Le premier groupe européen de franchise d’optique a refondu son système d’information marketing. Depuis deux ans, son DSI, Ludovic Tassy, a mis en place les fondamentaux technologiques et applicatifs pour centraliser les données sur le réseau de boutiques. Et améliorer cohérence et qualité des informations.
Pourquoi avoir fait évoluer votre système d’information marketing ?
Ludovic Tassy. Lorsque je suis arrivé à tête de la direction des systèmes d’information en avril 2006, ma première mission a été de mettre à plat l’outil destiné à gérer les informations concernant notre réseau de franchise, fort de 872 magasins. Notre cœur de métier est en effet d’animer un réseau de magasins franchisés.
Il y a trois ans, Alain Afflelou a lancé pour le groupe le projet « Vie du réseau », dont le point d’orgue est la construction d’un historique de la société dans une base de données. A l’époque, Alain Afflelou avait souhaité « une centralisation de l’outil et des connaissances ». Mon prédécesseur avait mis en place un outil qui présentait l’inconvénient de ne pas être suffisamment communicant.
Notre contexte d’alors était caractérisé par le fait que chaque personne construisait et gérait sa propre base d’informations, une simili base de données. Cette situation présentait un inconvénient majeur : les informations restaient très segmentées et, surtout, ne présentaient pas la même qualité selon l’interlocuteur. L’information très morcelée induit, par définition, des problèmes de cohérence.
Quels ont été les critères de choix du produit ?
Ludovic Tassy. Il est important, pour nous, de choisir un éditeur qui est également celui qui intègre sa solution, ce qui n’était pas le cas de l’autre produit en concurrence. Du fait de mes expériences passées, j’estime que cette voie est la plus intéressante. En outre, nous avons privilégié un éditeur de taille « humaine ».
Dans des groupes plus importants, la réactivité est largement moins bonne, il faut rentrer dans des roadmaps précises et contraignantes et, il faut bien le dire, l’écoute du client n’est souvent pas la même !
Parmi les critères de choix, nous avons également privilégié la sécurité pour faire en sorte qu’aucune donnée ne sorte de l’entreprise. Nous n’avons donc pas de données en local ou sur les ordinateurs portables. Les informations sont centralisées et consultables selon les profils utilisateurs.
Enfin, il nous fallait également un produit autonome qui puisse faire partie d’une suite ERP, afin d’anticiper au maximum l’évolution de notre système d’information. En effet, depuis quatre ans, le déploiement de l’entreprise à l’international est intensif, notamment en Espagne où le nombre de magasins a quasiment doublé sur cette période. La demande a été lancée auprès de l’éditeur en janvier 2007 pour une mise en production en juin.
Aujourd’hui, cinquante collaborateurs, dans les services animation du réseau des franchisés, au juridique, à la prospection commerciale et à la direction générale, utilisent la base et nous sommes en cours d’extension, en particulier à l’international, avec la Belgique, l’Espagne, la Suisse et le Luxembourg.
Quelle a été la démarche ?
Ludovic Tassy. Nous voulions trouver un outil logiciel et, surtout, trouver le bon. Nous avons fait appel au CXP, cabinet spécialisé dans l’évaluation des solutions progicielles, qui nous a aidés à identifier les produits susceptibles de répondre à notre problématique. Nous avons procédé par une série de questions-réponses avec le CXP pour définir nos besoins.
Cette étape n’avait rien de trivial dans la mesure où, dans le groupe, la culture projet n’était pas assez développée. Nous avons obtenu une première sélection de six outils, que nous ne connaissions pas. Deux ont été en short list. Nous sommes donc restés en retrait des éditeurs. Cela fait gagner du temps et évite de multiples réunions avec les fournisseurs. On peut ainsi mieux se concentrer sur le décryptage des réponses. Au final, nous avons sélectionné Minos CRM, d’Ysis Groupe (groupe Ordirope).
Qu’est-ce qui a vraiment changé pour les utilisateurs ?
Ludovic Tassy. Lorsque les utilisateurs veulent les informations concernant les franchisés, ils se connectent désormais à un seul endroit. Et l’information est fiable dans la mesure où ce ne sont pas les franchisés qui saisissent l’information. Ils ont autre chose à faire que d’alimenter une base de données. Ce sont nos propres collaborateurs, sur le terrain, équipés de PC avec une carte 3G qui collectent les informations.
C’est un énorme gain de temps : auparavant, sur une semaine de cinq jours, ils passaient au moins une journée à saisir des comptes rendus de visite sur des formats différents, d’où des informations qui, à un moment donné, ne sont pas au même niveau. Il y a un lien entre le back office et l’outil de CRM, avec des accès sécurisés et des profils d’utilisateurs : auparavant, nous produisions des CD.
Quel sont les points les plus difficiles à gérer ?
