Les bons indicateurs pour mesurer la valeur des correspondants informatiques

Dans le cadre de la transformation de son SI, la DSI de Veolia Propreté Rhin-Rhône a repositionné une fonction considérée comme l’un des points clés de la réussite du projet de réorganisation : les correspondants des systèmes d’information.

Le groupe a demandé à une équipe de l’école de Management des Systèmes d’Information de Grenoble de définir les indicateurs les plus pertinents permettant d’identifier la maturité de ces correspondants.

Après avoir enclenché plusieurs chantiers de réorganisation du SI, la DSI de Veolia Propreté Rhin-Rhône a fait évoluer la fonction des neuf correspondants des systèmes d’information. Le poste est devenu « correspondant méthodes des systèmes d’information ». Cette fonction se positionne désormais à la croisée des axes du changement, de l’accompagnement et de l’excellence opérationnelle qui caractérisent la ligne stratégique de la DSI Rhin-Rhône de Veolia Propreté. L’objectif global de la DSI est de mutualiser et standardiser l’ensemble des infrastructures informatiques, à savoir les postes de travail, les réseaux informatiques et les centres de traitement de données. Pour atteindre ces objectifs, l’entité spécialisée VE Tech a été créée.

Renforcer la cohérence

Dans un premier temps, il fallait donner une cohérence et une base commune d’échanges d’informations à l’ensemble des agences du territoire national (un « langage commun »). Outre l’apport d’homogénéité, l’enjeu était aussi de donner une vision fiable des flux, aussi bien métiers que monétaires, mais aussi réglementaires. De nombreux sites issus d’absorptions disposaient de systèmes d’information à l’état embryonnaire, voire d’aucun système d’information. Une mise en œuvre « top-down » de déploiement d’un package de logiciels métiers a été appliquée. Dans ce cadre, les correspondants SI ont joué un rôle prépondérant en accompagnant les opérationnels dans le changement culturel important que représentait l’utilisation des nouveaux outils mis à leur disposition.

L’attention des correspondants SI était focalisée sur la mise en place des cinq propriétés des informations :

  • l’efficacité : information significative et pertinente pour le processus de gestion ;
  • l’intégrité : exactitude et intégralité de l’information ;
  • la disponibilité des informations ;
  • la conformité : respect des lois, règlements et contrats ;
  • la fiabilité : fourniture d’informations pertinentes.

Une deuxième tranche de déploiement du SI a complété les actions déjà engagées, avec l’objectif d’améliorer la qualité des informations. Pour répondre à cette nouvelle exigence, les correspondants SI ont été rebaptisés correspondants méthodes des SI, ce qui représente une évolution dans leur profil métier : tout en conservant leurs objectifs et compétences précédents, ils doivent maintenant s’assurer que les données sont restituées d’une manière optimale dans le processus de reporting, c’est-à-dire que les informations ne sont saisies qu’une fois, pour qu’à terme l’intégralité des demandes de reporting n’utilisent que les outils fournis par la DSI.

Définir des indicateurs

Chez Veolia Propreté, les correspondants méthodes des SI n’existent aujourd’hui que dans la région Rhin-Rhône. À terme, le modèle pourrait être déployé dans toutes les régions, d’où la nécessité de mesurer les résultats des efforts de ces correspondants avec des indicateurs pertinents. Le correspondant travaille en contact quotidien avec des utilisateurs de profils très différents et en liaison permanente avec ses homologues des autres entités (directions opérationnelles de secteurs) et ses managers.

Pour appréhender le degré de maturité du correspondant méthodes des SI, trois dimensions peuvent être prises en compte :

  • la dimension «opérationnelle », pour mesurer les résultats concrets obtenus suite au travail de terrain (indicateurs de résultats) ;
  • la dimension « qualité de service », pour montrer comment le correspondant est perçu par ses interlocuteurs, en particulier le responsable logistique (indicateur vision externe) ;
  • la dimension « comportementale », en demandant au corres­pondants de s’autoévaluer par rapport à des critères directement en lien avec ses compétences et son autonomie de décision (indicateur de comportement).

Les deux leviers indissociables de la maturité, compétence et motivation, se retrouvent dans chacune de ces dimensions.

