L’information contre l’attention

Qui a écrit : « Dans un monde riche en informations, l’abondance de l’information entraîne le manque d’autre chose : l’attention de ceux qui la consomme » ? Il ne s’agit pas d’un gourou du digital, ni d’un patron de start-up, mais de l’économiste Herbert Simon, prix Nobel d’économie en 1978. Il ajoute : « Cette pauvreté de l’attention nécessite une allocation efficiente parmi les sources d’information qui consomment cette attention. »

Cette analyse a été publiée en…. 1971, lors d’un colloque dont le thème était déjà prémonitoire : « Ordinateurs, communications et intérêt public. » L’intervention d’Herbert Simon avait pour titre : « Adapter les organisations à un monde riche en informations. » Cette question de l’attention des individus dans la consommation de l’information est aujourd’hui majeure puisque se confrontent un univers infini (celui du volume de l’information produite) et un univers fini (le temps, soit 8 760 heures par an).

Herbert Simon caractérisait déjà son époque, peuplée de « bandes magnétiques, de terminaux passifs et de banques de données », comme « une civilisation technologique qui provoque des traumatismes physiques et mentaux ». On ne peut que lui donner raison aujourd’hui. Selon l’économiste, la manière de mesurer combien une information consomme de ressources consiste à mesurer combien de temps un individu passe à la consommer, sachant, rappelle-t-il, qu’un individu ne peut faire qu’une chose à la fois.

Herbert Simon observait déjà une baisse de l’attention des individus, « particulièrement au plus haut niveau des organisations. » La question est de savoir comment identifier les informations les plus pertinentes. Historiquement, le savoir des individus représentait ce qui était stocké dans leur cerveau et dont ils pouvaient se rappeler. Aujourd’hui (dans les années 1970…), « on passe du stock au processus : on peut avoir accès à l’information sans avoir besoin de la stocker dans le cerveau », résume Herbert Simon, pour qui la seule solution est de filtrer intelligemment. Une injonction d’autant plus pertinente que les réseaux sociaux et l’information gratuite/publicitaire entendent bien capter leur part d’attention…