Dans le numéro de mai 2014 de la Harvard Business Review, un article, écrit par des consultants de Bain, qualifie le temps des managers de « ressource la plus rare ». Les auteurs partent d’un paradoxe : les entreprises consacrent des efforts et élaborent des procédures pour gérer leur capital financier, avec, notamment, un business case pour chaque investissement conséquent.
À contrario, le temps des collaborateurs d’une organisation n’est quasiment jamais géré. Ressource finie par définition, non seulement la gestion des interactions entre les individus n’est pas maîtrisée (e-mails, réunions, téléconférences et autres activités chronophages…), mais la structure du temps des collaborateurs n’est pas connue dans les entreprises.
« Le temps passé dans les meetings internes représente autant de temps qui n’est pas consacré aux clients », soulignent les auteurs. Et de rappeler la citation d’Andrew Grove, l’ex-patron d’Intel : « Tout comme vous ne permettriez jamais à l’un de vos collaborateurs de voler un objet appartenant à votre entreprise, vous ne devriez jamais laisser quelqu’un disposer à sa guise du temps d’un manager. »
De la distraction dans les réunions
Les auteurs pointent plusieurs travers dans les entreprises : d’abord, le temps consacré aux réunions est à la hausse, en moyenne cela représente l’équivalent de deux jours par semaine pour un manager et, à l’échelle d’une entreprise, environ 15 % du temps de travail global de tous les collaborateurs. Ensuite, on observe que la vraie collaboration est, en réalité, rare : l’essentiel des interactions s’effectuent entre les collaborateurs d’un même service et peu entre les différents services.
Les auteurs mettent également en exergue des dysfonctionnements, tel que l’envoi d’e-mails pendant les réunions : en moyenne 22 % des participants à une réunion envoient plus de trois e-mails toutes les trente minutes, selon une enquête menée par Bain. Pire, « les managers ont tendance à planifier plusieurs réunions en même temps et choisissent au dernier moment celle à laquelle il est pertinent d’assister, ce qui crée un cercle vicieux. »
Autre travers : l’organisation de réunions ne fait l’objet d’aucun contrôle, n’importe qui peut ainsi réquisitionner le temps des autres pour discuter d’un sujet, pas toujours crucial… Il n’y a pas de sanctions contre les initiateurs de réunions improductives (elles sont considérées comme telles par un manager sur deux selon l’étude Bain), alors qu’elles existent lorsque des collaborateurs sont sous-productifs.
Responsabiliser les responsables !
Comment dès lors, contourner ces difficultés ? Les auteurs suggèrent plusieurs bonnes pratiques :
- séparer l’urgent de l’important,
- raisonner à « budget-temps base zéro », à l’image des budgets financiers, remis à zéro chaque année (l’idée est de ne plus investir de temps supplémentaire sans que ce soit justifié),
- exiger un business case pour toute initiative,
- simplifier l’organisation, désigner les responsabilités pour les investissements en temps et l’organisation de réunions (par exemple : toute réunion de plus de 90 minutes doit être approuvée par un manager),
- standardiser les processus de décision, systématiser les ordres du jour, commencer et finir les réunions aux heures prévues…
Retrouver la maîtrise du temps demande donc un minimum d’organisation : c’est l’ambition du nouveau titre de la collection « La boîte à outils », publiée chez Dunod. L’auteur, manager de l’offre efficacité professionnelle chez Cegos, propose 71 fiches pratiques très claires, très utiles et faciles à lire (donc à retenir). Avec, en particulier, trois focus : comment gérer les surcharges de travail, gérer les sollicitations et chasser le temps stérile des réunions. Voilà bien résumées les trois plaies des DSI…
La boîte à outils de la gestion du temps, par Pascale Bélorgey, Dunod, 2014, 190 pages.
« Your Scarcest Resource », par M. Mankins, C. Brahm et G. Caimi, Harvard Business Review, mai 2014.