Le système d’information plonge dans l’océan bleu

En 2011, Renée Mauborgne et Chan Kim, professeurs de stratégie à l’Insead, avaient popularisé le concept d’océan bleu, selon lequel les entreprises ont tout intérêt à explorer des territoires où la concurrence est inexistante et où une demande permet à l’entreprise de se développer.

Les auteurs comparent ainsi les marchés saturés par une concurrence sanglante à des océans rouges, car infestés de requins qui se battent pour des parts de marché. Par opposition, les océans bleus sont des marchés peu, mal ou non explorés, dans lesquels les nouvelles opportunités sont à inventer, où la compétition n’existe pas et où la croissance potentielle est significative.

L’idée d’océan bleu est née à un moment où l’économie américaine, dans les années 1990, connaissait une grave crise économique : « La concurrence asiatique se faisait ressentir durement, les usines fermaient, les industries périclitaient et le chômage progressait. Tout le monde y voyait la fin de l’âge d’or américain. Mais, dans ce contexte très difficile, des entreprises continuaient pourtant de se développer. Nous avons voulu comprendre pourquoi », a rappelé Renée Mauborgne lors de la dernière édition des conférences USI, organisées par Octo Technology en juin 2018.

Les auteurs ont ainsi analysé ces entreprises et en ont déduit trois principes qui permettent de naviguer de l’océan rouge à l’océan bleu. D’abord, il convient de sortir de l’équation traditionnelle « valeur-coût », qui empêche de considérer les choses autrement. Ensuite, il faut s’interroger sur les marchés à conquérir, en se demandant qui sont les non-clients, ce qu’ils veulent et pourquoi leurs besoins ne sont pas satisfaits. « L’idée n’est pas de casser le marché, en remplaçant des industries existantes par d’autres, mais de trouver de nouveaux axes de développement. C’est très différent ! Cela permet notamment de créer des emplois, plutôt qu’en détruire », précise Renée Mauborgne.

Enfin, il importe de créer la confiance parmi ses collaborateurs, pour orchestrer ce changement. C’est, pour les auteurs, un point fondamental : « Les individus ont du talent et de la créativité. On le voit tous les jours avec Internet. Ils n’attendent que d’être aiguillés, grâce à une feuille de route claire, à des outils faciles à utiliser, ainsi qu’avec une méthode qui fédère et renforce leur confiance. », précisent les auteurs, pour qui « Vous n’avez pas besoin de vous appeler Steve Jobs pour y parvenir ! »

L’approche océan bleu a par exemple été utilisée sur le marché du CRM, par Salesforce avec succès, face aux grands éditeurs d’ERP et à leurs solutions trop lourdes, ou, dans le domaine financier, par les organismes qui ont lancé le micro-crédit. Les auteurs s’attardent sur l’exemple du groupe SEB, qu’ils ont aidé, dans un contexte de baisse des ventes et de rude concurrence étrangère. « Le premier challenge a été de leur faire prendre conscience de la nécessité de changer. Puis, il a fallu leur faire identifier leurs faiblesses. Nous leur avons demandé de regarder l’expérience client dans tout son spectre   produit, achat, image, prix, etc. Ils se sont alors rendus compte que leurs produits ne se différenciaient pas assez des autres. Enfin, nous les avons incités à chercher tout ce qui pouvait freiner un achat. Et très vite, le problème de l’huile est apparu ; ça coûte cher, ça fait grossir, c’est dangereux, ça laisse des odeurs, on ne sait pas où la jeter après utilisation, etc. Ils ont donc cherché une manière de faire des frites avec une seule cuillère à soupe d’huile et ils y sont parvenus », se souvient Renée Mauborgne.

Avec, à la clé, un énorme succès commercial. Pour les auteurs, il n’existe pas de marché trop complexe ou trop difficile pour mettre en œuvre une approche de type océan bleu. « Si vous ne le faites pas, d’autres le feront à votre place. »

On retrouve dans le principe de l’océan bleu trois composants qui sont, aussi, les fondamentaux d’une stratégie système d’information. D’abord, une perspective stratégique, afin de fixer la bonne direction. Ensuite, des processus pour créer la confiance dans l’exécution de la stratégie. Enfin, des outils pour assurer la création de valeur. On retrouve également une analogie entre la démarche en cinq étapes, associée à la stratégie océan bleu, et celle qui conduit à une transformation du système d’information :

  • Choisir la bonne équipe et le bon périmètre.
  • Comprendre d’où on part (analyse de l’existant).
  • Imaginer où l’on doit aller, en fonction des besoins des consommateurs (utilisateurs).
  • Déterminer les moyens d’atteindre l’objectif.
  • Se mettre en mouvement vers l’objectif.

Les principes de l’océan bleu

  • Ne pas considérer les caractéristiques existantes d’un marché comme établies une fois pour toutes, mais, au  contraire, les transformer à son profit.
  • Ne pas chercher à combattre de manière frontale les concurrents, mais rendre la concurrence non pertinente.
  • Se focaliser sur la demande non satisfaite, pas sur les clients existants.
  • Combiner stratégie de différenciation et stratégie low cost.

 

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Blue ocean shift, beyond competing, par W.Chan Kim et Renée Mauborgne, Hachette Books, 2017, 322 pages.