Dans ce groupe spécialisé dans la fabrication de papiers techniques et de création, la direction marketing a choisi de mettre en place une solution de CRM adaptée à ses besoins… sans passer par la DSI. Les équipes marketing d’Arjowiggins, le leader mondial de la fabrication de papiers techniques et de création, ont de nombreux interlocuteurs. Elles sont en relation directe avec des distributeurs-imprimeurs, eux-mêmes en contact avec les agences de création.
Ces dernières travaillent quant à elles pour les clients finaux, parmi lesquels beaucoup d’acteurs du luxe. « Récemment, l’entreprise a fait évoluer sa stratégie en nous demandant de nous rapprocher des sociétés du luxe », explique Christophe Balaresque, directeur marketing et marques de luxe chez le papetier, qui a témoigné lors du dernier salon Solutions, organisé à Paris-La Défense en octobre 2013. Il s’agissait notamment d’établir un contact direct avec les prescripteurs, tant chez les clients finaux qu’au sein des agences, où les directions artistiques établissent les tendances.
« Dans ce contexte, nous avions besoin d’une base de données réunissant les trois grands types de contacts (imprimeurs, agences de création et annonceurs) », raconte Christophe Balaresque. Sur le marché du luxe, à forte dimension internationale, il est fréquent, en effet, qu’un acteur basé en Europe fasse imprimer ses supports ailleurs, par exemple en Chine. « Nos représentants commerciaux en Chine doivent donc être informés des actions menées par les prescripteurs à Paris », souligne le directeur marketing. Afin de connecter toutes ces équipes, la direction marketing souhaitait mettre en place une base collaborative simple, permettant à chacun de communiquer avec les autres. « Nous voulions pouvoir relier entre eux les différents contacts établis avec une entreprise, afin de savoir précisément qui travaille avec qui, et qui fait quoi », précise Christophe Balaresque. Dans ce projet, le délai de mise en place de la solution était un point sensible. « Nous avions besoin d’avancer vite », insiste le directeur marketing.
Pour cette raison, il opte pour une solution en mode SaaS, sans étape de validation par la DSI. « Le terme CRM fait toujours un peu bondir les directions informatiques, aussi nous avons préféré parler de base de données pour stocker des comptes rendus. » L’entreprise choisit alors la solution Efficy proposée par Nextapplication, appréciant notamment le lien avec le réseau social LinkedIn et la capacité de l’outil à gérer de manière indépendante les informations liées aux individus et celles des entreprises clientes. « C’est à travers la définition de la fonction, par exemple « directrice artistique », que la personne et l’entreprise sont liées. Comme dans ces métiers les personnes bougent beaucoup, cela évite de créer des doublons et permet de déplacer facilement des contacts sans perdre l’historique de la relation », détaille Christophe Balaresque.
La mise en œuvre s’est effectuée en un mois. « Nous avions déjà des feuilles Excel dont les données ont pu être importées. Il a juste suffit de personnaliser les menus et les écrans, en ne proposant jamais plus de cinq choix, afin que l’outil reste simple ». Un seul administrateur interne est nécessaire, en l’occurrence le directeur marketing lui-même. Pour l’accompagnement du changement, l’entreprise a, là aussi, opté pour la simplicité, en privilégiant les formations en face à face ou par le biais de Skype, avec un partage d’écran. « D’abord, le formateur montre, et, ensuite, c’est à l’utilisateur de montrer ce qu’il a compris, car rien ne remplace la prise en main de l’outil ». Sur le sujet de la formation à distance, le directeur marketing adresse au passage une petite pique aux solutions de conférence en ligne classiques, « qui fonctionnent très bien… sauf quand on en a besoin ».
En amont, le partage de l’information résultant de la mise en place d’un outil collaboratif faisait partie des éléments suscitant quelques craintes. Au final, « une fois que l’information est partagée et que tout se passe bien, tout le monde est plus détendu », observe Christophe Balaresque, qui pointe également un management « impliqué et moteur » dans les facteurs de succès. Si, au départ, le projet était centré sur l’aspect « base de données partagée » et ciblait une vingtaine d’utilisateurs, progressivement, ceux-ci découvrent de nouvelles possibilités et leur nombre s’accroît. « Les fonctions de gestion de la relation client se sont mises en place naturellement, peu à peu nous gérons des projets marketing, c’est une bonne surprise » se réjouit Christophe Balaresque tout en plaisantant : « Nous avons mis en place un outil de CRM sans mener un projet de CRM. »
Au final, qu’en pense la DSI ? « Cela s’est bien passé, car nous ne lui avons pas créé de problèmes et lui avons facilité la vie », souligne le directeur marketing, qui ajoute, lucide : « Si le projet a pu être mené aussi facilement et rapidement, c’est parce que la solution mise en place est totalement indépendante de notre progiciel de gestion SAP. Dans notre outil, le client est vu dans une logique de relation commerciale, dans SAP le client est celui que nous facturons. S’il avait fallu lier les deux solutions, cela aurait pris un an… au lieu d’un mois ».