Une dimension opérationnelle : identifier les redondances

Souvent, il existe une diversité et une multitude d’outils utilisés par les collaborateurs pour la saisie et la mise à jour d’informations, avec la saisie en double dans des outils non fournis par la DSI (en particulier Excel). Dans la mesure où l’une des missions principales du correspondant méthodes des SI est d’identifier ces outils « parallèles » et de faire disparaître les redondances qu’ils génèrent, quels sont les indicateurs fournissant une représentation précise du positionnement des outils déployés par la DSI par rapport au fonctionnement quotidien des métiers ?

Deux indicateurs semblent pertinents à élaborer :

  1. le degré de recouvrement des besoins par les outils SI ;
  2. le niveau d’utilisation des outils SI déployés.

Le suivi de leur évolution permet à la fois de disposer d’une photographie à un instant T (réactualisée chaque trimestre) de l’adéquation SI-besoins métiers et de mesurer les résultats du travail quotidien des correspondants méthodes des SI.

La mise en place d’indicateurs pertinents et fiables nécessite de procéder en plusieurs étapes. D’abord, il convient de constituer une base de référence. Cette première étape a pour objectif de recenser l’ensemble des besoins des opérationnels. Le positionnement de ce premier jalon est indispensable, et disposer de ces informations initiales permet de mesurer les écarts et évolutions au fur et à mesure du déploiement des outils fournis par la DSI.

Cet inventaire doit être réalisé de manière exhaustive, ce qui demande un travail extrêmement patient et minutieux. Par ailleurs, cette approche donne l’opportunité de mettre en place une démarche « bottom-up » : la remontée des informations métiers est essentielle dans les démarches de transformation des SI.

La deuxième étape doit permettre de répondre aux deux questions suivantes :

  1. existe-t-il un logiciel fourni par le SI qui couvre le besoin identifié ?
  2. quels sont les “autres” moyens utilisés ?

La liste de besoins établie précédemment sera passée en revue afin de positionner en regard de chaque besoin le(s) outil(s) SI correspondants (existants ou en cours de développement).

Lorsque la fonctionnalité existe dans le système d’information, trois cas peuvent se présenter :

  1. le logiciel est utilisé ;
  2. le logiciel est utilisé mais la saisie est opérée en double : dans le logiciel et dans un autre outil ;
  3. le logiciel n’est pas utilisé.

Lorsque la fonctionnalité n’existe pas, deux cas sont possibles :

  • le besoin n’est pas connu et n’a pas été exprimé de manière explicite ;
  • le besoin est connu, pris en compte et étudié par la DSI (régionale ou nationale).

Dans les deux cas, des investigations doivent permettre d’identifier le(s) outil(s) de « substitution » utilisé(s). Une fois cet état des lieux précis effectué, deux démarches pourront être menées en parallèle. D’une part, la mise en œuvre des actions opérationnelles répondant à chacune des situations identifiées. Par exemple, dans le cas d’une fonctionnalité non connue et non couverte, remonter l’information au niveau national et prendre la main, développer un outil de saisie temporaire, qui sera le même pour tous.

D’autre part, suivre la progression du déploiement SI au travers de deux indicateurs, positionnés par rapport à la base à T0 (nombre total de fonctionnalités identifiées à T0), mesurés une fois par trimestre :

  • taux de couverture des besoins : pourcentage de fonctionnalités couvertes par le SI ;
  • niveau d’utilisation des fonctionnalités couvertes par le SI : pourcentage de fonctionnalités utilisées (saisie dans outil SI) ;
  • pourcentage de fonctionnalités non utilisées (saisie hors SI) ;
  • pourcentage de fonctionnalités faisant l’objet d’une saisie en double (saisie SI et dans un autre outil).

S’il est indispensable de travailler à partir d’une base de référence précise et stable, il n’en demeure pas moins que les besoins évoluent dans la « vraie vie ».

C’est notamment sur ces aspects que l’on attend des correspondants Méthodes des SI une grande réactivité doublée d’une capacité d’analyse critique. En effet, toute nouvelle demande est à étudier pour trouver la réponse la plus adaptée. Les nouveaux besoins identifiés (apparus depuis l’état des lieux à T0), liés à l’évolution de l’activité et/ou de l’organisation, seront comptabilisés à part et réintégrés dans la base de référence de l’année suivante.

