Les ERP n’échappent pas à l’engouement pour le modèle SaaS. Avec toutefois quelques risques liés à la délocalisation des données et à la disponibilité du service. Explications de Jean-Louis Tomas, auteur de l’étude Best Practices Research sur la maîtrise des projets ERP.
Le monde des ERP apparaît, lui aussi, concerné par les modèles SaaS et cloud computing. Qu’en est-il exactement ?
Jean-Louis Tomas Cet aspect de l’hébergement d’un ERP est beaucoup plus étendu que le simple hébergement d’applications toutes prêtes à l’utilisation. Il inclut aussi les plates-formes physiques ou virtuelles et même toute une infrastructure informatique en tant que service hébergé, concept qui a pris le nom de « SaaS » (Software as a Service) ou « logiciel en tant que service » en français. Cette nouvelle façon de « consommer » des applications d’entreprise et en particulier des ERP est supportée par un nouveau concept architectural appelé « cloud computing » ou « informatique en nuages ».
Les applications en mode SaaS sont supportées par une architecture de type cloud computing. Il n’y a pas encore une définition de ce concept qui soit complètement acceptée par l’ensemble des acteurs du marché. On confond souvent SaaS avec « SOA » (Service Oriented Architecture). SOA est une approche architecturale, alors que SaaS est un modèle de distribution de logiciels.
Par exemple, selon IBM, le SaaS est un modèle de déploiement qui met à la disposition des entreprises des environnements informatiques standardisés, flexibles, utilisés selon les besoins, et mutualisant les ressources.
Selon le Gartner, ce modèle propose une offre de services, extensible et élastique. Les ressources sont partagées, allouées et libérées en fonction du besoin, facturées à l’utilisation, et basées sur Internet. C’est de l’informatique « à la demande ». L’architecture principale des modes SaaS est basée sur le Web. La baisse des prix des serveurs et des connexions réseaux, l’architecture des applications orientées services et la standardisation des fonctionnalités créent un terrain favorable qui pousse de plus en plus les PME-PMI à s’abonner à ce type de services et permet le développement d’applications hébergées et leur utilisation. C’est de l’ERP « sur demande ». Les SaaS sont une industrialisation des modes ASP (Application Services Provider) que nous connaissons déjà depuis quelques années.
Pourquoi les éditeurs d’ERP se positionnent-ils sur ces modèles ?
Jean-Louis Tomas Les raisons qui ont amené les éditeurs et les entreprises à s’orienter vers des ERP hébergés sont les mêmes que celles qui les ont poussés à développer ces concepts de SaaS et de cloud computing pour les plates-formes physiques ou virtuelles et l’infrastructure informatique.
On peut ainsi identifier plusieurs facteurs : la saturation du marché des grands comptes et donc la raréfaction de grands clients nouveaux, la progression du marché des PME-PMI et celle des marchés publics et leurs demandes croissantes pour des applications intégrées, sans que les organisations aient forcément les moyens ou la volonté de les mettre en place en interne, et, enfin, le développent des plates-formes Web, des réseaux et des connexions qui ont créé un terrain favorable pour le développement des applications hébergées en facilitant leur utilisation.
Pourquoi les entreprises utilisatrices se tournent-elles vers l’utilisation d’un ERP en mode hébergé ?
Jean-Louis Tomas Cette approche est essentiellement basée sur des considérations de coûts, de sécurité des données et de continuité de service. Dans un premier temps, les entreprises commencent par externaliser vers un fournisseur de service SaaS les fonctions peu utilisées ou qui ont peu d’importance stratégique comme les fonctions standard et répétitives qui ne remettent pas en cause la compétitivité de l’entreprise (messageries, bureautique, etc.).
Ensuite, dans un second temps, les entreprises évaluent la migration vers le mode SaaS de leurs fonctions les plus importantes comme les applications de gestion des ressources humaines, l’ERP, le CRM, le SCM et le data warehouse. Cela se fait progressivement en prenant toutes les précautions nécessaires.
Quels peuvent être les principaux inconvénients du mode SaaS pour l’utilisation opérationnelle d’un ERP ?
Jean-Louis Tomas Ce mode d’applications hébergées permet un déploiement rapide, une utilisation flexible et une réduction du coût d’exploitation grâce à la mutualisation des ressources. Mais il introduit des complications à cause de la délocalisation des données, qui induit forcément quelques problèmes de sécurité et de confidentialité. Il ne faut également pas oublier que la discontinuité du service présente un risque majeur pour l’entreprise. Notons également que la migration des données de l’entreprise cliente vers son hébergeur peut également poser quelques difficultés du même ordre.
Comment percevez vous le marché en 2012 pour l’ERP en mode SaaS ?
Jean-Louis Tomas Selon les cabinets (Gartner ou IDC), le marché du SaaS affiche une progression à deux chiffres depuis 2009. Il s’agit d’une croissance logique pour un marché qui n’en est qu’à ses débuts. Selon les estimations des analystes du marché des logiciels, le SaaS représente déjà entre 10 et 20 % du chiffre d’affaires du marché des logiciels selon le périmètre pris en considération. Cette large fourchette est probablement due à l’imprécision de la définition de l’architecture SaaS qui n’a pas encore atteint sa maturité. En 2011, la croissance du mode SaaS a atteint plus de 32 % alors que la croissance du marché général des logiciels classiques n’a atteint que 8 %.
Modèles et modes de déploiement
- L’« IaaS » (Infrastructure as a Service) ou une infrastructure en tant que service s’intéresse au matériel comme serveurs, espace disque ou réseau. Le fournisseur met à la disposition de son client l’équivalent d’un serveur physique avec tout le matériel nécessaire pour le faire fonctionner.
- La « PaaS » (Platform as a Service) ou plate-forme en tant que service est un environnement fonctionnel prêt à l’emploi. L’infrastructure matérielle est transparente pour le client.
- Le « SaaS » (Software as a Service) ou logiciel en tant que service : le fournisseur met à la disposition de son client une application complète comme par exemple un ERP dans son intégralité et configuré pour ce client.
Trois modes de déploiement
- Le « nuage privé » (interne) qui est utilisable uniquement par les collaborateurs de l’entreprise en intranet bien qu’il soit hébergé chez un fournisseur externe.
- le « nuage public » (externe) utilisable par le grand public sur Internet.
- le « nuage hybride » (interne, externe), lorsque l’entreprise met en place une structure privée qui sera complétée si besoin par des ressources externes (public).