Les douze ingrédients pour construire une culture de la DSI

Imaginons un instant : à la DSI, tous les projets sont livrés à l’heure, les engagements sont respectés, les clients internes et les utilisateurs sont satisfaits, les collaborateurs de la DSI sont fiers du travail bien fait, la coopération transverse entre services est efficace et les relations sont harmonieuses, la recherche de l’amélioration continue est systématique tant au niveau du service fourni qu’au niveau économique. Et de façon naturelle, sans efforts apparents…

Est-ce utopique ? Sans doute, mais il est possible de s’en approcher. Quelle serait alors la source d’un tel résultat ? La culture ! C’est une notion qui peut paraître complexe. Elle dépend de l’histoire de l’entreprise, de son activité, de ses valeurs, ses croyances, de la personnalité de ses dirigeants… Mais ce qui relève de la culture est tellement intégré dans nos habitudes que nous n’avons pas besoin d’y penser.

Prenons un exemple : le fonctionnement fluide en mode transverse est rarement un point d’excellence de nos organisations. Et pourtant, dans des situations exceptionnelles ou lorsqu’une une crise surgit, nous arrivons en général à mobiliser toutes les parties concernées et à travailler ensemble de façon efficace.

Nous déployons, certes, énormément d’énergie, mais, au final, nous parvenons à atteindre les résultats souhaités et nous sommes légitimement fiers de ce que nous avons collectivement accompli. Si seulement cela pouvait être toujours le cas ! Hélas, dès que la pression des événements exceptionnels retombe, les difficultés reviennent, le fonctionnement en mode silo redevient la règle, car il faut bien reconnaître qu’il s’agit du fonctionnement habituel. Les résultats ne sont plus atteints.

Imaginons maintenant que ce que nous arrivons à réaliser en situation exceptionnelle devienne tellement ancré dans les habitudes de chacun et de l’organisation que, systématiquement, crise ou pas, la coopération entre les équipes devienne naturelle et que les problèmes transverses soient réglés efficacement. Voilà ce que pourrait apporter une évolution de la culture de la DSI !

Culture de la DSI : les bons ingrédients

Le sens du service. Il concerne bien sûr tous les colla­borateurs du front office qui sont en contact direct avec les utilisateurs : écoute, qualités relationnelles, réactivité, prise en compte des difficultés, bonne communication, soin apporté à la recherche de la satisfaction des clients… mais aussi tous les collaborateurs du back office qui contribuent à la fourniture des services délivrés. De même, ceux qui exercent des activités de support (qualité, gestion de projet) développent ce sens du service vis-à-vis des équipes internes (écoute, simplicité des solutions, accompagnement, prise en compte des retours du terrain…).

L’écoute des métiers, des clients internes et une posture de conseil. Cela ne signifie pas nécessairement qu’il faille dire oui à toutes les demandes. La DSI ne se positionne pas en simple exécutante. Elle comprend les besoins des métiers, au-delà des éventuelles solutions qu’ils pourraient envisager eux-mêmes, et propose des réponses adaptées les plus simples possibles, en s’appuyant notamment sur les fonctionnalités déjà existantes dans le système d’information et en proposant des alternatives.

La prise en compte des intérêts transverses. La DSI a une caractéristique par rapport aux prestataires de services externes : ses clients ne sont pas indépendants entre eux, mais appartiennent à la même entreprise ou au même groupe. Il y a donc potentiellement certains enjeux qui sont supérieurs aux enjeux de chacun des métiers, par exemple la volonté de la direction générale d’harmoniser certaines pratiques, ou le besoin d’urbaniser de façon cohérente l’ensemble du système d’information. La DSI joue ce rôle subtil de synthèse entre ces approches.

La responsabilité de bout en bout. La fourniture des services repose le plus souvent sur la nécessaire coopération de plusieurs départements au sein de la DSI. Lorsque la responsabilité de bout en bout fait partie intégrante de la culture, chacun se sent responsable de toute la chaîne en aval, y compris en dehors de toute relation hiérarchique. Par exemple : « Je ne reporte pas la responsabilité d’un retard sur un prestataire d’infogérance. Il est de ma responsabilité de m’assurer que ce prestataire me permettra de tenir mes engagements. »

Ce sujet concerne, bien sûr, ceux dont la mission est par nature transverse : business relationship managers, directeurs ou chefs de projets, service owners, process owners, mais aussi tous les collaborateurs qui, pour remplir leurs missions, s’appuient sur les contributions d’autres, externes ou internes.

