Les trois domaines clés de la performance d’une DSI

Un benchmark réalisé sur une centaine de portefeuilles applicatifs a permis à Capgemini d’identifier les meilleures pratiques pour une DSI performante.

« Les DSI sont confrontées à une problématique d’optimisation des coûts, les enjeux étant notamment de réduire le coût total de possession (TCO) de leurs applications, mais également de faire face à l’accélération des changements côté métier, avec des délais de réponse au marché de plus en plus courts », résume Philippe Roques, directeur de la stratégie applicative chez Capgemini Europe et responsable de cette étude (1). Il leur faut donc, à la fois, « faire plus avec moins » et développer sans cesse leur agilité. Face à cette double injonction, la solution n’est pas uniquement à chercher du côté de l’externalisation : « La performance d’une DSI dépend aussi de la façon dont elle gère l’obsolescence de son parc applicatif et de la manière dont elle s’adresse aux métiers. »

Pour étayer ce constat, Capgemini a, durant cinq ans, passé au crible une centaine de portefeuilles applicatifs de ses clients. « En 2014, nous nous sommes aperçus que nous avions près d’un million de points de mesure, ainsi qu’une bonne diversité en termes de taille de portefeuilles et de secteurs. Nous avons donc décidé d’analyser ces données avec une approche de data scientist », explique Philippe Roques.

L’idée directrice de cette étude a été d’identifier quelles pratiques étaient mises en place par les meilleures entreprises, celles-ci étant identifiées grâce à deux critères :

  • l’efficacité sur les coûts,
  • la contribution à la valeur de l’entreprise.

Pour les coûts, il s’agissait de vérifier si ceux-ci sont prédictibles, si les coûts d’exploitation sont maîtrisés, voire en baisse, si la DSI saisit les opportunités pour rationaliser son parc et si elle fait évoluer ses pratiques ou son organisation pour mieux s’adapter aux besoins. Pour la contribution à la valeur, plus délicate à évaluer, le premier indice est l’existence d’un portefeuille adéquat par rapport aux besoins.

Comptent également le taux de couverture des processus par l’IT, le niveau de pénétration des technologies SMAC (Social, Mobile, Analytique et Cloud) dans l’entreprise et la réalisation de grands chantiers de transformation sur le système d’information. « Les DSI performantes sont celles qui concilient ces deux aspects », explique Philippe Roques. « Si elles ne jouent que sur les coûts, elles ont plutôt un profil de cost killer, si elles comptent uniquement sur la valeur, elles privilégient un fonctionnement artisanal et non industriel. »

Le benchmark a mis en évidence trois grands domaines importants pour la performance IT :

  • La gestion de la demande, qui repose sur deux axes : le besoin exprimé côté métier et la solution proposée par la DSI.
  • La gestion du portefeuille applicatif existant.
  • Le modèle opérationnel, autrement dit la gestion des ressources humaines et l’organisation mise en place.

1. Gestion de la demande

a. L’expression du besoin, fondamentale

Tout commence avec l’expression du besoin. C’est une constante : « Mieux la demande est exprimée, plus l’équipe chargée de la gérer est petite, et plus la solution est simple et maintenable », observe Philippe Roques. Chez les meilleurs, 76 % des applications bénéficient d’une bonne expression de la demande, la proportion atteignant même 80 % pour les applications critiques. Chez les autres, seule la moitié des applications en bénéficie. « Au niveau financier, une demande bien formulée permet d’économiser 5 % en moyenne sur le TCO des applications », souligne Philippe Roques. Pour parvenir à une bonne expression de la demande, les DSI performantes choisissent avec soin l’acteur qui va échanger avec les donneurs d’ordre, en privilégiant des collaborateurs avec une connaissance métier. Pour chaque application, ces mêmes DSI demandent au métier de désigner un référent, ou « business owner ». « Souvent les applications sont destinées à plusieurs domaines ou fonctions, ce qui peut donner lieu à des demandes contradictoires ou trop dispersées. Le fait d’avoir un arbitre identifié est un gain réel », commente Philippe Roques.

b. Le choix de la solution

La qualité de la solution proposée par la DSI a également un impact considérable sur le TCO. Il existe trois grands types de solutions possibles :

  • les applications en mode SaaS,
  • les applications packagées, standard ou personnalisées à travers des développements sur mesure,
  • les développements spécifiques.

