La préparation d’un appel d’offre est une phase est critique pour la réussite des projets et la qualité des relations avec les fournisseurs. Dans le cas de grands projets, compliqués, stratégiques, les défections des fournisseurs en cours de route ne sont pas rares et peuvent en compromettre la bonne fin.
À ce titre, se prémunir contre ce risque est essentiel. Pour cela, on peut privilégier trois actions :
- Envoyer un NDA (Non Disclosure Agreement ou engagement de confidentialité) précisant le périmètre de confidentialité à respecter et la date approximative de l’émission de l’appel d’offre. Il faut exiger le NDA signé et tamponné avant d’émettre l’appel d’offre.
- Dès l’émission de l’appel d’offre, demander, sous deux jours ouvrés, un accusé de réception.
- Ensuite, demander au fournisseur, dans un délai court, variable selon la taille de l’appel d’offre, de confirmer par écrit (lettre papier avec signature manuscrite et tampon) :
~ Son intention de répondre (ou pas).
~ Son engagement à respecter les règles et l’esprit de la consultation.
~ Qu’il a compris le caractère stratégique de l’appel d’offre et qu’il mettra en face une équipe à la hauteur des enjeux.
Cela peut sembler puéril de demander une lettre papier avec une signature manuscrite et un tampon mais, d’expérience, cela permet d’éliminer en amont des fournisseurs qui, au final, n’auraient pas répondu. Par exemple, à quatre reprises, dans quatre contextes client différents, j’ai eu le même fournisseur qui m’a fait défaut, parfois au début du processus d’appel d’offre, parfois la veille de la présentation orale de son offre. Sur tous les projets suivants où j’ai eu à traiter avec ce même fournisseur (et en général sur l’insistance de mes clients) et où j’ai demandé un engagement écrit sur le respect des règles et le fait de répondre, ce même fournisseur n’a jamais pu me le fournir…
Dans un précédent article (Voir Best Practices n° 198), j’ai expliqué qu’il ne fallait pas hésiter à mettre les fournisseurs sous pression. Leur expliquer à l’avance qu’ils devront signer un NDA, qu’ils devront accuser réception de l’appel d’offres sous 48 heures et qu’ils devront confirmer sous une semaine leur intention de répondre, fait partie de cette mise sous tension.
Il peut être pertinent d’organiser une séance initiale de présentation de l’appel d’offre. D’une part, cela permet de faire connaissance, d’autre part, d’échanger sur les objectifs visés, la structure des documents, les obligations et l’état d’esprit de travail.
En revanche, je ne suis pas partisan des séances en commun avec tous les fournisseurs en même temps, car dans ce cas, certains candidats ne viennent pas. Le déroulement de l’appel d’offre reste très dépendant du contexte et du niveau de précision du cahier des charges. Ainsi, il n’est pas inutile de demander aux soumissionnaires, à plusieurs reprises, s’ils ont les éléments nécessaires, si le développement de leur offre avance comme ils le souhaitent et de le consigner par écrit, ne fut-ce que dans un mail « anodin ». C’est un moyen supplémentaire de se prémunir (ou de détecter) contre une offre qui n’arrivera pas ou un délai qui serait demandé. Il convient aussi d’inciter les fournisseurs à dévoiler le plus tôt possible les orientations stratégiques de leur offre, afin de leur éviter une « sortie de route » qui les disqualifierait.
Cet article a été rédigé par Pierre-Albert Carlier, consultant en systèmes d’information, DSI de transition et fondateur de MonCIO (moncio.com).
Situations vécues
- Des personnes font le guet dans la rue et prennent en photo les visiteurs depuis leur voiture, afin d’identifier combien de sociétés concourent, ainsi que la composition de leur équipe.
- Un ingénieur commercial photographie le registre des arrivées.
Trois principes pour organiser les réunions avec les fournisseurs
- Entre les présentations de différents fournisseurs, penser à :
~ Ranger les documents qui pourraient permettre d’identifier les sociétés.
~ Effacer les tableaux.
~ Arracher les pages de « paper board ». - Les réunions doivent avoir la même durée pour tous les fournisseurs.
- Sur des appels d’offres où la confidentialité des sociétés qui concourent est essentielle :
~ Prévoir trente minutes entre le départ d’un soumissionnaire et l’arrivée du suivant.
~ Disposer d’un circuit d’arrivée et d’un circuit de départ qui ne se croisent pas.
~ Se méfier des registres de visite à l’accueil qui permettent de savoir qui est venu vous rendre visite.
Conception et émission d’un appel d’offre : les bonnes pratiques à retenir
- Bien gérer un appel d’offre est une opportunité d’anticiper sur la négociation et le contrat et d’arriver en position de force.
- Il est essentiel de maintenir de bonnes relations avec les fournisseurs, les gagnants comme les perdants. Un processus rigoureux et transparent en est une garantie.
- Il faut utiliser toutes les étapes du processus pour mettre les fournisseurs en situation et les évaluer à chaque instant.
- Inclure dans l’équipe d’appel d’offre un représentant de la direction juridique, des achats et, si le contexte s’y prête, des ressources humaines, est une garantie pour éviter des délais internes en fin de processus.
- L’intérêt essentiel du lotissement est de permettre l’analyse et la comparaison des prix, puis la négociation. Il n’est en rien bloquant contractuellement.
- Regrouper tout ce qui concerne la gouvernance du projet ou de la prestation objet de l’appel d’offre dans un lot « gouvernance » qui ne sera pas facturé.
- Préciser que ni le nombre ni le type des sociétés consultées ne sera dévoilé… et respecter ce principe malgré les sollicitations.
- Demander plusieurs types de références : deux ou trois références pertinentes de chaque type suffisent.
- La liste des critères de choix publiée dans l’appel d’offre n’a qu’un seul intérêt : permettre de justifier facilement les raisons de ne pas retenir un fournisseur.
- Ne consulter que des fournisseurs qui sont initialement compatibles avec tous les critères de choix.
- Les prix doivent être garantis pendant toute la durée de l’appel d’offre et de la négociation du contrat.
- Se prémunir du risque de change en demandant des prix fixes et en euros.
- Demander à ce que le fournisseur regroupe toutes les exceptions au cahier des charges et les limites à son offre dans un chapître unique.
- Mettre toutes les clauses contractuelles déjà connues dans l’appel d’offre et demander à ce qu’elles soient retournées paraphées page par page.
- Sélectionner les sociétés de façon à constituer un panel différencié et éviter des offres trop semblables.
- Ne pas hésiter à consulter de petits fournisseurs, sans grande chance d’être retenus, mais en toute transparence. Ils vous en seront gré et hériteront peut-être d’une mission de conseil ou d’assistance à maîtrise d’ouvrage.
- Envoyer un NDA avant l’appel d’offre. Demander à ce que les fournisseurs accusent réception par écrit de l’appel d’offre sous 48 heures, puis confirment par écrit leur intention de répondre ou de décliner sous une semaine : cela évitera les déconvenues.