À travers les retours d’expérience de trois DSI (Nature & Découvertes, Zodiac Marine & Pool et Publicis), on peut synthétiser les trois grands principes d’une stratégie cloud : adapter le SI, rendre agile son évolution et accompagner les métiers. Cet article présente des projets caractéristiques de ces stratégies.
I. Adaptation : l’exemple de Nature & Découvertes
En 2012, Nature & Découvertes décide de repenser totalement ses processus métiers, ainsi que son système d’information, jugé inadapté pour répondre aux besoins de l’enseigne.
Comme le précise Josselin Ollier, DSI de Nature & Découvertes : « Développé en interne dans les années 1990, notre système avait jusqu’jusqu’alors répondu à nos objectifs. Vingt-cinq ans plus tard, il s’agissait de couvrir les nouveaux besoins, de nouveaux modèles de développement et de faire évoluer notre organisation, ainsi que nos processus retail pour gagner en précision. »
Jusqu’en 2012, les collaborateurs de Nature & Découvertes s’appuyaient essentiellement sur des applications développées et hébergées en interne pour assurer leurs missions. Le projet de refonte a été motivé par plusieurs raisons. Il s’agissait, tout d’abord, de soutenir la stratégie numérique cross canal (click and collect, encaissement mobile), de rendre possible la mise en place de nouveaux modèles de ventes et de nouvelles pratiques retail.
« Notre objectif était d’avoir une vision à 360°, en temps réel, de notre business. Aujourd’hui, le client doit pouvoir contacter Nature et Découvertes quand il veut, où il veut, en utilisant le canal qui lui convient le mieux. À nous de multiplier les supports pour servir une clientèle en constante évolution et renforcer notre avantage concurrentiel », explique Josselin Ollier.
Le deuxième objectif était de fiabiliser les niveaux de service. L’informatique des magasins doit être impérativement opérationnelle 6 jours sur 7, et le site e-commerce disponible 24 heures sur 24 et les niveaux de service pouvaient encore être améliorés. « La DSI est au cœur des métiers et doit être capable d’optimiser les processus en termes de délais-qualité-coûts, en se focalisant sur ce qui crée de la valeur pour l’entreprise », justifie-t-il.
Enfin, l’enseigne souhaitait externaliser l’ensemble de ses infrastructures. « Le manque de ressources internes et l’évolution permanente des infrastructures ne nous permettaient pas d’assurer pleinement une surveillance et un suivi des plateformes 24 heures sur 24 : d’où notre choix de l’externalisation. »
Le DSI établit alors un schéma directeur, l’occasion pour lui de décrire de manière concrète comment le système d’information peut servir au mieux la stratégie de l’enseigne. Six mois lui seront nécessaires pour définir les orientations. « À partir de là, l’entreprise a pris conscience du rôle majeur que pouvait jouer la DSI dans le développement de l’enseigne. Mais elle a également réalisé qu’elle n’était pas armée pour réaliser cette transformation », se souvient Josselin Ollier.
S’ensuit le lancement du plan de transformation qui se traduit par le déploiement de SAP Hana en dix-huit mois, la refonte de la bureautique et des outils associés (messagerie en SaaS Office 365, Intranet SharePoint), la rénovation des infrastructures informatiques (réseaux et serveurs) et la mise en oeuvre de nouvelles applications métiers (ERP, CRM, BI…) dans un cloud privé. L’ensemble de cette transformation aura été réalisée en deux ans.
« Ma démarche a été d’expliquer, tout au long du projet, à quoi servaient ces outils et de montrer en quoi ils répondaient aux enjeux métiers, ainsi qu’à l’amélioration des services, tout en délivrant un ROI rapide », ajoute Josselin Ollier. Concrètement, SAP Hana va supporter les nouveaux processus retail définis par les différentes directions de l’entreprise, à savoir les achats, l’approvisionnement, le magasin et la finance. Le réseau, totalement refondu, va absorber le trafic entre les postes de travail, les systèmes d’encaissement des magasins et les serveurs hébergés.
L’externalisation des infrastructures techniques au travers d’un cloud privé a eté confiée à Hardis Group. Elle offre à Nature & Découvertes une meilleure maîtrise de ses ressources informatiques et un accès facile à ses applications hébergées. « Ce type d’architecture séduit par sa flexibilité, avec la possibilité de mettre en place des modules ad hoc, et par son caractère évolutif », précise Josselin Ollier.