Relations directions marketing / DSI : une certaine incompréhension
A l’occasion d’une table ronde organisée par le Club de la Presse-B2B, Christine Removille, directrice Europe d’Accenture Interactive, a présenté une étude sur les relations entre DSI (CIO) et directions marketing (CMO). Pour celle-ci, 405 directeurs marketing et 252 DSI de tous secteurs ont été interrogés dans dix pays (France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, USA, Brésil, Canada, Chine, Australie et Singapour).
Au vu des résultats de cette étude, intitulée « The CMO-CIO disconnect », le moins que l’on puisse dire est que la collaboration entre ces deux directions semble difficile. En effet, seulement un cadre sur dix juge actuellement cette collaboration satisfaisante. Un tiers des directions marketing estiment que les résultats des prestations informatiques sont en deçà de leurs attentes, et inversement, 46 % des DSI considèrent que les besoins des directions marketing ne sont pas exprimés de manière suffisamment claire et ne répondent pas à leurs contraintes de « transparence et de visibilité ». Globalement, les DSI sont plus nombreux (77 %) à reconnaître la nécessité d’un rapprochement avec les directions marketing, qui sont seulement 56 % à partager cet avis. En France, cependant, les directions marketing ne sont plus que 35 % à reconnaître la nécessité d’un alignement, contre 80 % des DSI. Pour Christine Removille, cet écart peut s’expliquer par des différences culturelles ou résulter de mauvaises expériences passées. Elle relève néanmoins des différences selon les industries, certains secteurs comme les télécoms ou la distribution étant plus matures sur ces enjeux.
Au niveau mondial, 60 % des directions marketing et 73 % des DSI estiment que les technologies de l’information sont importantes pour le marketing. L’étude fait néanmoins apparaître des différences de vision entre les deux directions (voir tableau ci-dessous).
Ainsi, l’intégration entre les canaux online et offline est considérée comme effective pour seulement 19 % des directions marketing contre 27 % des DSI, un écart encore plus important en France (7,5 % des CMO contre 36 % des CIO, même si 42,5 % des CMO considèrent qu’elle est en cours). Sur le pilotage des budgets liés aux technologies marketing, la majorité des répondants indiquent que la gestion est partagée. En France, 18 % des DSI considèrent que ces budgets sont totalement, ou en majorité, gérés par le marketing (contre 24 % lorsque la DSI gère la majorité des budgets).
Enfin, interrogées sur l’adoption des nouvelles technologies, les directions marketing placent en tête de leurs priorités le fait d’avoir une meilleure connaissance du client (54 % la positionnent dans leur Top 5) et de se rapprocher du marché (51 % la placent dans leur Top 5), deux enjeux également identifiés comme essentiels par les DSI. Néanmoins, 45 % de ces derniers placent ensuite le fait de relier les actions en ligne aux résultats métiers dans leur Top 5, contre seulement 33 % des CMO.
Ces derniers considèrent plus important le fait d’améliorer leur productivité et leurs performances (44 % le mettent dans leur Top 5, contre 36 % des DSI) et de générer davantage de leads (43 % dans le Top 5 contre 35 % des DSI). « La notion de retour sur investissement des actions entreprises semble plus importante pour les DSI, tandis que les CMO raisonnent davantage en termes d’opportunités de vente », résume Christine Removille.
Comment les directions marketing voient les directions de systèmes d’information | |||||
Pas du tout d’accord | Pas d’accord | Neutre | Plutôt d’accord | Tout à fait d’accord | |
Les DSI comprennent nos besoins | 2 % | 9 % | 38 % | 38 % | 13 % |
Nos collaborateurs comprennent les problématiques IT | 3 % | 13 % | 38 % | 36 % | 10 % |
La DSI ne comprend pas l’urgence d’intégrer les données | 12 % | 19 % | 34 % | 26 % | 9 % |
Les livrables de la DSI ne correspondent pas à nos besoins | 10 % | 16 % | 38 % | 28 % | 8 % |
Il est préférable d’acquérir des solutions » as a service » pour ne pas dépendre de la DSI | 16 % | 17 % | 32 % | 25 % | 10 % |
Source : The CIO-CMO disconnect, Accenture Interactive, 2013, 22 pages. |