Xerfi a publié une étude sur l’impact de l’intelligence artificielle dans le retail, réalisée par Vincent Chamouleau. Cette analyse répond à la question suivante : et si l’intelligence artificielle (IA) était finalement un bon moyen pour redonner de l’air aux commerçants physiques et digitaux, malmenés par les pressions sur le pouvoir d’achat des consommateurs mais aussi par une concurrence féroce ?
L’IA gagne du terrain
En tout cas, force est de constater que l’IA gagne du terrain dans le secteur de la distribution en France, même si le degré d’adoption varie fortement selon les catégories de retailers. En réalité, cette nouvelle vague de digitalisation peut être une occasion à saisir par les distributeurs pour réduire les coûts de fonctionnement, optimiser leurs plans de transport de marchandises, organiser l’emploi du temps des équipes de vente, augmenter la performance commerciale des points de vente physique ou encore revisiter l’expérience client des cybermarchands.
Les retailers déploient notamment des algorithmes prédictifs pour optimiser les volumes de marchandises achetées, stockées et distribuées pour éviter tout surplus qui dégraderait leur rentabilité.
Ils peuvent alors s’appuyer sur des solutions de prédiction de la demande, qui analysent l’évolution des ventes et anticipent les ruptures de stock pour ne manquer aucune opportunité de ventes.
Par exemple, l’enseigne généraliste Monoprix teste depuis 2023 dans une centaine de magasins une IA développée en interne pour améliorer la précision des commandes grâce à des techniques de prévisualisation des ventes.
Les distributeurs utilisent également des outils d’IA prédictive pour optimiser leurs plans de transport de marchandises, réduisant ainsi la facture économique et environnementale liée à l’approvisionnement de leurs magasins.
Capitaliser sur l’analyse prédictive
Dans les points de vente, l’IA offre des capacités d’analyse prédictive afin de réduire les pertes liées aux vols et à la casse de produits. Les avancées en matière de computer vision offrent de nouvelles perspectives en matière de vidéosurveillance. Il est ainsi possible de détecter des anomalies ou des comportements suspects.
Les cas d’usage de l’IA dans l’e-commerce sont nombreux. Certes, les e-commerçants utilisent depuis longtemps des algorithmes prédictifs pour identifier les meilleurs produits à proposer à leurs visiteurs (targeting, retargeting, A/B testing, etc.), en général affichés en haut de page. L’IA générative offre aujourd’hui de nouveaux mécanismes de recommandation.
L’essayage virtuel grâce à des images générées par IA est un autre usage émergent dans les secteurs de la mode, des accessoires et des cosmétiques. La capacité des clients à s’identifier au modèle-photo est cruciale pour déclencher l’acte d’achat. La Redoute a ainsi adopté la technologie de la start-up Veesual pour faciliter la visualisation des vêtements sur différentes morphologies.
Dans un tout autre registre, la start-up française Skello propose une solution logicielle de planification des équipes en boutique et d’optimisation des coûts liés au personnel. Sa solution permet aux managers de mettre en place un planning optimisé en fonction des besoins en forces de vente, des congés posés, des arrêts-maladie en cours, des contraintes légales et contractuelles, etc.
Une percée à géométrie variable
L’audit réalisé par les experts de Xerfi révèle des différences notables dans l’adoption de l’IA par les distributeurs en France. Plusieurs distributeurs se distinguent, au premier rang desquels les groupes Carrefour et LVMH, suivis de près par Decathlon, Groupe Casino et Auchan Retail.
Ils ont intégré l’IA à tous les niveaux de la chaîne de valeur du retail et ont créé des divisions et des filiales IT dédiées à l’innovation et la création de solutions digitales. Carrefour a par exemple créé dès 2019 un centre d’innovation avec Google autour de l’IA et de la data. Amazon s’impose également comme un acteur en avance en matière d’IA dans le retail.
Il s’appuie sur sa division cloud AWS pour développer et déployer de l’IA à tous les échelons de son activité e-commerce (prévisions de demande, tri des commandes, livraison « dernier kilomètre », recommandation de produits, référencement de produits…).
Les réseaux intégrés ont une longueur d’avance
Par rapport aux groupements d’indépendants comme E. Leclerc, Système U et Les Mousquetaires, les réseaux de distribution intégrés tels que Carrefour, Casino, Auchan, Fnac-Darty et LVMH ont généralement des applications d’IA plus avancées.
Des raisons financières et organisationnelles peuvent expliquer cet écart. Les réseaux intégrés ont en effet accès à un pool de données important et unifié, essentiel pour entraîner les modèles d’IA. Ils utilisent également des systèmes d’information harmonisés, permettant une intégration plus fluide des technologies d’IA. Ils peuvent aussi investir dans des infrastructures technologiques coûteuses plus faciles à amortir à l’échelle du réseau.
L’intérêt des partenariats
Les retailers s’appuient également sur des technologies développées par des tiers. Les distributeurs ont par exemple signé des partenariats de grande envergure avec des poids lourds du cloud, aussi intégrés dans le développement et la distribution de solutions d’IA prédictive et générative.
Citons par exemple Fnac-Darty et Google Cloud ou encore LVMH et Alibaba Cloud. Les distributeurs disposent ainsi d’un accès à leurs solutions « sur-étagère » et développent avec eux des applications sur-mesure à grande échelle, notamment dans l’e-commerce et le marketing digital, des cas d’usage aujourd’hui relativement matures.
Start-up : une carte à jouer
Les applications davantage exploratoires sont surtout le fruit de partenariats avec des start-up (caméras connectées, IoT dans le magasin, optimisation logistique, etc.).
Les retailers utilisent des approches test & learn sur des magasins pilotes avant d’envisager des partenariats à plus grande échelle. Ils mettent ainsi leurs magasins et leur clientèle à la disposition des start-up afin qu’elles développent leurs produits.
C’est un moyen de tester et d’imaginer des solutions innovantes en diluant les risques financiers liés à la R&D. LVMH ou le groupe Showroomprivé ont ainsi ouvert des accélérateurs de start-up, tandis que Monoprix (Groupe Casino) et Les Mousquetaires se proposent d’encadrer des start-up et les accompagner dans la réalisation de preuve du concept.