« Le cloud privé offre une souplesse intéressante : auparavant, nous dimensionnions notre infrastructure pour absorber les pics de charge de Noël, avec des besoins en puissance cinq fois supérieurs au reste de l’année. Désormais, il ne nous faut plus que quelques heures pour obtenir plus de puissance », constate le DSI. Parmi les autres avantages du cloud privé, Josselin Ollier cite le respect des règles de confidentialité, l’adaptation de la consommation à la demande et une meilleure maîtrise des dépenses, avec une réduction de ses coûts d’exploitation, des infrastructures et réseaux de 25 %.
Autre critère de succès, la montée en puissance des compétences de l’équipe informatique rendue possible à travers un programme de formation spécifique. « Les compétences se sont affinées. Les onze membres de l’équipe informatique combineront maintenant une expertise technique SAP et métier. Ils sont capables de parler métier et de paramétrer l’outil sur des processus standard. » Le nouvel ERP sera opérationnel en mai 2015 et supportera alors les nouveaux processus retail définis par les différentes directions de l’entreprise.
Objectifs et leviers d’action de Nature & Découvertes | ||
Trois objectifs | Trois leviers | Trois bénéfices |
Mettre en place des processus retail modernes et développer les activités digitales | Mettre en œuvre une nouvelle organisation et des nouvelles pratiques retail e-commerce, market place, click and collect, encaissement mobile… |
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Positionner l’équipe DSI au cœur du métier et sur les outils stratégiques (ERP | Déployer SAP Hana, réorganiser la DSI et la faire monter en compétences par des formations adaptées |
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Réduire les coûts et améliorer les engagements de service | Externaliser les activités IT sans » valeur ajoutée » pour l’entreprise : choix de solutions SaaS, hébergement des infrastructures IT dans un cloud privé |
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Source : Natures & Découvertes. Les objectifs, les leviers d’action et les bénéfices ont été détaillés dans Best Practices Spotlight, n° 9, 1er décembre 2014. |
II. Agilité : l’exemple de Zodiac Marine & Pool
Le groupe Zodiac Marine & Pool, spécialisé dans le design et l’équipement de piscines, compte 1400 collaborateurs et intervient au niveau mondial (Europe, États-Unis, Asie) avec une quarantaine de sites. Dans un tel contexte international, le management du système d’information est très décentralisé, par régions. « Les principaux challenges de la DSI sont d’optimiser les coûts, d’être plus agile et plus réactive », résume Oren Nadjar, le directeur technique, pour qui l’atteinte de ces objectifs passe par une stratégie cloud.
« Le cloud est relativement facile à vendre en interne, en mettant en exergue les gains de temps, la réduction des coûts et la flexibilité. » Concrètement, la DSI s’est fixée trois objectifs : procéder par victoires rapides (quick wins), garder le contrôle du système d’information et transformer les métiers IT. « Les victoires rapides permettant de valoriser le changement et le cloud a constitué une opportunité de transformer les métiers de l’IT, surtout ceux de la technique », souligne Oren Nadjar.
La rationalisation des systèmes d’information a consisté à basculer les solutions existantes dans le cloud, notamment en remplaçant Lotus par Google, les solutions de CRM par Salesforce, qui devient la solution unique au niveau mondial, ainsi que les solutions de sécurité Webmarshal et Fortinet par Zscaler. « La facilité ne doit pas engendrer l’anarchie, la communication et la formation participent à la responsabilisation des utilisateurs qui deviennent maîtres de leurs outils », précise Oren Nadjar.
Côté transformation des métiers IT, émerge, chez Zodiac, une direction du cloud, « parce que notre métier a changé et nous oblige à nous rapprocher de la direction des études et des utilisateurs », assure le directeur technique. Le rôle de la direction du cloud est triple : préconiser des prestataires et en suivre les engagements de services, valider les outils de contrôle et apporter une visibilité financière.
« Dans le cloud, on partage sa gouvernance avec les prestataires », ajoute Oren Nadjar. La mise en œuvre de Salesforce a permis de proposer de nouveaux services avec l’intégration des ventes et du service après-vente. D’une part, un SAV (Care Center) qui offre aux clients la possibilité de pré-saisir des requêtes directement dans l’outil, de s’auto-activer avec un code d’accès, et de visualiser des mises à jour.
