Les technologies numériques redistribuent les cartes et redessinent les relations entre tous les acteurs des villes, modifiant en profondeur la manière de concevoir l’espace urbain, l’habitat ou les services publics. Face aux exigences de nouveaux services, les expériences innovantes existent et sont présentées dans une nouvelle étude publiée par Best Practices.
La transformation de l’espace urbain est motivée par plusieurs facteurs : il s’agit, tout d’abord, de répondre au défi de l’urbanisation galopante. Selon l’ONU, plus des deux tiers de la population mondiale vivra en effet dans des villes en 2050, ce qui obligera à repenser en profondeur l’espace urbain et à intégrer les paramètres du développement durable dans sa conception. Il faudra également s’adapter aux nouveaux usages des citadins, poussés par l’essor des services mobiles. Enfin, les villes de demain devront tenir compte des besoins d’une économie qui tend toujours plus vers l’immatériel et la connaissance, en fournissant les infrastructures et services nécessaires à son développement.
Partant de là, une idée forte se dégage : la ville de demain sera fondamentalement innovante, apprenante et créative. Pour développer son attractivité, elle devra se pencher sur ce qui fait son identité : sa mémoire, son histoire, son savoir, autant d’informations qui peuvent être cartographiées et diffusées grâce aux outils numériques. La polarisation des compétences jouera également un rôle essentiel, qu’elle intervienne à l’échelle d’une région, d’une ville ou même d’un quartier. Parcs technologiques, cités scientifiques ou districts culturels sont autant de visages de ces villes de la connaissance. Néanmoins, tout cela n’aura d’effet qu’à travers la gestion d’une économie du lien, permettant la constitution de véritables réseaux de connaissances inscrits dans le long terme.
Urbanisme et habitat : entre réel et virtuel
Les technologies de l’information s’introduisent à tous les niveaux de l’espace urbain. C’est d’abord l’urbanisme qui se transforme en profondeur. Les technologies de l’information jouent en effet un rôle clé dans la reconfiguration des villes existantes et dans la création de nouvelles cités, elles-mêmes guidées par les enjeux de l’économie de la connaissance et du développement durable.
Ensuite, la ville elle-même devient une « ville augmentée » : grâce aux tags et aux procédés de géolocalisation, une couche informationnelle se superpose aux autres dimensions, offrant une vision en temps réel de la ville exploitable par tous. Services municipaux, habitants ou touristes, tous peuvent bénéficier de cette ville communicante, ainsi rendue plus accessible. Les services immobiliers prennent également une nouvelle dimension grâce à cette connaissance sans cesse enrichie.
Enfin, dans les habitations, la domotique tend à se généraliser. La transparence de l’information et l’interconnexion des réseaux lui donnent une nouvelle dimension, axée sur le développement durable ou l’aide aux personnes en difficulté. Certaines avancées facilitent d’ores et déjà le quotidien des personnes âgées ou handicapées.
Infrastructures et communications au service d’un développement durable
Le monde de 2020 sera hyper connecté, ce qui autorise tous les usages liés aux accès à distance aux informations, y compris en situation de mobilité. Ces nouvelles possibilités ouvrent le champ à des infrastructures « intelligentes », capables de s’adapter à leur environnement. Les prochaines décennies vont voir se développer ces réseaux intelligents, à l’instar du projet Issy Grid.
La multiplication des capteurs communicants permet dès à présent des échanges d’informations en temps réel, qui améliorent l’efficacité de tous les services de gestion des infrastructures urbaines : éclairage public, production et distribution d’énergie ou encore feux de circulation pourront ainsi moduler leur fonctionnement en fonction de la consommation énergétique, de l’heure de la journée, de la météo ou des conditions de circulation.
Les transports, eux aussi, vont bénéficier de la révolution numérique. La disponibilité de l’information en temps réel donne en effet la possibilité aux usagers des transports collectifs et de la voiture de mieux utiliser l’espace urbain et ses modes de déplacement. Elle facilite également la gestion du stationnement.
Gouvernance de la ville et Open Data : vers un nouveau contrat social ?
L’ouverture de l’accès aux données publiques, dénommée Open Data par les Anglo-Saxons, est une tendance forte, qui fait évoluer la gouvernance des cités. Cette ouverture permet d’impliquer les citoyens et de stimuler l’innovation. L’exploitation des données produites par les équipements de la ville, de plus en plus nombreuses, permettra par exemple de créer des nouveaux services pour les habitants. En accédant aux informations sur leur ville, ces derniers peuvent également prendre part plus aisément aux processus de décision, allant dans le sens d’une démocratie locale renforcée, plus transparente et davantage participative.
La ville et les habitants pourront aussi utiliser les sources de données, les caméras et les mobiles pour améliorer la sécurité, et intervenir plus rapidement où il le faut. Néanmoins, la dissémination des données sur les individus et leur traçabilité devra s’accompagner d’une charte et d’une gestion rigoureuse par les autorités locales, qui auront alors un rôle de tiers de confiance.
Autre aspect de cette numérisation, la ville s’enrichit d’une nouvelle dimension virtuelle, qui permet de la visualiser autrement. Son développement passé, son présent, son futur peuvent ainsi être présentés dans des modèles en deux ou trois dimensions, qui devront être administrés et vivre avec la cité.
Quels seront les cadres du travail de demain ? Il s’agira, d’abord et avant tout, d’apprendre en temps réel, en utilisant les informations mises à disposition par les acteurs publics et privés. Les collectivités locales auront un rôle à jouer, aussi bien en matière de capitalisation du savoir que d’accompagnement de ces travailleurs tout au long de leur vie.
