La bonne gouvernance des systèmes d’information est un point essentiel pour apporter de la valeur à l’entreprise. Seulement, de part et d’autre, les attentes diffèrent parfois …
Selon le cabinet de conseil Compass Management Consulting, observée du point de vue de la Direction Générale, cette bonne gouvernance signifie que la direction informatique doit contribuer à un certain nombre d’éléments clés pour l’entreprise :
– Création de valeur
C’est notamment le cas pour les entreprises qui se développent et s’installent dans un nouveau territoire, puisqu’il est nécessaire que la DSI accompagne cette extension géographique en déployant les infrastructures et services nécessaires.
– Performance de tous les processus
Ce point concerne principalement la gestion des projets et le respect des processus qui garantissent le bon fonctionnement d’une grande entreprise. C’est l’opposition entre l’industrialisation, au sens noble du terme, par rapport à un mode plus artisanal.
– Budget et finance
Les directions générales ont pu considérer – dans un passé désormais lointain – que la DSI était un mal nécessaire, la percevant comme un centre de coûts plutôt qu’un centre de profits. Quand on observe les coûts de la DSI, on constate qu’ils peuvent représenter de 1% à plus de 5% du chiffre d’affaires, suivant le secteur d’activités. Si l’on prend l’exemple d’une entreprise dont le business dépend entièrement du web comme Amazon, le ratio dépasse 5% alors que dans une société industrielle française classique il pourra être d’environ 1%.
– Solutions et compétences
Il s’agit ici de la gestion des équipes, qui sera évoquée un peu plus loin.
– Risques et conformités
Ce point concerne avant tout les sociétés cotées sur des marchés anglo-saxons qui ont des contraintes de type Sarbanes-Oxley. Il en ressort de fortes obligations de conformité des comptes par rapport aux règles comptables en vigueur, et aussi de précision par rapport à l’affichage des résultats. Or, il s’avère que l’informatique est un levier très important pour tous ces sujets qui concernent l’automatisation, le contrôle, la vérification des fichiers, le suivi de commandes, etc.
Le Directeur Général attend de son DSI qu’il puisse gérer la complexité des technologies de l’information et qu’il la présente de manière simple, compréhensible et synthétique. Or, cette compréhension nécessite de disposer de tableaux de bord.
« Cependant, entre le tableau de bord qu’un DSI pourrait avoir envie de suivre pour savoir comment fonctionne son développement d’applications, sa maintenance d’applications et sa production, et ce qu’il souhaite montrer à son DG, il doit faire un exercice complexe de traduction », déclare Julien Escribe, Managing Consultant chez Compass. Les indices de performance qu’il a besoin de suivre ne sont pas forcément les mêmes que ceux que la DG va comprendre et pour cela le DSI doit afficher des KPI (Indicateurs de Performance Clés) que sa DG va comprendre.
Le DSI remonte à la Direction Générale les disponibilités d’applications critiques, ce qui constitue pour son DG un élément parlant, sachant qu’il s’agit parfois d’éléments faciles à suivre. « Par exemple, ajoute Julien Escribe, si l’on prend le cas de la grande distribution ou d’opérateurs mobiles qui possèdent de nombreux magasins en France, si une application de prise de commande s’arrête un samedi après midi c’est une catastrophe, si cela se produit un samedi après-midi en décembre, alors que le magasin réalise son plus fort chiffre d’affaires annuel en décembre, c’est une tragédie ».
Le DG attend de son DSI qu’il lui présente un tableau de bord clair, compréhensible et synthétique. Le DSI a l’obligation de faire la traduction entre ce qu’il a besoin de suivre de manière technique et ce qu’il est nécessaire de montrer à son DG. L’informatique nécessite d’être plus proche des métiers, c’est une attente récurrente. Le tableau de bord doit permettre de montrer l’alignement du système d’information avec les attentes des métiers de l’entreprise.
« Il faut que la DSI démontre la valeur qu’elle apporte aux métiers. Prenons l’exemple des projets de relève automatique des compteurs d’électricité ou d’eau. Le jour où l’informatique permet de relever la consommation directement chez les abonnés sans déplacement d’un technicien, elle permet de réduire les coûts et apporte de la valeur à la société, ce qui est immédiatement compréhensible par tout DG », affirme Julien Escribe.
En revanche, il est plus difficile pour un DSI qui fait part de sa volonté de migrer de Windows Vista à Windows 7 d’en montrer la valeur pour la société, et il est très probable que le DG peine à comprendre cette vision informatique. « L’image de la balance est très parlante lorsqu’il s’agit d’illustrer la prise de décision concernant les choix informatiques. La DG gère une balance et il est le seul à pouvoir le faire. Suivant les cas, le poids peut être mis du côté des métiers ou du côté de la DSI », souligne Julien Escribe.
Le développement de solutions sur étagère hébergées par des tiers (en mode « as a service ») par rapport à des solutions développées en interne est un bon exemple. Un autre exemple est celui dans lequel une société souhaite se développer dans un pays émergent.