Selon les cas, choisir un package standard ou un développement spécifique présente plus ou moins d’intérêt. Néanmoins, les indicateurs mesurés dans l’étude ne plaident pas en faveur d’un cas précis, celui de la personnalisation d’applications packagées. « Les coûts de maintenance sont 2,6 fois plus importants que sur les autres types de solutions », indique Philippe Roques. Les meilleurs ont très peu d’applications entrant dans cette catégorie, 5 % en moyenne contre 15 % chez les autres, et la différence finale en terme de coût atteint 10 %.

Pour éviter de tomber dans ce piège, Capgemini insiste sur le dialogue avec le métier. « Il s’agit de voir si le domaine est un différentiateur pour l’entreprise. Si c’est le cas, on opte plutôt pour un développement spécifique. Sinon, un package standard peut généralement suffire. Par exemple, une entreprise peut très bien fonctionner avec une solution de gestion RH du marché, à moins d’être une société d’intérim dont c’est le cœur de métier. »

2. Gestion du portefeuille existant

Dans ce domaine, le constat est clair : les petites applications, soit celles représentant moins de 0,6 Équivalent Temps Plein par an en terme de maintenance (150 jours/an), sont, au final, celles qui génèrent le plus de surcoûts. Les meilleurs n’en possèdent en effet que 42 %, contre 63 % chez les autres, ces 63 % pesant 20 % du budget total.

« Pour ces applications, les problèmes coûtent plus cher à résoudre, et souvent l’adéquation par rapport aux besoins métier diminue avec la taille de la solution », pointe Philippe Roques. Selon l’étude, réduire ces petites applications d’un tiers permet de réaliser 4 % d’économies.

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3. Le modèle opérationnel

a. Une organisation industrialisée

Le benchmark a fait ressortir plusieurs constats :

  • Les meilleurs ont deux fois plus recours aux prestations offshore que les autres.
  • De manière générale, ils externalisent plus (71 % contre 49 % du parc).
  • Ils recourent davantage au forfait et s’appuient sur un grand partenaire stratégique.
  • Ils ont très peu d’applications réparties sur plus de trois sites différents (1% seulement contre 37%).
  • Ils disposent de davantage de collaborateurs sur le contenu et l’expertise technique (architectes, analystes métier) que sur l’exécution pure (développeurs, testeurs), mais aussi moins de managers (chefs de projets…).

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Dans ce domaine, Cap gemini estime que les économies possibles sont de 18 %, en moyenne

b. Des pratiques agiles

Pour assurer de bons délais de réponse aux besoins, le fameux « Time-to-market » cher aux métiers, pas de mystère : l’agilité et l’adaptabilité sont clés. Ainsi, les meilleurs font quatre fois plus de développement agile que les autres. Ils privilégient également les solutions très configurables (21 % contre 5 %).

En moyenne, le délai de livraison des applications est de trois à quatre mois pour les meilleurs, contre dix-huit mois pour les autres.

c. Des solutions innovantes

Les applications de type SMAC sont plus rapidement et plus largement adoptées chez les bons élèves. En 2005, elles représentaient 8 % du parc chez ces derniers contre 3 % ailleurs, et, en 2015, elles pèsent 16 %, contre seulement 4 % chez les autres. « Dans ces entreprises, les gains réalisés sur les différents axes peuvent être réalloués pour innover », affirme Philippe Roques. « Elles ont souvent une DSI bimodale, dans laquelle une grande partie de la gestion du système d’information est industrialisée, dégageant du temps et des ressources pour l’innovation. »

Au total, en cumulant les trois axes présentés, le gain financier peut atteindre 37 %.