L’économie de la connaissance comme source de valeur
Les échanges informationnels, qui constituent la base de l’économie de demain, sont favorisés par l’architecture de la ville et la fluctuation des rôles de chaque lieu. Faciliter les échanges sociaux créateurs de valeur sera donc un enjeu clé des cités de la connaissance. Cela passe notamment par le développement de l’intelligence collective, dans laquelle les utilisateurs d’un service participent aussi à sa création ou à son enrichissement. En parallèle, les possibilités de communication du monde numérique modifient la façon dont les échanges économiques et sociaux se déroulent, faisant émerger plusieurs phénomènes.
Des espaces de travail intermédiaires, reliés par des réseaux à très haut débit, prennent ainsi le relais des bureaux classiques pour les salariés résidant loin des centres d’activité classiques, diminuant les besoins de circulation et améliorant la qualité de vie. Les intermédiaires tendent au contraire à se réduire dans les échanges commerciaux, au profit de relations plus courtes entre producteurs et consommateurs, et entre distributeurs et consommateurs. Enfin, le concept de nano-service émerge, redonnant de la matière aux relations de proximité : grâce aux technologies de la communication, chacun est en effet mesure de proposer ses compétences individuelles à son voisinage, créant de la valeur dans un marché très local.
Repenser le « vivre ensemble » par le lien numérique
Loin d’enfermer et d’isoler les gens dans une bulle, les technologies numériques constituent aussi des moyens de se connecter entre personnes partageant un même environnement ou vivant une même expérience. La géolocalisation automatique et en temps réel donne ainsi la possibilité de rencontrer des gens de tel ou tel réseau qu’on croise dans la ville mais auxquels on n’a jamais adressé la parole. Couplé avec un système de critères d’affinités, cela peut favoriser des rencontres, amoureuses bien sûr, mais aussi tout simplement sur la base d’intérêts communs.
Pensés pour connecter les gens d’un réseau, les outils numériques de géolocalisation et de rapprochement par affinités ou centres d’intérêt constituent des leviers pour créer du lien social dans une ville. Enfin, les réseaux et rapprochements d’individus d’une même ville ou d’un même quartier représentent autant d’opportunités de mettre en place des actions de bénévolat, à destination des exclus ou des personnes âgées. Ils peuvent aussi favoriser tout simplement l’entraide entre voisins, sous forme de services réciproques.
Nouvelles perspectives pour les services publics
La ville a aussi pour missions d’offrir à ses habitants tout un ensemble de services publics : éducation, santé et prévention, insertion sociale… Dans le domaine de la formation, les collectivités sont un des acteurs de la lutte contre la fameuse fracture numérique. Les risques d’exclusion numérique se résorberont avec la généralisation des outils, la mobilisation du tissu associatif et l’apprentissage des usages numériques.
Le secteur éducatif a aussi un rôle important à jouer : l’apprentissage des usages à l’école doit absolument se doubler d’un apprentissage de l’analyse de l’information et d’un apprentissage des technologies, afin que la ville de demain forme non pas uniquement des consommateurs, mais aussi des acteurs de l’économie. Dans le même temps, l’éducation pourra s’appuyer sur les outils de réseaux sociaux et les jeux en ligne afin de renforcer l’apprentissage par des moyens immersifs, asynchrones et conversationnels.
Santé : un suivi en temps réel
En matière de santé, les perspectives ouvertes par le numérique sont nombreuses et le secteur pourrait bien connaître des transformations importantes dans les décennies à venir. Grâce à l’analyse des données du Web, il devient par exemple possible d’analyser en temps réel des risques de propagation de telle ou telle maladie. Les patients craignant de perdre du temps à aller chez leur médecin pour une simple question commencent à pouvoir bénéficier de consultations à distance, qui les orientent ou leur fournissent un premier conseil.
À travers le mouvement du Quantified Self, qui permet d’analyser et de partager en ligne ses données personnelles, notamment grâce aux smartphones, l’aide à distance se généralise. Des services permettent de suivre en temps réel ses indicateurs santé, de trouver un soutien en cours de traitement, une aide pour suivre un régime ou arrêter de fumer.
La cité créative
Les villes ont les moyens de valoriser la créativité. Le fait de relier les villes en réseau permet de mobiliser ce potentiel et d’obtenir ainsi un effet mondial, créant des emplois et de la richesse à travers la production et l’exploitation de la propriété intellectuelle. Les habitants contribuent à l’enrichissement du patrimoine informationnel de la ville, ce qui renforce l’attractivité de la ville mais aussi le lien social entre ses habitants. Ceux-ci peuvent partager des expériences et entamer des conversations asynchrones.
La mixité des environnements réels ou virtuels, permise par la réalité augmentée, donne par ailleurs naissance à de nouvelles formes d’art. Chacun peut désormais enrichir virtuellement l’espace urbain, créant de multiples strates virtuelles entremêlées avec la réalité.
Dans le tourisme enfin, le virtuel précède le réel. Désormais, qui ne commence pas par s’informer sur Internet sur son prochain lieu de vacances ? Pour les collectivités, il s’agit là d’une chance à saisir : fournir l’expérience en ligne la plus agréable possible incitera en effet le touriste à concrétiser sa visite.
Enfin, paradoxe des outils de relation à distance, Internet réintroduit les notions de personnalisation et d’intimité. On voit se développer de nouveaux modes de voyage, basés sur l’échange de domicile ou hébergement chez l’habitant. Résidents et touristes partagent ainsi davantage qu’un espace commun pendant un moment donné.