AXA a entrepris de faire converger les systèmes comptables de plusieurs pays européens sur une même plate-forme. Un défi pour le groupe, qui s’appuie sur une équipe centrale pour piloter la transformation.
Avant 2007, chaque pays dans lequel était implanté le groupe AXA disposait de son propre système comptable local. À cette époque, plusieurs faits concomitants font émerger un besoin de transformation des activités comptables. En premier lieu, le groupe doit fusionner les systèmes comptables dans plusieurs pays européens pour intégrer la société Winterthur, acquise en 2006.
Au même moment, l’entrée en application de la réforme Solvency 2 et celle de la phase 2 des normes IFRS nécessitent des évolutions importantes dans les systèmes d’information, qu’il s’avère pertinent de mutualiser. Enfin, du côté des utilisateurs, les systèmes en place leur imposent de faire beaucoup de traitements de données, au détriment de l’analyse. Par ailleurs, dans les services comptables et financiers des différents pays, de nombreux collaborateurs devant partir à la retraite dans les cinq ans à venir, une réorganisation de la fonction était possible.
Sous l’impulsion du directeur financier du groupe, décision est prise de mettre en place un seul système comptable pour les différents pays dans lesquels est implanté AXA en Europe, avec des processus communs et des centres de services métiers partagés. Le groupe entame donc un vaste programme de transformation, avec pour objectifs de gagner en fiabilité, en capacité d’analyse, d’optimiser les aspects IT et de mutualiser les ressources à compétences rares notamment en matière de comptabilité des investissements.
Dénommé Flyer, le programme s’articule autour de deux grands volets : le projet Copernic vise la convergence des systèmes de comptabilité générale, tandis que Ship2 concerne la comptabilité des investissements. Dans un premier temps, neuf pays européens sont concernés par Copernic, et huit par Ship2.
Un projet pionnier
Le 2 février 2009, après deux ans de préparation, le projet Copernic est officiellement lancé. C’est le premier projet de convergence mené à cette échelle dans le groupe. Copernic comporte trois grands volets : la solution, les processus et l’organisation. La solution est bâtie sur le progiciel SAP sur une instance unique, avec un core model que chaque pays peut adapter avec une marge de plus ou moins 20 % de spécifique, estimée en jours-hommes de développement.
Le premier pays à passer officiellement sur la nouvelle plate-forme a été l’Italie, début 2011. Cette année, la France, l’Espagne et le Portugal vont y clôturer leurs comptes, le Royaume-Uni et l’Irlande viennent de basculer. L’Allemagne, la Belgique et la Suisse devraient les rejoindre d’ici à 2014.
L’exploitation et le support sont répartis entre différentes entités, notamment AXA Group Solutions principalement basé à Paris et Lisbonne, AXA Technology Services pour ce qui est de la composante IT, le GIE AXA et le centre de services basé en Inde chez AXA Business Services sur les aspects métiers comptables. À terme, le centre de Lisbonne a vocation à servir de guichet unique pour tous les utilisateurs d’un point de vue solution IT, avec en back-office les services de l’intégrateur en Inde.
AXA a choisi le groupe Accenture pour l’accompagner sur ce projet de grande ampleur. L’assureur conserve la maîtrise du projet en assurant la direction du programme, en pilotant au jour le jour la relation avec son prestataire et en s’impliquant étroitement dans la réalisation. Sur un total de 400 à 450 personnes œuvrant à Copernic (métiers et IT), la moitié viennent en effet d’AXA. Le Groupe n’hésite pas à détacher des représentants métiers à plein temps sur le projet, plus de vingt personnes à la fois.
Une équipe centrale a été constituée, regroupant des utilisateurs métiers, des membres des équipes informatiques AXA (AXA Group Solutions et AXA Technology Services) et des représentants de l’intégrateur. Elle est complétée par des équipes locales dans les différents pays. « Jusqu’à onze nationalités différentes se sont côtoyées dans l’équipe centrale », précise Virginie Babinet, directeur général adjoint chez AXA Group Solutions, chargée de la direction du programme, pour qui la constitution de cette équipe centrale mixte est l’un des facteurs fort de succès du projet.