Une dimension qualité de service : mesurer la perception

Un des facteurs clés de réussite de la réorganisation souhaitée par la DSI de Véolia Propretée est la collaboration très étroite entre le correspondant méthodes des SI et le responsable logistique, qui forment ainsi un binôme au sein de chaque direction opérationnelle de secteur (DOS). Pour appréhender cette situation, on peut élaborer un indicateur « vision externe ». L’idée est de faire évaluer par le responsable logistique la capacité du correspondant méthodes des SI à répondre à ses attentes. Cela nécessite, dans un premier temps, de déterminer sur quelles attentes doit porter cette évaluation. Celles-ci seront susceptibles d’évoluer et donc le périmètre de l’évaluation également.

Pour définir l’indicateur « vision externe » des correspondants méthodes des SI, on peut se baser sur la méthode, créée par le Japonais Noriaki Kano et qui se fonde sur le constat que la satisfaction et l’insatisfaction ne sont pas deux expressions symétriquement opposées d’une perception. En effet, une caractéristique particulière d’un service peut générer beaucoup de satisfaction auprès d’un utilisateur qui la découvre, sans pour autant que son absence ne cause symétriquement de l’insatisfaction.

Le modèle de Kano classe les attentes en trois catégories :

  1. Les attentes de base, quasiment toujours implicites, et dont le contentement n’apporte pas de satisfaction particulière. À l’inverse, ne pas répondre à ces attentes génère immédiatement une forte insatisfaction. Les fonctions ou caractéristiques qui y répondent sont donc obligatoires.
  2. Les attentes dont la réponse apporte une satisfaction proportionnelle à la réponse. Ces attentes sont généralement explicitement exprimées.
  3. Les attentes qui amènent une satisfaction de type « heureuse surprise », correspondant à des besoins émergents ou latents, pas vraiment exprimés, voire inconscients.

Le diagramme de Kano est une représentation simple et didactique de ces types d’attentes et des conséquences du fait qu’elles soient satisfaites ou non. Ce diagramme a une forme caractéristique où l’on distingue deux axes : verticalement, le degré de satisfaction de l’utilisateur et, horizontalement, le degré de la réalisation d’une fonction ou d’une prestation.

La catégorisation des attentes selon le modèle de Kano s’obtient grâce à un questionnaire en deux parties. La première partie traite des perceptions de l’utilisateur face à une fonction parfaitement opérationnelle : si la fonction est présente et parfaitement opérationnelle, que ressent l’utilisateur ? La seconde partie traite des perceptions de l’utilisateur face à l’absence de cette même fonction : si la fonction est absente ou mal assurée, que ressent l’utilisateur ?

Les deux parties de la même question sont toujours regroupées l’une à la suite de l’autre. La deuxième partie de la question porte sur l’absence de la fonction examinée tout en étant formulée de manière positive. La personne interrogée peut répondre de trois façons différentes : satisfait, neutre, insatisfait.

On distingue cinq catégories qui vont pouvoir être décrites et représentées graphiquement par la suite.

  1. Les fonctions obligatoires : ce sont des exigences de base implicites, impératives, bien que l’utilisateur ne les exprime pas nécessairement. L’absence de réponse à ces exigences provoque une grande frustration. La présence de ces fonctions est considérée comme normale et n’améliore donc pas pour autant la satisfaction.
  2. Les fonctions proportionnelles : la satisfaction de l’utilisateur augmente ou diminue proportionnellement à la performance de la fonction.
  3. Les fonctions attractives : ces fonctions sont imprévues. Leur présence provoque l’enthousiasme et conduit à une grande satisfaction de la part de l’utilisateur qui ne les attend pas.
  4. Les fonctions hostiles : leur présence provoque une profonde insatisfaction de la part de l’utilisateur.
  5. Les fonctions indifférentes : elles correspondent à la zone au centre du schéma. La perception de l’utilisateur est neutre, il ne ressent ni satisfaction ni insatisfaction. On peut dans ce cas douter de l’intérêt de la fonction.

Une dimension comportementale : mesurer la motivation

Le psychologue américain Frederick Herzberg, au début des années 1970, a mis en relation les motivations et les satisfactions au travail et a énoncé un postulat commun à toutes les théories du besoin : la non-satisfaction du besoin est source de motivation.

Frederick Herzberg oppose ainsi les sources véritables de la motivation à la simple satisfaction, modèle appelé « bifactoriel », en distinguant deux sortes de besoins : les besoins d’hygiène, qui, dès qu’ils sont pourvus, réduisent l’insatisfaction et ne sont donc plus motivants, et le besoin de se réaliser, qu’il considère comme le seul facteur de motivation.

