Le patrimoine applicatif est-il un boulet pour les DSI ?

Les experts en psychologie ont popularisé la notion d’injonction paradoxale, principe selon lequel un individu reçoit deux obligations contradictoires. Pour les DSI, on pourrait l’illustrer avec, d’un côté, une exhortation des directions générales à accélérer la transition vers l’entreprise numérique et, de l’autre, le maintien, par ces mêmes directions générales, d’une situation qui limite fortement les possibilités pour les DSI d’atteindre le premier objectif.

Une intéressante étude, réalisée au niveau mondial, par Capgemini auprès de 1 116 DSI illustre ce point (Application Landscape Report 2014). L’étude montre que le nombre de DSI considérant que leur organisation gère plus d’applications que nécessaire est passé d’un tiers à près de la moitié des sondés en trois ans. De même, 53 % des DSI interrogés estiment qu’un cinquième de leurs applications devrait être retiré ou remplacé.

L’étude révèle que 60% des décideurs IT estiment que l’introduction de nouvelles technologies constitue la meilleure contribution qu’ils puissent faire à l’entreprise. En effet, un nombre significatif de responsables a déjà mis en place des solutions de Cloud (56%), mobilité (54%), Big Data (34%) et de réseaux sociaux (41%). « Cependant, sans un parc applicatif moderne, les DSI ne disposent pas de marge de manœuvre suffisante pour générer les avantages concurrentiels attendus de ces nouvelles technologies. Il est donc peu étonnant de constater que 76% des sondés estiment que la rationalisation du parc applicatif est un impératif pour atteindre les objectifs de l’entreprise », souligne Philippe Roques, responsable Europe de l’offre APM (Application Portfolio Management) chez Capgemini.

Encore faut-il réussir à opérer une telle transformation. C’est moins un enjeu technique qu’un challenge de négociation avec les utilisateurs, dont la plupart n’aiment guère que leurs applications soient supprimées, parce qu’elles coûtent trop cher à maintenir, sont sous-utilisées ou technologiquement obsolètes. Résultat : le parc applicatif grossit bien au-delà des besoins des métiers.

« A première vue, un parc applicatif surchargé avec des applications redondantes et obsolètes apparaît comme une simple contrariété pour la DSI, car cela réduit leur marge de manœuvre et engendre des pertes d’argent. Mais cela n’apparaît pas pour autant comme un problème insurmontable à terme », commente Philippe Roques. Capgemini a développé un outil de cartographie et de visualisation du patrimoine applicatif, qui permet en environ huit semaines d’avoir la vision complète du patrimoine applicatif, selon les directions métiers, les types d’applications, leur degré stratégique… « Pour les entreprises les plus matures, les gains peuvent atteindre 20 à 25 %, et même jusqu’à 50 % pour les entreprises les moins matures », assure Philippe Roques. Selon lui, la modernisation du patrimoine applicatif répond à plusieurs motivations : « Lorsque, par exemple, un nouveau DSI veut disposer d’une photographie de son patrimoine applicatif, lorsqu’un DSI groupe souhaite davantage de centralisation, lorsque l’on a besoin d’un modèle-cible à trois ans, ou encore lorsqu’un DSI a un budget contraint et qu’il doit néanmoins investir en mobilité ou dans le cloud », résume Philippe Roques.

Dans l’enquête Capgemini, en 2011, 34 % des DSI affirmaient que, dans leur entreprise, le nombre d’applications était supérieur aux besoins, mais, en 2014, ils ne sont pas moins de 48 % à le penser (et 54 % dans le secteur financier) ! On sait ce qu’il convient de faire : industrialiser, standardiser, étudier des scénarios de rupture, si la standardisation ne suffit plus, et qui doivent permettre d’arbitrer entre différentes approches telles que le remplacement, la migration de versions, la consolidation, l’amélioration, le décommissionnement… En 2014, seulement 10 % des DSI français vont bénéficier d’un budget en hausse, selon l’étude Capgemini. Pour ceux qui parviendront à dégager des marges de manœuvre, il ne sera pas facile d’arbitrer entre la modernisation du patrimoine applicatif, sujet peu porteur, et d’autres, beaucoup plus vendeurs (le numérique, le cloud, le big data, la mobilité…). Il faudra de toute façon être sur tous les fronts : la transformation du patrimoine applicatif risque d’en pâtir…