L’amélioration continue ou « la correction des dysfonc­tionnements sans blâmer ». Sur le plan des processus, cela suppose qu’ils soient définis, que les indicateurs de performance et de pilotage soient mesurés et que les retours d’expérience soient réalisés systématiquement pour en déduire des actions de progrès. Ces processus, modifiés par l’exploitation des retours terrain, sont donc déployés et appliqués. Sur le plan des comportements, on ne recherche pas de coupable. On encourage à identifier les dysfonctionnements et à les analyser comme autant d’opportunités de progrès en analysant les causes.

Le respect des engagements au-delà des circonstances. Les projets respectent les délais et les coûts prévus initialement, les niveaux de service sont conformes aux engagements pris. Les difficultés qui peuvent survenir ne constituent pas des excuses pour expliquer les retards, mais suscitent la créativité afin de rechercher des solutions alternatives. Pour respecter les engagements, malgré les impondérables, des indicateurs de pilotage permettent d’anticiper, de réagir et, au besoin, d’escalader avant qu’il ne soit trop tard.

La coopération entre services. Les sujets transverses, qu’il s’agisse d’améliorer des processus, de résoudre des problèmes complexes ou de répondre rapidement à des demandes clients, sont traités de façon fluide et efficace. Chaque partie prenante écoute, comprend, prend en compte le point de vue des autres et contribue activement à la recherche d’une bonne solution au sens de la problématique globale. Cette coopération permet d’atténuer largement les difficultés de communication habituelles entre les équipes de développement, d’exploitation, d’architecture, de réseau, de sécurité…

La discipline et le respect des processus. Les processus sont connus et respectés, non pas parce que c’est obligatoire, mais parce que ceux qui les appliquent reconnaissent leur apport au service des objectifs poursuivis par l’organisation. Par ailleurs, lorsqu’apparaissent, sur le terrain, des difficultés à les appliquer, les propriétaires des processus sont immédiatement et systématiquement informés. Si besoin, les processus sont modifiés pour s’adapter. Ils sont donc constamment le reflet de la réalité du terrain. Si un nouvel arrivant ne respecte pas l’un des processus, ses collègues vont se charger de lui rappeler les enjeux…

L’anticipation : on ne découvre pas les mauvaises surprises à la dernière minute. Bien sûr, il se produira toujours des évènements qui font obstacle aux objectifs. Ils sont identifiés dès qu’ils surviennent, ce qui permet d’élaborer des plans d’action en remédiation avant qu’il ne soit trop tard. Les escalades auprès du management sont immédiates et les parties concernées (notamment les clients…) sont informées au plus vite de l’évènement et des actions prévues pour y faire face.

L’innovation : la DSI est reconnue par les métiers comme innovante. Par ses contacts avec d’autres DSI, elle a connaissance d’expériences réalisées qui pourraient intéresser l’entreprise et établit les relations pour ces échanges. De même, en ce qui concerne le métier de la DSI, elle est à l’écoute de nouvelles approches destinées à améliorer la performance de la DSI, les évalue et n’hésite pas à les appliquer quand l’évaluation est concluante.

Le sens des coûts et de l’efficience. La grande majorité des DSI doit veiller à réduire les coûts du « run » (alors que le périmètre ne cesse de s’élargir sous l’effet de la croissance naturelle et de l’arrivée des nouvelles applications) pour que le budget du « build », qui représente la valeur ajoutée additionnelle, soit le plus important possible. Tous les managers et collaborateurs intègrent les aspects économiques dans leur fonctionnement quotidien. Les décisions à prendre dans le cadre des nouveaux projets prennent en compte les coûts du « run ».

Le respect et la reconnaissance dans la clarté. Les utilisateurs et clients internes (métiers) sont respectés et reconnaissent la qualité du service rendu. Les équipes de la DSI se sentent reconnues et respectées par le management et les clients internes. Elles apprécient leurs conditions de travail et sont fières d’apporter une valeur reconnue. La relation entre les collaborateurs est fluide. Les prestataires externes sont traités également de manière respectueuse. Sur le fond, si une prestation n’est pas conforme, les choses sont dites clairement, de telle sorte qu’elle soit corrigée. La forme, quant à elle, reste courtoise et respectueuse. De même entre collaborateurs, les engagements réciproques ont honorés et dans le cas contraire, le sujet abordé clairement.

La plupart de ces thèmes peut ressembler à une liste de vœux pieux ! Comment faire ? Il n’est pas question de prétendre qu’il existe une baguette magique qui permet de garantir une telle transformation culturelle immédiate et sans effort. Mais aborder le sujet sous l’angle de la transformation culturelle et de l’acquisition de nouveaux comportements permet d’identifier des leviers puissants pour une action concrète permettant de se rapprocher de cette vision qui dépasse largement l’organisation, la gouvernance et les processus.

Cet article a été écrit par Dario Tarantelli, président d’Ekara, société de conseil et de coaching des organisations. www.ekera.net