Xerfi vient de publier une étude sur le marché du CRM à l’horizon 2026. – IA générative, guerre des talents, essor des customer data ». Vincent Chamouleau, chargé d’études senior, en résume les principaux enseignements.
Existe-t-il toujours un potentiel de croissance pour la filière du CRM et ses segments ?
Il sera moindre que par le passé mais le potentiel de croissance de la filière est bel et bien réel. Nous avons estimé le marché du CRM (Customer Relationship Management ou gestion de la relation client) et de la donnée client à 4,5 milliards d’euros en 2023 en France. Celui-ci devrait progresser au rythme de 4,5% par an en moyenne pour dépasser les 5 milliards en 2026, d’après nos prévisions.
Entre 2023 et 2026, le chiffre d’affaires des éditeurs de logiciels (1,8 milliard en 2023), celui des acteurs du conseil-intégration CRM et data client mais aussi celui des spécialistes du courtage et de la valorisation de données clients s’inscriront en hausse. De plus en plus d’entreprises vont en effet s’équiper en logiciels CRM alors que les éditeurs, comme par exemple Salesforce, déploient davantage de solutions adaptées aux besoins des TPE et PME. L’enrichissement de l’offre et surtout l’augmentation structurelle des prix stimuleront également l’activité des éditeurs.
Les fonctions marketing et de service client des entreprises seront, elles aussi, concernées par la digitalisation. Ce qui militera pour un recours accru aux compétences des cabinets de conseil et ESN spécialisées en relation et donnée client. Les entreprises seront en outre très prudentes en matière de conformité réglementaire, dopant donc les prestations de conseil. Sans oublier que les prestataires conserveront un fort pouvoir de fixation des prix leur permettant de recruter des profils très demandés dans la tech comme des data scientists et autres devops.
Les perspectives s’annoncent en revanche plus contrastées du côté du courtage et de la valorisation de la donnée client. La demande en solutions CDP, DMP et autres outils technologiques de collecte et d’exploitation marketing restera de fait limitée tandis que les revenus des activités historiques de négoce (vente et location) de données client se contracteront.
Comment l’IA peut-elle faire évoluer le paysage concurrentiel de la filière?
L’intégration de l’IA dans le domaine du CRM est inéluctable. Cela doit néanmoins se faire de façon réfléchie pour minimiser les risques associés, notamment concernant la RGPD et la sécurité des données. Cette révolution technologique, qui permet au passage de justifier les hausses de prix, peut impacter le jeu concurrentiel à plusieurs niveaux.
D’abord, il faut anticiper la compétition des géants technologiques dans le CRM. L’émergence de l’IA générative dans la relation client modifie potentiellement les rapports de forces, permettant à des géants comme Google et Facebook de rivaliser avec des acteurs historiques comme Salesforce et Oracle. Si les big tech venaient à développer des outils CRM dopés à l’IA générative, la concurrence pourrait alors devenir frontale.
Ensuite, l’IA générative se retrouve de plus en plus dans le rôle d’alternative crédible aux solutions de CRM classiques. De quoi donner toute latitude aux entreprises clientes de développer des solutions maisons comme des chatbots pour le service client ou des outils de nettoyage de base de données client. Dans ces conditions, une adoption rapide de cette nouvelle technologie s’impose aux trois segments du marché.
Quelles sont alors les stratégies de croissance possibles face aux mutations du marché ?
L’intelligence artificielle, et en particulier l’IA générative, est un moteur puissant pour anticiper les besoins des clients, automatiser des tâches et cibler des campagnes marketing avec une précision inégalée. Investir dans l’IA générative – par R&D ou via des partenariats – est donc essentiel pour rester compétitif comme l’illustre l’initiative de Microsoft avec Copilot et le partenariat de Salesforce avec OpenAI.
En pratique, l’adoption rapide d’une stratégie claire face à l’IA passe par des investissements massifs en R&D pour les éditeurs de CRM. Les cabinets de conseil en GRC doivent, pour leur part, former leurs équipes et proposer des offres innovantes pour maintenir une croissance soutenue. Aux spécialistes de la collecte et de la data, l’IA permet d’automatiser certaines tâches.
Le français Commanders Act a ainsi lancé un assistant virtuel pour accompagner les entreprises dans leur prise en main de CDP. Les spécialistes du courtage et de la valorisation de la data client doivent également s’orienter vers des prestations technologiques et s’adapter aux nouveaux standards, comme la montée en puissance des CDP.
Si elles permettent une expérience client personnalisée et aident à la conformité RGPD, le potentiel de ces plateformes ne doit pas pour autant être surestimé, en particulier pour les grands comptes. Les opérateurs cherchent par ailleurs à enrichir leur offre en procédant à des opérations de croissance externe.
Ces rachats se font le plus souvent dans le cadre de stratégies de build-up qui permettent à un acteur de s’adjoindre de nouvelles compétences et solutions. Cette multiplication des expertises en portefeuille permet par conséquent de mieux répondre à la demande. Ces opérations de rapprochements structurent peu à peu la filière autour d’acteurs et de profils d’intervenants gagnants qui finissent par proposer une offre intégrée et disponible en guichet unique.