D’autre part, un Relay Center, portail interactif dédié aux revendeurs. Ceux-ci disposent en temps réel de toutes les informations utiles à leurs interventions chez le consommateur, ils peuvent également passer commande de pièces détachées et suivre le traitement des réparations.
Les points-clés de la stratégie cloud de Zodiac | |
Objectifs | Comment faire |
Réaliser des victoires rapides |
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Garder le contrôle du SI |
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Transformer les métiers IT |
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Source : Zodiac |
III. Accompagnement : l’exemple de Publicis
« Nous avons commencé, il y a trois ans, à développer une plateforme cloud privée pour améliorer notre réactivité face au marché », explique Alexandre Vidiani, directeur des applications Europe chez Publicis, qui a témoigné lors d’une table-ronde organisée par le Club de la Presse B2B. Le groupe de communication, rassemblant de nombreuses agences indépendantes, a choisi, au départ, de s’orienter vers le cloud privé afin de conserver en interne ses données sensibles. « Cependant, beaucoup d’agences avaient tendance à acheter en externe des services qu’elles ne trouvaient pas en interne », nuance Alexandre Vidiani. Dans ce contexte, le cloud hybride est apparu comme une bonne solution. « Certains acteurs proposent de meilleures solutions que ce que nous pouvons offrir en interne, ce n’est pas pertinent d’aller à l’encontre du marché. L’important est de pouvoir passer facilement d’un environnement à l’autre. »
La valeur prime sur les enjeux techniques
Pour Alexandre Vidiani, si les métiers de l’informatique ont tendance à voir dans le cloud un composant technique, il ne faut pas perdre de vue qu’en parallèle c’est la manière de travailler des utilisateurs qui change. « Le cloud s’apparente un peu à l’arrivée des locomotives, il modifie la manière dont les collaborateurs s’organisent. Cela va changer beaucoup de choses pour les DSI. » Par exemple, chez Publicis, les développeurs des agences savent déjà, pour la plupart, développer sur des plateformes cloud, mais il n’y a pas encore de structures pour homogénéiser ces processus. Le rôle de la DSI est alors de rationaliser le tout, de voir s’il est possible de réaliser des économies d’échelle dans ce domaine tout en préservant la liberté des agences. « Aujourd’hui on ne peut pas parler de technique sans parler de métier. Il y a encore des DSI et il y en aura toujours, mais la manière de parler aux métiers évolue : il faut parler de services et voir quelle valeur on peut créer pour eux. Dans l’informatique de demain, on n’imposera plus rien », ajoute Alexandre Vidiani. Pour lui, il n’est plus possible de dire aux utilisateurs « Arrêtez de vous servir de telle ou telle solution. » En revanche, la DSI peut les accompagner, leur demander par exemple de vérifier si l’offre qui les intéresse est correctement sécurisée. Dans un tel contexte, elle doit apporter un service en plus par rapport à ce que procurent les fournisseurs externes, en s’assurant par exemple que les solutions répondent aux exigences financières, de conformité ou de sécurité de l’entreprise.
Le cloud hybride s’avère également précieux quand l’entreprise arrive aux limites de son propre système d’information. « Cela permet de disposer rapidement de ressources pendant que l’on discute avec le DAF de l’opportunité d’acquérir une nouvelle machine », illustre Alexandre Vidiani. « Autre avantage, en cas d’audit, c’est le fournisseur de la solution qui est concerné, l’entreprise cliente ne perd pas de temps. »
Souvent, les offres cloud ouvrent des perspectives en permettant de faire certaines choses qui n’étaient pas possibles avant. « C’est de l’agilité », concède Alexandre Vidiani. Parfois aussi, l’entreprise peut tout simplement se retrouver bloquée, faute d’équivalents abordables et disponibles en interne. Enfin, le coût des offres cloud peut être intéressant : « On achète plus vite et on arrête plus vite, cela revient moins cher», justifie Alexandre Vidiani. Grâce aux possibilités du cloud, il estime que les gains, tant en termes de temps que de budget, peuvent représenter jusqu’à 40 ou 50 % du coût total des projets, « sans compter les gains en terme d’image pour la DSI. »