Une dimension multiculturelle complexe à gérer
De par l’ampleur et la complexité du projet, AXA a néanmoins rencontré certains écueils. La dimension multinationale et multiculturelle du projet s’est notamment avérée complexe à gérer, entraînant des difficultés de compréhension : selon les pays, certains termes comme subledger (comptes auxiliaires) ou commitment (engagement) ne couvraient pas le même périmètre ou les mêmes concepts. La taille et l’ancienneté des entités en place entraient également en compte. Dans les filiales de petite taille, il était plus simple de trouver les bons interlocuteurs, tandis qu’ailleurs la connaissance métier était parfois fragmentée de par le nombre de personnes concernées, ou bien très peu documentée dans les entités de grande taille.
Parmi les autres difficultés évoquées figure le caractère ambitieux des projets tant en termes de périmètre qu’en termes de planning global, dans lesquels le moindre dysfonctionnement peut avoir « un effet boule de neige ». Cela entraîne une pression importante sur l’équipe centrale, dont les managers doivent être conscients de ces difficultés pour la gérer au mieux. La relation avec l’éditeur est également un point sensible, le groupe ne parvenant pas toujours à s’en faire entendre comme il le souhaite. Enfin, la phase de stabilisation du système a été sous-estimée, les directions comptables ayant eu des difficultés à extrapoler leurs besoins tant que la solution n’était pas en production.
Pour faciliter la transformation, plusieurs facteurs ont joué un rôle important, notamment le rôle et la position des sponsors. Le programme est porté et soutenu au plus haut niveau, par les directions financières et opérationnelles du groupe. « Les projets ne doivent surtout pas être perçus comme des projets informatiques, l’IT n’est qu’un moyen », insiste Virginie Babinet. Tous les mois, un comité de direction du programme réunit les différents directeurs financiers des pays concernés et les sponsors du plus haut niveau.
En raison de l’ampleur du projet, la conduite du changement était également un facteur essentiel. « Auparavant, chaque direction informatique gérait son système local, maintenant c’est AXA Group Solutions avec un seul système pour tous, explique Valérie Pommeret, Flyer Business Sponsor. Cela peut s’avérer difficile pour les métiers, qui perdent en partie la maîtrise de leur informatique et qui subissent les contraintes des autres pays, les priorités doivent être gérées au mieux. Suis-je prioritaire puisque j’ai un plus gros bilan ? » La dimension offshore fait également partie des aspects sensibles, car elle implique une transformation forte.
Enfin, la présence à terme de neuf pays clôturant leurs comptes sur la même instance nécessitera peut-être des arbitrages, qu’il convient d’anticiper. Pour faire face à ces enjeux, gouvernance et conduite du changement ont été pensées et mises en place dès le départ, avec une approche élaborée au niveau global puis déclinée ensuite au niveau local. Dans le cadre de la communication, l’équipe centrale anime par exemple une newsletter pour les communautés des deux projets. Elle n’hésite pas non plus à se déplacer et à organiser des événements dans chaque pays. « Nous envisageons de faire témoigner les pays qui ont franchi le pas lors de ces événements », relate le chef de projet conduite du changement sur Copernic.
Dix bonnes pratiques d’un projet de transformation
- Regrouper toutes les parties prenantes en un seul et même lieu : IT, métiers et intégrateur
- Détacher des ressources métier à plein temps sur le programme et les projets
- Bénéficier du soutien et de l’implication de l’équipe dirigeante du groupe, notamment à travers le comité de direction du programme
- Soumettre les recrutements en local à l’approbation de l’équipe centrale
- Gérer la bonne intégration des aspects techniques et humains entre le local et le central
- Piloter étroitement la relation avec l’intégrateur
- Prévoir la conduite du changement dès le début
- Mettre en place une équipe de transition pour organiser et normaliser cette phase
- Donner à l’équipe de direction du programme la pleine responsabilité de celui-ci, dans toutes ses composantes
- Organiser des événements dans chaque pays