Les facteurs de motivation sont connectés avec le travail en lui-même : la nature du travail, l’avancement, les responsabilités et l’autonomie, la reconnaissance et la réalisation de ses capacités. Une mesure de ces aspects peut être obtenue en utilisant le questionnaire d’auto-évaluation proposé par le psychologue américain Robert Karasek.

Le modèle proposé par ce dernier permet d’appréhender de manière pragmatique les situations auxquelles un salarié doit faire face dans son travail et les comportements induits par ces situations. Ce modèle s’appuie sur un questionnaire d’auto-évaluation qui permet de donner une représentation du contenu du travail tel qu’il est perçu par le salarié.

Les facteurs psychologiques et sociaux liés à l’activité de travail sont susceptibles d’améliorer ou de dégrader la santé physique et mentale des salariés. Le modèle de Robert Karasek permet d’appréhender certains facteurs de risque auxquels sont exposés les travailleurs. Ce modèle est aujourd’hui l’un des plus utilisés dans les recherches sur la santé au travail.

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Pour Robert Karasek, une situation de travail, quelle qu’elle soit, est la combinaison entre :

  • une « demande psychologique » (les exigences psychologiques du travail) : elle concerne la quantité de travail à accomplir, les contraintes de temps (le salarié a-t-il le temps de faire son travail ou lui demande-t-on de travailler très vite ?), les demandes contradictoires, les interruptions fréquentes…
  • une « autonomie (ou latitude) décisionnelle », qui correspond aux marges de manœuvre dont le salarié estime disposer pour peser sur les décisions dans son travail, à la possibilité d’être créatif, d’utiliser ses compétences et d’en développer de nouvelles.

Le croisement de ces deux caractéristiques, variant entre deux niveaux (faible ou élevé), permet de définir quatre types de situations de travail. Ces situations de travail peuvent être traduites de la manière suivante (voir tableau ci-dessous).

  • Les actifs : ce sont les salariés ayant une forte demande psychologique et une forte latitude décisionnelle, ayant donc une charge importante, mais aussi une importante marge de manœuvre avec une forte utilisation de leurs compétences.
  • Les détendus : ils déclarent une faible demande psychologique et beaucoup de latitude décisionnelle. Ce sont des personnes ayant une grande capacité à gérer leur travail.
  • Les passifs : ils ont à la fois une faible demande psychologique et une très faible autonomie de décision. La pression n’est pas importante, mais ils ont peu ou pas de possibilités d’influencer le déroulement de leur travail.
  • Les stressés (tendus) : les exigences du travail sont importantes (demande psychologique forte), et les ressources disponibles dans le travail pour y faire face sont insuffisantes (latitude décisionnelle faible) : il s’agit de la situation la plus difficile appelée également situation de « job strain » (tension au travail). Cette classification des individus, par rapport à une activité donnée, fait ressortir des facteurs importants influençant leur comportement.

D’une manière générale, les correspondants méthodes des SI doivent toujours être soutenus par une démarche d’accompagnement au changement. Celle-ci doit notamment intégrer une définition d’objectifs clairs et être jalonnée en différentes phases (feuille de route) afin que les correspondants appréhendent au mieux leurs interventions futures.

    Les quatre principales situations de travail
  Demande psychologique
 Faible  élevée
  Latitude décisionnelle  élevée  Travail détendu  Travail dynamique (actif)
 Faible  Travail passif  Travail tendu (surchargé)
Source : EMSI.

 


Les trois pôles de la DSI de Veolia Propreté

La direction des systèmes d’information est organisée autour de trois pôles :

  1. la direction du pilotage et de la performance, qui met au point les outils de pilotage des SI, les méthodes et outils d’évaluation de leur performance et de veille à la conformité aux exigences internes et externes ;
  2. la direction des services d’infrastructure, qui conçoit et met à disposition des normes et standards dans le domaine des infrastructures informatiques, assiste les divisions dans la mise en œuvre des parties qui leur sont propres et pilote le déploiement des services d’infrastructures communs ;
  3. la direction des projets et de l’urbanisme, qui planifie et élabore le plan projets informatiques Groupe en cohérence avec ceux des divisions, prend en charge la partie SI des solutions applicatives communes à l’ensemble du Groupe et accompagne les directions métiers dans le déploiement des solutions Groupe.