L’ERP en mode On Premise ou en mode cloud : peu importe ?

Le mode SaaS présente un certain nombre d’avantages pour le déploiement d’un ERP. Mais attention à ne pas se focaliser sur l’approche de déploiement au détriment d’autres critères de choix, beaucoup plus déterminants pour la réussite des projets.

Les entreprises se tournent de plus en plus vers l’ERP en mode SaaS, alors que le modèle ERP traditionnel s’essouffle, affirme le cabinet d’études américain Aberdeen Group (1), qui prévoit, à terme, une quasi égalité de ces deux modèles. À la fin de 2012, aux États-Unis, huit entreprises sur dix avaient déployé leur ERP de façon traditionnelle, sur le modèle d’achat de licences, contre 4 % en mode SaaS. Les petites entreprises, dont beaucoup sont dans une phase de premier équipement en ERP, sont dans une situation inverse : l’adoption du SaaS a progressé de 53 % alors que dans le même temps, le déploiement en interne a chuté de 20 %.

D’après Aberdeen Group, il existe d’autres facteurs déterminants pour sélectionner une solution ERP. Si celle-ci n’aide pas l’entreprise à standardiser ses processus, à maîtriser ses coûts et améliorer la visibilité pour les métiers, peu importe, dans ce cas, la manière dont elle est déployée. En réalité, parmi les critères de choix d’un ERP, les entreprises se préoccupent d’abord des fonctionnalités (53 %) et de la facilité d’utilisation de (51 %). Viennent ensuite seulement le TCO (45 %) et la capacité à personnaliser la solution (27 %). Le modèle de déploiement n’entre même pas dans le top dix des critères de choix.

Si le mode cloud, on s’en doute, facilite l’implémentation et coûte moins cher, il peut se révéler à terme moins flexible en termes de personnalisation et contraint les entreprises à adopter des upgrades même si elles n’en veulent pas. Dennis Gaughan, analyste chez Gartner, analyse : « Il est trop tôt pour crier victoire, même si l’on observe un indéniable intérêt pour les ERP en mode cloud. Cette approche concerne beaucoup moins les ERP que d’autres segments logiciels tels que le CRM ou la gestion de contenus. Une des raisons concerne les énormes investissements déjà réalisés en ERP et qui ne peuvent facilement être remis en cause. »

Les consultants d’Aberdeen Group distinguent les entreprises selon leur maturité, entre les « best-in-class », les moyennes et les « laggards » (« traînardes »). Même si pour les premières, le modèle de déploiement n’est pas un critère essentiel dans le choix d’un ERP, 14 % d’entre elles préfèrent une solution en mode cloud contre 6 % pour les deux autres catégories d’entreprises. Autrement dit, alors que le modèle de déploiement est loin d’être un facteur de différenciation, les entreprises « best-in-class » choisissent généralement une solution en mode cloud.

Pourquoi choisir un ERP en mode cloud ?

Quand les entreprises privilégient une solution en mode SaaS, elles y voient quatre avantages principaux : le coût (modèle d’abonnement), le fait de pouvoir s’appuyer sur les ressources et les compétences de son fournisseur au lieu d’investir en interne, la facilité de mise en œuvre et de maintenance et un retour sur investissement plus rapide. Selon Aberdeen Group, les solutions en mode SaaS nécessitent en moyenne en peu plus de six mois entre l’installation et le « live », contre onze mois pour des solutions en interne.

Un autre critère qui incite les entreprises à choisir le SaaS est la capacité de connexion, ce qui est intéressant pour les entreprises internationales travaillant sur plusieurs fuseaux horaires. Les données sont accessibles en temps réel, peu importe le lieu. Le mode SaaS est également intéressant pour les entreprises qui déploient un ERP pour la première fois, ou dans certains cas, pour les grandes entreprises qui ont déjà mis en œuvre un ERP. L’étude d’Aberdeen affirme que les entreprises « best-in-class » seraient deux fois plus susceptibles que les autres d’adopter une stratégie ERP multiniveau avec un ERP « corporate » standard et un deuxième niveau pour soutenir les filiales locales, avec des fonctionnalités spécifiques ou des configurations différentes. Plus généralement, l’étude d’Aberdeen établit un lien entre l’amélioration des performances opérationnelles et la mise en œuvre de solutions ERP en mode SaaS (voir tableau page 4).

Une étude publiée par Nucleus Research auprès d’une centaine d’entreprises (3) aboutit à la même conclusion pour les PME. Les entreprises ayant utilisé l’ERP en mode cloud auraient enregistré un retour sur investissement supérieur à 150 %, en particulier avec une réduction des coûts du SI, une amélioration du reporting (pour des données issues de sources diverses), de la productivité des utilisateurs (surtout s’ils sont nomades), de la qualité des informations comptables (mieux consolidées et simplifiées) et de la satisfaction client (avec un meilleur accès aux historiques des consommateurs). Selon Nucleus Research, si le chiffre d’affaires de l’ERP en mode cloud ne représente que de 2 % à 7 % du marché total du progiciel de gestion intégré, il devrait doubler d’ici à 2015.

Choisir un ERP sur une simple considération de mode de déploiement ne serait guère pertinent. Même si on considère qu’a priori, le mode SaaS a plus d’avantages que d’inconvénients. En réalité, il convient de passer le temps, et le temps nécessaire, pour analyser cinq questions stratégiques, qui, outre l’analyse des fonctionnalités, constituent les vrais critères déterminants de choix d’une solution.

  • La question budgétaire : le prix par mois et par utilisateur paraît séduisant (surtout aux directions métiers) mais il faut intégrer et consolider tous les coûts sur une longue période, et prévoir les conséquences d’un changement de périmètre. Le mode SaaS peut se révéler un piège financier pour les entreprises en forte croissance ou en restructuration permanente. Le mode SaaS est mieux adapté lorsque l’on a une bonne visibilité des usages et des périmètres. Mais ce n’est pas toujours facile à anticiper…
  • Les compétences : sur ce point, le mode SaaS est inté-ressant dans la mesure où ce sont les ressources de l’éditeur qui sont mises à contribution, mais au détriment bien sûr de personnalisations significatives.
  • L’appropriation : c’est le point noir des projets ERP, comme l’a révélé l’enquête dans les grandes entreprises françaises dont nous avons publié les résultats (cf. Best Practices SI, n° 113, 9 septembre 2013). Sur ce point, le mode (SaaS ou licence) n’apporte guère de différences sans gestion du changement.
  • La sécurité : c’est toujours un point en défaveur du mode SaaS. La dernière enquête de Saugatuk Technology (4) montre que ce critère apparaît toujours en première position, quelle que soit la taille de l’entreprise. Mais la sécurité des éditeurs de SaaS est souvent meilleure que celle des entreprises, surtout des PME…
  • Les aspects contractuels : on connaît les pièges des éditeurs d’ERP pour verrouiller leur base installée (cf. « Pratiques contractuelles des éditeurs d’ERP : éviter les pièges », Best Pracices SI, n° 50, 6 septembre 2010). Le mode SaaS permet moins de souplesse de négociation avec les éditeurs, toujours prompts à imposer leurs contrats standard.