La DG pourra alors choisir d’adopter une solution plus rapide, moins fiabilisée, moins « process », en laissant le métier, qui va développer le nouveau pays, choisir sa solution plutôt qu’en sortant l’armada guerrière associée à la lourdeur et la l’inertie que l’on peut trouver dans les processus établis d’une grande DSI. A contrario, lorsqu’on est dans le pays majeur de la société, dans lequel se trouve le siège, le poids de l’informatique est généralement prépondérant.
De manière générale, le DG ne comprend pas intuitivement la vision du DSI. Le DG attend aussi du DSI qu’il apporte une vision d’avenir sur les sujets à suivre. Si l’on prend un exemple concret par rapport aux changements qu’ils induisent. Julien Escribe donne une illustration particulièrement parlante avec l’exemple de Thierry Breton, PDG d’Atos Origin, qui déclarait récemment : « Dans trois ans, il n’y aura plus de mails chez Atos Origin ». « Cette citation est révolutionnaire. Si l’on se projette 20 ans en arrière les mails étaient quasiment une nouveauté technologique et aujourd’hui on ne peut imaginer vivre une heure sans savoir ce qui est vient d’arriver dans sa boite mail. Ce qui est important, dit Thierry Breton, c’est que les usages auront évolué vers les réseaux sociaux, internes et externes, et les messageries instantanées. »
C’est tout le thème des nouveaux usages et logiquement, ce n’est pas le DG qui va apporter ces changements sur la table. Il attend que cette initiative vienne du DSI et qu’il lui apporte une solution qu’on sait déployer, accompagnée d’un plan stratégique, etc.
« Nous sommes dans un moment charnière, avec la fin de l’ère du « tout PC ». Les smartphones, les tablettes et les solutions mobiles sont devenues une réalité dans l’entreprise et constituent un véritable raz-de-marée. Si l’on regarde les prévisions de commercialisation 2011 : 330 millions de smartphones et 42 millions de tablettes sont annoncés », commente Julien Escribe. Le concept du « bring your own PC » avec des applications personnelles et professionnelles sera une réalité demain.
Même si cela fait 20 ans que l’on dit que l’année prochaine il n’y aura plus de mainframes, ils sont toujours là. Nouveaux usages, nouveaux objets : si l’on prend l’exemple des sociétés du CAC 40 il y en a peu qui comportent moins de 1 000 informaticiens. Les équipes doivent être gérées avec les problèmes de pyramide des âges, de renouvèlement, de formations…
« Les équipes qui gèrent actuellement les serveurs ne peuvent pas du jour au lendemain gérer la sécurité sur les iPad. Il faut les former, et ça ne se fait pas en un claquement de doigts », précise Julien Escribe. Dans de nombreuses entreprises françaises, il est assez courant d’avoir des structures d’off-shore captif avec des équipes localisées par exemple en Inde. Dans le cadre d’une DSI globale qui comprend des équipes en France et en Inde, le DG s’attend à ce que ce soit le DSI qui en assure l’entière gestion.
Il souhaite que la présence d’équipes indiennes passe inaperçue et que ce fonctionnement se voit uniquement dans des coûts qui baissent, mais certainement pas dans des délais qui s’allongent. Pour rester sur le sujet de la gestion de la sous-traitance des équipes, les constructeurs automobiles ou aéronautiques pratiquent de plus en plus le co-développement. Dans le cas présent, on associe des forces de développement, les bureaux d’études de plusieurs sociétés différentes pour baisser les prix et concevoir ensemble différents éléments.
Le DSI doit concevoir une sorte de plateau virtuel où les collaborateurs vont travailler sur les mêmes projets en accédant à des systèmes d’information distincts pour concevoir une solution commune. « Nous sommes à nouveau dans l’apport de valeur que délivre la DSI. Ceci constitue une des attentes que le DG a vis à vis de son DSI, même s’il faut parfois être un peu « apprenti sorcier » pour le mettre en place », souligne Julien Escribe.
Autre point important : la gestion des risques est liée à tout ce qui gravite autour de la sécurité informatique, comme l’intelligence économique et les éventuelles tentatives d‘infiltration que des tiers mal intentionnés peuvent tenter.
Le DG a ici une responsabilité pénale, puisqu’il est mandataire, mais il délègue fortement cette partie vers son DSI et c’est lui qui doit porter le risque de la sécurité informatique et être doté des moyens et des compétences pour le faire. Parmi les risques figure également la gestion juridique des contrats et de la sous-traitance. Le positionnement du DSI dans l’organigramme de la société est déterminant et ce, surtout en France. La question étant : fait-il partie du comité exécutif ou non ?
S’il appartient à la garde rapprochée du PDG, il dispose d’un accès direct aux autres membres du comité exécutif, ce qui lui donne plus de pouvoir. A l’inverse, si le DSI est rattaché au DAF, il est moins facile d’avoir cet accès et l’accent est mis sur la partie coûts. Or, il est plus difficile pour un DSI d’œuvrer dans une société où il est constamment challengé sur les économies qu’il apporte.