KPI ou des SLA. »
Pour le Iaas, la concurrence que se livrent les grands prestataires (Amazon, Microsoft et Google) évite, pour l’instant, une flambée des coûts, même si leur prédictibilité reste problématique. « Je suis plus inquiet pour des applications comme Office 365 où la concurrence est quasi-inexistante », note Thibault Maymil, pour qui l’argument coût passe au second plan dès lors que la DSI se concentre sur l’accompagnement des métiers.
Même des DSI plutôt réticents considèrent le cloud comme une approche pertinente. « Je suis plutôt réservée vis-à-vis du cloud, pour des questions de maîtrise du système d’information, de contraintes réglementaires (données de santé), de traçabilité, de qualité et de latence du réseau. En outre, avec nos exigences de fonctionnement en 24 heures sur 24, si le prestataire n’est pas à la hauteur, nous sommes en situation de risques. Dans la mesure où nous hébergeons des données de santé qui sont critiques, nous ne pouvons pas utiliser Office 365. Donc, je commence par des petits projets, non critiques, qui s’interfacent peu avec le système d’information, car il faut bien y aller ! », confie Hafida Boukhemma-Chaïb, DSI de Filassistance.
Une carte à jouer pour l’innovation
Globalement, le cloud peut aider les DSI à parfaire leur image d’innovateurs. Chez Poclain Hydraulics, le cloud a également été retenu pour les initiatives sur l’IoT, par exemple dans le domaine de la production, afin de collecter des données sur les machines et de développer la maintenance prédictive des équipements. « On ne s’est pas posé la question cloud ou pas cloud, nous avons opté pour le cloud pour la scalabilité dont nous avons besoin, d’autant qu’on ne connaît pas les volumes que nous aurons à traiter, ni les usages, ni le périmètre des projets », précise Thibault Maymil.
« Sur Office 365, la DSI a été force de proposition, de même que pour l’IoT. Mais la DSI souffre toujours d’une image castratrice, alors que les métiers fourmillent d’idées. D’autant que nous ne pratiquons pas la refacturation interne, ils ont donc intérêt à avoir des idées, puisque ce ne sont pas eux qui paient leur mise en œuvre ! Il faut les accompagner et (re)prendre le lead », ajoute le responsable des opérations de Poclain Hydraulics. Pour le DSI de Bandai Namco, « La DSI a un rôle de force de proposition, il faut expliquer ce que le cloud apporte aux métiers. Cela nous apporte de la crédibilité à la DSI, même si, dans les petites structures comme les nôtres, c’est relativement plus facile, du fait d’une proximité avec les métiers et la direction générale. » Chez Filassistance, l’enjeu sera, selon la DSI « de créer de nouvelles offres autour des objets connectés en 2019. »
Le Big Data et le cloud tirent le marché français des services | ||
Domaines | Taille du marché 2018 | Croissance en 2019 |
Big Data | 1,8 milliard € | + 36 % |
Cloud | 13,4 milliards € | + 27 % |
Internet des objets | 6 milliards € | + 23 % |
Sécurité | 2,3 milliards € | + 12 % |
Transformation digitale | 5,9 milliards € | + 11,4 % |
Source : Teknowlogy, PAC. |