Aline Bourdin, DSI et membre du réseau French Women CIO, explique comment adresser les quatre principaux challenges des DSI : encourager l’innovation, favoriser l’agilité, acculturer les utilisateurs au numérique et manager les nouvelles générations.
Selon Aline Bourdin, les DSI doivent constituer un terreau favorable à l’innovation, l’agilité doit irriguer toute l’entreprise, l’appropriation du numérique nécessite un changement de culture et la génération Y exige de nouvelles pratiques de management.
Si la fiabilité et les performances du système d’information restent le rôle régalien de la direction des systèmes d’information, on voit apparaître quatre nouveaux challenges : l’innovation, l’agilité, l’acculturation au numérique et le management des nouvelles générations.
I – Accélérer l’innovation dans les entreprises
L’innovation est évidemment clé pour les DSI. On travaille au quotidien avec de nombreux collaborateurs qui ont beaucoup d’idées, mais qui ne sont pas forcément très à l’aise avec la présentation de ces idées et leur remontée afin de les analyser. La DSI facilite la constitution d’un terreau propice à ce que toutes ces idées puissent être exploitées. Pour favoriser l’innovation, il suffit finalement d’un budget et de mettre en place un comité innovation. Celui-ci permet de regrouper un certain nombre de profils clés dans l’entreprise et d’inciter les collaborateurs à venir y présenter leurs idées avec des pitchs attractifs de trente minutes. Si l’idée est retenue, le comité alloue un budget pour aller plus loin et réaliser un Proof of Concept.
Un travail d’équipe
Autre principe utile : le collaborateur doit s’entourer d’une équipe de sorte qu’une idée ne soit pas une idée isolée d’un collaborateur isolé. Il est ainsi possible de susciter un effet boule de neige, puisqu’une idée peut en appeler une autre et donner à d’autres collaborateurs le désir de participer en proposant une innovation utile pour l’entreprise. Certes, pour innover, il faut y consacrer du temps. Et pour trouver le temps nécessaire, cela impose de changer ses méthodes de travail. Pour cela, une approche très simple consiste à être plus agile.
II – Capitaliser sur les méthodes agiles
La DSI a tout intérêt à développer les méthodes agiles, non pas pour un petit groupe d’utilisateurs, mais dans toute l’organisation. Cela demande évidemment du temps, mais les résultats sont intéressants car, avec une approche agile, les bonnes pratiques sont partagées. L’agilité consiste à insuffler dans l’organisation de nouvelles méthodes de travail, comme le management visuel, la mise en place de comités utilisateurs, de workshops pour identifier un besoin et, ensuite, développer plus rapidement sous forme de sprint.
Changer l’état d’esprit dans les DSI
La démarche est vraiment comportementale : il faut avoir un état d’esprit différent, autrement dit être beaucoup plus agile dans sa tête. On peut également mettre en place des méthodes plus radicales, telles que la suppression des réunions trop longues pour les remplacer par des sessions de trente minutes. Elles demandent certainement moins de préparation, moins de slides à concevoir en amont, mais cela permet d’aller à l’essentiel en se focalisant sur les deux ou trois points bloquants d’un projet pour lesquels des décisions doivent être prises.
III – Favoriser l’acculturation au numérique
Le troisième challenge, sur lequel il me semble important que les DSI attirent l’attention et concentrent toute leur énergie, c’est l’acculturation au numérique. Il existe énormément d’outils, notamment pour le partage de documents et d’informations, mais, pour qu’ils soient efficaces, il faut que leurs utilisateurs puissent bien s’en servir.
Par exemple, aujourd’hui, on imprime quasiment plus les e-mails, mais beaucoup trop de pièces jointes sont encore envoyées à de multiples destinataires. Une bonne pratique consiste à apprendre aux utilisateurs à stocker les documents, à envoyer des liens au lieu de pièces jointes, à suivre les différentes versions d’un document, notamment pour éviter de stocker dix documents avec dix versions différentes sur un espace de stockage limité…
De l’intérêt du Reverse Mentoring
Pour favoriser la découverte de ces nouveaux outils, une méthode qui fonctionne assez bien consiste à mettre en place, de façon trimestrielle, des mini formations à distance, d’une demi-heure, à l’aide d’applications, telle que Skype. Chacun peut s’inscrire pour participer, on y aborde un cas d’usage particuliers. Ces formats ciblés de trente minutes rencontrent généralement un énorme succès.
On peut également organiser des classes virtuelles, sous forme de Mooc (Massive Open Online Course). Autre piste possible, mais qui demande davantage d’énergie et de ressources : le Reverse Mentoring, par exemple pour que les comités de direction soient formés aux nouveaux outils digitaux, par des collaborateurs de la génération Y. Plus jeunes, ils ont baigné dans ces environnements numériques depuis longtemps et y sont très à l’aise.
IV – Transformer les pratiques managériales
La génération Y qui arrive dans nos DSI doit être managée différemment. Pour cela, quatre points d’attention me semblent importants.
Écouter pour mieux comprendre
Le premier est de les écouter, car la génération Y est créative, entreprenante. Lorsque les plus jeunes intègrent l’entreprise, ils nous amènent énormément d’informations sur ce que l’on pourrait éventuellement modifier. Il faut donc leur prêter attention et, bien sûr, consacrer le temps nécessaire à trier les informations.
Adapter les rapports hiérarchiques
Le deuxième point important concerne la manière dont les jeunes générations travaillent. Elles n’ont pas du tout le même rapport avec la hiérarchie que les générations précédentes. En réalité, la hiérarchie les impressionne peu, ce qui implique d’adapter les modes de management. Autrement dit, il est préférable de proposer plutôt que d’imposer, dans une approche de type coaching qui laisse moins de place aux formes de management traditionnelles basées sur des actions précises, des délais et du reporting.
Privilégier le feedback permanent
Les jeunes générations raisonnent plutôt à court terme et cherchent la reconnaissance. Il faut donc les accompagner et discuter en permanence, sans attendre un éventuel entretien annuel pour leur faire part de remontées sur des axes d’amélioration ou reconnaître le travail bien fait. Cela paraît trivial, mais c’est encore plus important pour eux.
Savoir lâcher prise
Tout manager doit savoir lâcher prise. Il est très difficile de pouvoir tout maîtriser avec les jeunes générations. Elles sont habituées à la vitesse et à la réactivité, il importe donc d’accepter de ne pas tout contrôler au quotidien de façon régulière.