4. Un modèle de maturité de la DSI

En fonction des critères établis dans le benchmark, Capgemini a identifié quatre profils de DSI (voir schéma ci-dessous) :

  • les meilleurs élèves qui cumulent innovation et maîtrise des coûts,
  • les accélérateurs qui privilégient l’innovation,
  • les optimiseurs davantage focalisés sur les coûts,
  • les fournisseurs d’IT, en retard sur les deux axes.

« Un bon indice qu’une DSI est en mode fournisseur est la proportion de Shadow IT dans l’entreprise, rappelle Philippe Roques. Non seulement celui-ci représente un risque pour l’entreprise, mais il montre que les métiers contournent la DSI, car elle ne répond pas de manière satisfaisante à leurs demandes. »

Comment faire alors pour se départir de ce rôle peu valorisant de simple fournisseur d’IT ? Aujourd’hui, cela passe d’abord par un travail sur l’efficience en terme de coûts, l’innovation n’étant envisageable qu’une fois des sources d’économies mises en place. Pour y parvenir, « la vraie clé est d’avoir un ou une DSI leader de la transformation, ainsi qu’une direction générale dans le même esprit », estime Philippe Roques. Ce n’est pas toujours facile, en effet, pour un DSI d’être moteur, s’il se retrouve relativement isolé dans son organisation. Dans ce cas, le directeur financier peut être un bon allié, « en mettant tout le monde autour de la table. »

Pour les DSI qui souhaitent améliorer leurs performances, « la tentation est de choisir une action parmi d’autres », avertit Philippe Roques. « Cette stratégie ne fonctionne pas, d’une part, car elle nécessite trop de temps et, d’autre part, car l’écosystème informatique est complexe : ce que l’on gagne d’un côté peut vite être reperdu de l’autre. » Pour éviter cet enlisement, Capgemini a identifié des ensembles de leviers « auto-asservis » qui peuvent être actionnés ensemble. La démarche préconisée consiste à analyser le portefeuille à l’aune des différents indicateurs du benchmark, pour, ensuite, identifier le bon groupe d’actions à mettre en œuvre. •

(1) Best practices for mastering IT performance, Capgemini, 58 pages.


Les composants du modèle de maturitéLa création de valeur est favorisée par :

  • Le degré d’alignement avec les besoins métiers.
  • Le degré de couverture IT des processus métiers.
  • La mise en œuvre de leviers liés aux technologies SMAC (social, mobile, analytique, cloud).
  • L’adaptation du portefeuille de projets et de services à la transformation des métiers.

L’optimisation des coûts est favorisée par :

    • La « prédictabilité » des dépenses IT.
    • La performance des OPEX.
    • La rationalisation du système d’information existant
    • Le degré d’industrialisation.

Les études qui identifient les caractéristiques des entreprises « Best-in-class », par rapport à celles qui le sont moins, sont toujours intéressantes. Elles reposent souvent, comme c’est le cas avec l’analyse menée par les consultants de Capgemini, sur une analyse de terrain et de données collectées en situation réelle. Le modèle de maturité qui en est déduit a le mérite d’être simple : la mission d’un DSI se résume à baisser les coûts et augmenter la valeur créée. Ce n’est évidemment pas facile et, en réalité, « c’est plus compliqué que cela », malgré le fait que l’on connaisse depuis longtemps les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour augmenter de façon significative le degré de maturité d’un DSI et d’un système d’information… Car entrent en jeu des facteurs perturbateurs (politique interne, poids de l’existant, résistance au changement, pénurie de ressources, manque de soutien des métiers et des DG…) qui expliquent que 100 % des entreprises ne se placent pas en haut à droite du carré illustrant les quatre positionnements des entreprises, mais plutôt dans le milieu ou en bas à gauche, dans la catégorie des providers. Pour ces derniers, deux chemins sont possibles pour intégrer la catégorie des « Best-in-class » : d’une part, à coûts égaux, augmenter la valeur crée par le système d’information ; d’autre part, à valeur créée égale, diminuer fortement les coûts. Mener les deux en parallèle reste périlleux et peu d’entreprises y parviennent, du moins à court ou moyen terme. C’est comme grimper l’Everest par la face nord : tous les alpinistes en rêvent, mais la plupart privilégient des voies plus sûres et moins rapides…