Ludovic Tassy. Ce qui est compliqué est, d’une part, de bien faire s’exprimer les utilisateurs sur leurs besoins. En tant que DSI, je passe beaucoup de temps à rencontrer les utilisateurs pour estimer leur ressenti et identifier leurs problèmes. C’est fondamental dans notre métier. D’autre part, il faut trouver le bon sponsor. Dans notre cas, il s’agit de notre secrétaire général, Eric Lesieur, qui a une vision très tournée vers les franchisés.
Si le DSI est force de proposition, et il doit l’être, il importe aussi que, en face, il y ait une écoute : c’est tout l’intérêt d’avoir un sponsor très impliqué dans les projets systèmes d’information. Cela tombait bien : notre secrétaire général souhaitait renforcer les actions d’animation de notre réseau mais, évidemment, pas sans des outils adaptés.
Comment la DSI s’organise-t-elle dans ce contexte ?
Ludovic Tassy. L’équipe de la DSI regroupe une quinzaine de personnes, y compris trois consultants externes. L’organisation de la DSI repose sur une équipe technique et une équipe projet qui est elle-même organisée selon trois axes : la comptabilité/finance/facturation, nous sommes en effet centrale de paiement pour nos franchisés, le support des 35 succursales et les relations avec les franchisés, notamment pour l’animation du réseau et l’extranet.
Le projet a représenté 120 jours-hommes et nous avons respecté les délais prévus. Un consultant a fait le lien entre les utilisateurs et l’informatique, dans une perspective de relation maîtrise d’ouvrage-maîtrise d’œuvre.
Ce consultant externe représente également un lien entre les utilisateurs et l’éditeur de logiciels. Mais, bien sûr, toute les adaptations et les modifications sont validées par la DSI. De toute façon, si les utilisateurs n’étaient pas satisfaits, j’en entendrais parler tous les jours !
Les utilisateurs ne vont-ils pas en demander encore plus ?
Ludovic Tassy. Oui, et c’est la rançon de la gloire ! Les utilisateurs ont tendance à s’adresser directement aux consultants pour faire évoluer la solution. Il faut donc les freiner dans leurs ardeurs ! Pour gérer cette situation, je demande systématiquement aux utilisateurs de déterminer le gain attendu : une fois sur deux, ils ne savent pas répondre. L’approche par le ROI est intéressante et indispensable.
J’aime que l’on me démontre la rentabilité d’un projet ou d’une évolution du système d’information. Même si on me rétorque que c’est impossible de déterminer un ROI, en réalité, c’est toujours possible car il ne s’agit pas de se limiter aux seuls aspects financiers.
Notre modèle s’apparente beaucoup à celui d’une société de services. Les utilisateurs, donc les clients internes, doivent savoir que chaque projet et chaque demande d’évolution consomme des ressources humaines et financières. Donc : ROI pour tout le monde ! Le plus compliqué, dans notre groupe, est de s’adapter à l’agilité et à des collaborateurs qui ont mille idées par jour.
Quelle est la prochaine étape ?
Ludovic Tassy. A terme, nous nous orientons vers une approche de type portail, pour connecter nos franchisés et nos fournisseurs. Le principe, pour les autres pays, est de proposer la même base pour tout le monde. Certes, il faut traduire les interfaces, mais la nature du métier, de nos problématiques et de nos processus est similaire quelle que soit la géographie.
Tout ce qui a été développé dans un pays a vocation à être transposable et transposé dans un autre. C’est la notion même de partage de best practices. Nous envisageons également l’extension à d’autres pays et la mise en place d’un outil d’analyse (Dimensional Insights).
D’autant que nous nous orientons vers une dématérialisation maximale, et nous utilisons déjà l’EDI pour nos échanges avec les fournisseurs et les franchisés. Dans un monde idéal, il n’y a plus de papier !
Les dix Best Practices de Ludovic Tassy
- Lorsque vous ne connaissez pas ou peu l’offre disponible, faites-vous aider par des consultants (le CXP par exemple). Privilégiez les éditeurs à taille humaine pour davantage de réactivité.
- Pour déployer à l’international, il faut standardiser au maximum et partager les bonnes pratiques.
- Privilégiez un éditeur qui fait lui-même le service autour de ses produits, il est généralement plus impliqué dans la réussite du projet.
- Demandez systématiquement aux utilisateurs de déterminer le gain attendu : une fois sur deux, ils ne savent pas répondre.
- Faites appel à un consultant chargé de faire le lien entre les utilisateurs et l’éditeur.
- Passez suffisamment de temps avec les utilisateurs : c’est le meilleur moyen d’identifier leurs difficultés et de mesurer leur adhérence aux projets.
- Toujours trouver un sponsor, au plus haut niveau possible dans l’entreprise, qui s’implique.
- Toutes les demandes d’évolution des applicatifs doivent être validées par la DSI.
- Centralisez les données pour assurer la qualité et la cohérence des informations
- Pour des organisations très décentralisées et géographiquement dispersées, privilégiez une approche de type portail.