En matière de gestion des actifs logiciels, les marges d’amélioration sont nombreuses. Trois stratégies peuvent être déployées : optimiser l’utilisation des licences, standardiser les processus pour gagner en efficacité et réduire les coûts, et progresser en maturité. Les exemples de Vallourec, d’Alstom et d’un grand groupe logistique.
Le calcul est rapidement fait : une entreprise moyenne, qui dispose d’une cinquantaine de solutions logicielles, chacune étant installée avec cinq versions différentes, avec des modes de licensing différents et des modes spécifiques d’identification des utilisateurs, va vite se retrouver devant un casse-tête pour s’assurer en permanence de la conformité du parc de logiciels.
Et si l’entreprise est beaucoup plus grande, avec des logiciels lourds, tels que des ERP, installés dans de multiples établissements et filiales dans le monde entier, le risque de non-conformité ne sera jamais nul, à supposer qu’il soit maîtrisé. Et au-delà de quelques dizaines de licences, il n’est pas possible de les gérer sur un tableur ! Le problème n’est évidemment pas limité à une optimisation de la gestion des licences. C’est aussi, et surtout, un risque d’audit de la part des éditeurs, qui, pour la plupart, présentent des factures très élevées : d’après une étude IDC pour la BSA (Business Software Alliance), 36 % des logiciels professionnels seraient utilisés sans licences dans les entreprises françaises.
L’enjeu est également financier : selon une étude, menée par 1E en 2014, sur 1,8 million de postes de travail dans 74 américaines et britanniques, en moyenne 28 % des logiciels installés ne seraient pas utilisés et le coût moyen de cette sous-utilisation s’élèverait à environ 200 euros par poste de travail, pour les 35 logiciels les plus installés dans les 74 entreprises étudiées.
Éclaircir le maquis des licences SAP
Vallourec, groupe industriel spécialisé dans les solutions tubulaires, a été confronté au problème de la réconciliation des licences SAP, qui était effectué manuellement avec, on s’en doute, des risques d’erreurs et des tâches très chronophages. « Nous n’avions pas de vue claire et centralisée sur l’utilisation réelle des licences acquises, précise Patrick Anglard, DSI de Vallourec, c’était un processus lourd et consommateur de temps, réalisé, au mieux, seulement deux fois par an, avec, en outre, des situations de stress du fait des risques de non-conformité et de l’incertitude budgétaire. »
Le groupe industriel s’est équipé d’une solution (Flexera Software), après avoir réalisé un POC. « Vingt-huit systèmes ont été ensuite connectés, avec 6 000 utilisateurs concernés », souligne Patrick Anglard. L’approche repose sur une centralisation de l’analyse des licences SAP, avec un rapprochement des licences SAP utilisées avec les licences SAP achetées. Ainsi, l’utilisation réelle des licences est automatiquement réalisée, avec une consolidation pour l’ensemble des systèmes. « La revue des droits des utilisateurs par rapport à leur utilisation réelle conduit à adapter les modes de licences, ce qui optimise les achats et permet une allocation simplifiée des licences », ajoute Patrick Anglard. « Nous avons réduit notre risque de non-conformité : dans les années 2000, époque où nous étions en situation de risques avec des non-dits sur les usages, nous souhaitions éviter de subir les audits d’éditeurs. Nous sommes aujourd’hui beaucoup mieux armés pour la négociation avec SAP. »
Maîtriser les dépenses avec un portail unique
Chez Alstom, autre grand groupe industriel, la problématique était similaire : trop de solutions différentes pour un même besoin, trop d’étapes de validation pour le processus d’achat, plusieurs bases de données d’inventaire des logiciels, mais sans lien entre elles, et des difficultés pour les mettre à jour. « N’importe qui pouvait acheter des logiciels, comme pour les stylos », se souvient Laurence Natali, responsable de la gestion des actifs logiciels.
Le groupe a mis en œuvre un portail d’inventaire des applicatifs, basé sur une CMDB (Configuration Management DataBase) avec un module de gestion de la demande, pour les nouvelles licences, les renouvellements et les achats de nouvelles solutions. « Nous relions l’application à son serveur et les achats sans mise à jour de l’inventaire sont interdits », précise Laurence Natali. Concrètement, le processus d’achat a été revu, avec une définition des responsabilités : désormais, le manager IT remplit le formulaire de demande et le soumet au gestionnaire d’actifs logiciels.
Celui-ci a pour rôle de valider la demande, en lien avec la direction financière et la direction des achats, et d’estimer les besoins de licences à acquérir. Pour Laurence Natali, cette remise à plat présente plusieurs avantages : « Une traçabilité de la demande, une baisse des coûts de licences et de maintenance, une meilleure réallocation des licences, une vision plus claire des demandes en cours et des licences transférées, et moins de risques d’erreurs en cas d’audit. »
Gagner en maturité et en expertise en gestion des actifs logiciels
Un groupe multinational du secteur des services dans le domaine de la logistique est en cours de déploiement d’une approche de gestion de ses actifs logiciels, pour passer du premier niveau de maturité, celui où il n’y a pas de processus ni d’outillage spécifique, à un niveau 4, à l’horizon 2017. Les coûts de gestion des licences devraient être divisés par cinq par rapport à 2009, grâce à une optimisation de la situation existante dans plus de mille entités juridiques regroupant plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs.
L’approche se réalise en trois étapes. D’abord, la création d’une équipe dédiée à la gestion des actifs logiciels, d’une base de données des contrats de maintenance, la centralisation des achats, la cartographie des risques et la mise en œuvre de contrôle des investissements pour les dépenses en logiciels.
Ensuite, la seconde étape consiste à développer l’expertise en gestion des licences, à optimiser les contrats globaux avec les éditeurs, à implémenter les bons processus, notamment pour la gestion des demandes. Enfin, la dernière étape consistera à étendre l’approche aux licences cloud, à gérer les risques et à centraliser toutes les demandes avec des formats uniformes.
Les bonnes pratiques et les facteurs clés de succès
Pour réussir l’implémentation :
- Prévoir un programme dédié
- Élaborer un plan de financement
- Construire l’expertise technique (interne ou externe)
- Organiser la formation
- Privilégier les processus standardisés
- S’équiper d’un outil logiciel
Pour réussir l’optimisation des coûts :
- Réaliser un portail
- Centraliser les achats
- Standardiser les processus et les outils
- Organiser des pools de licences
- Effectuer des contrôles internes réguliers
- Automatiser le reporting
- Intégrer au maximum les systèmes
Pour réussir la relation avec les fournisseurs :
- Privilégier la transparence des processus et des outils
- Constituer une équipe centralisée
- Privilégier les modèles de licences flexibles
- Coopérer avec les fournisseurs, par exemple pour la gestion de projet et la formation
- Contrôler régulièrement la qualité des données sur les licences
Les bénéfices d’une optimisation des parcs de licences
- Identification automatique des licences non utilisées ou vacantes
- Suppression des comptes non utilisés
- Réaffectation des licences non utilisées facilitée
- Identification des doublons
- Vérification que les licences acquises sont bien utilisées
- Vérification que les nouvelles licences ne sont acquises qu’à bon escient
Source : Vallourec