Les DSI face aux nouveaux métiers du numérique

Lors du dernier petit déjeuner Best Practices (décembre 2012), les échanges ont porté sur l’évolution de la fonction système d’information, notamment face à la montée en puissance des métiers du marketing digital sur lesquels les DSI ont peu ou pas de prise.

« De nombreux projets SI ne sont plus pilotés par les DSI, et c’est plutôt inquiétant pour eux, beaucoup de postes ne sont pas remplacés à l’identique et la crise ne va rien arranger », constate Jean-Pierre Scandella, associé de Arrowman Executive Search et coauteur de l’étude Best Research sur les fonctions de la DSI et du marketing digital. Dans ce dernier domaine, des nouveaux métiers sont apparus (directeur e-marketing, traffic manager, community manager, analyste de données…).

Pour Franck Pasquet, associé en charge du département Digital & Marketing chez Arrowman, la préoccupation majeure de tous les métiers est de disposer « de données uniques et de qualité pour les utiliser de manière efficace sur des supports qui évoluent en permanence, surtout pour les activités de marketing qui sont en ligne à 70 %, et on n’observe guère de différences, dans cette approche, selon les tailles d’entreprises ». Cela confirme la montée en puissance de la fonction de « Chief Digital Officer » qui traduit, selon Franck Pasquet « le poids des data sur celui des infrastructures ».

Les participants au petit déjeuner du Groupe des Pairs ont bien perçu ces changements. Trois ruptures se dégagent. D’abord, la proximité avec les métiers devient plus impérieuse. « Je participe aux réunions dans les métiers et si je ne les écoute pas, les directions métiers vont se débrouiller seules », témoigne le DSI d’une moyenne organisation. Ensuite, la rupture se traduit dans la manière de gérer les projets. « Il n’est pas souhaitable que le DSI soit chef de projet sur une initiative métier, sauf si c’est purement technique », conseille un DSI. Enfin, un renforcement de la communication s’impose.

« Travailler la relation DSI-DG demande une vraie pédagogie et les DSI ne sont pas habitués à cette attitude », rappelle un DSI, pour qui « un des domaines où l’on doit particulièrement communiquer concerne les délais, les DG ne comprennent pas pourquoi tous les projets prennent du temps. » Pour un autre participant, le travail sur la perception du rôle du DSI est fondamental : « Quand un projet plante, c’est un projet informatique, quand il réussit c’est un « projet transverse ». » « Nous passons notre temps à expliquer à des interlocuteurs différents qu’ils ont en réalité des demandes similaires, mais si l’on ne se bat pas pour intervenir le plus en amont possible, on court à l’échec, faute d’équilibre des responsabilités », renchérit un autre DSI.

Les participants au petit déjeuner, qui ont pu découvrir en avant-première les résultats de l’étude Best Research sur les rémunérations des fonctions de la DSI, ont pu constater que les perspectives sont plutôt moroses. « Les fonctions de DSI/DOSI ont tendance à être remplacées par des postes très opérationnels lors de changements organisationnels lourds, notamment dans les PME et ETI, où des fonctions de responsables de domaines et de directeur de projets sont directement rattachés au directeur général ou au directeur financier », précise Jean-Pierre Scandella.

Et si, sur le plan de l’évolution des rémunérations, c’est plutôt le calme plat, pour les fonctions liées au marketing digital, la situation est plus favorable, en particulier pour les métiers émergents telles que l’analyste des données, qualifié dans un récent article de la Harvard Business Review (octobre 2012) comme « le job le plus sexy du XXIe siècle ». « Pour l’instant, en France, ils sont trois fois moins payés qu’aux États-Unis, mais l’écart va se resserrer », assure Franck Pasquet. Avis aux amateurs…

Et les salaires des DSI ? L’étude Best Research – Arrowman Executive Search fournit des fourchettes de rémunérations en distinguant l’envergure du poste (DSI, DOSI, DSI International) et la taille de l’entreprise. Pour les PME, la rémunération annuelle d’un DSI est comprise entre 110 000 et 140 000 euros. Pour une grande entreprise, la fourchette se situe plutôt entre 120 000 et 160 000 euros. Dès lors que le DSI à le titre de DOSI (directeur de l’organisation et des systèmes d’information), la rémunération se situe plutôt entre 140 000 et 150 000 euros pour les PME et jusqu’à 250 000 pour les plus grands groupes. Dès lors que l’entreprise opère à l’international, les rémunérations sont ecore plus élevées : entre 160 000 et 180 000 euros pour les PME et jusqu’à 300 000 euros pour les grands groupes.

« La fonction évolue logiquement vers le management et l’organisation ou vers les métiers quand le D.O.S.I. a géré des grands projets dans l’entreprise et intégré des ERP et outils applicatifs spécialisés, souligne l’étude. Plusieurs profils ont su évoluer vers une fonction stratégique et de direction générale, notamment dans des entreprises dont l’offre correspond à un contenu technologique. Le passage à une fonction internationale n’est pas facile et l’on observe un écart important entre les rémunérations des fonctions locales et internationales. »

Selon l’étude, « la DSI évolue également en s’allégeant de certaines fonctions comme la fonction de directeur des études. En effet, la « hiérarchie » des études semble s’assouplir et la fonction de DSI elle-même est parfois talonnée par des postes de responsables de domaine qui pilotent à la fois l’organisation et la direction des études. »

L’encadrement des postes techniques Web reste assuré par des postes de chef de projets Web ou des responsables front office. Mais les projets Internet et la mise en place de nouveaux outils échappent de plus en plus à la DSI pour être rattachés au marketing et à la direction générale dans les organisations plus légères ou ils trouvent leur autonomie dans des organisations nouvelles. à ce stade, les fonctions semblent se juxtaposer, provoquant des questions de fiabilité et d’optimisation d’intégration des flux qu’assurent, au final, les DSI.

« Les fonctions d’urbanistes des systèmes d’information, d’administrateurs de données et de chef de projets et organisateurs, et de responsables sécurité, nous semblent particulièrement porteuses dans ce contexte d’évolution rapide où la maîtrise de l’informatique est réalisée quotidiennement par des professionnels qui prennent acte de ces changements », précise Jean-Pierre Scandella, pour qui « les fonctions digitales explosent en entrainant une approche moins « hiérarchisée » et plus fluide dans les organisations. L’utilisation des réseaux sociaux et leur professionnalisation devraient accélérer encore ce mouvement et bousculer davantage les organisations. »

Les rémunérations moyennes des DSI français (montants en milliers d’euros)
PME / ETI Groupes
DSI 110/140 120/160
DOSI 140/150 150/250
DSI international 160/180 180/300
Source : Best Research – Arrowman Executive Search.