ous les managers savent, et les DSI en particulier, répondre à la question suivante : « Quel est le principal obstacle à l’accomplissement de l’ensemble de vos missions ? » La réponse est évidemment : le temps. La dernière livraison de la revue McKinsey Quarterly s’intéresse à cet aspect.
Et rappelle que seulement 9 % des dirigeants sont satisfaits de leur utilisation du temps, un tiers étant insatisfaits. De même, la moitié des managers affirment ne pas disposer de suffisamment de temps à consacrer à la stratégie. Et une proportion similaire estime que l’allocation de temps n’est pas alignée avec la stratégie de l’entreprise. Dès lors, il s’agit, suggèrent Frankki Bevins et Aaron De Smet, deux consultants de McKinsey, de « faire de la gestion du temps la priorité de l’organisation ».
Car le problème n’est pas seulement d’ordre individuel (gagner en productivité), il concerne les entreprises et leur organisation. Il est aggravé par l’exigence de devoir être connecté en permanence, la complexité des prises de décision et les pressions économiques. Et également par la multiplication des niveaux hiérarchiques qui augmentent le temps consacré à des reportings souvent inutiles…
« Making time management the organization’s priority », par F. Bevins et Aaron De Smet. « A personal approach to organizational time management », par P. Bregman. McKinsey Quarterly, 2013, numéro 1, 132 pages.
Heureusement, le problème peut être traité, en portant une attention particulière aux conséquences temporelles de chaque action demandée mais aussi avec des outils spécifiques pour mieux s’organiser. Il reste cependant une difficulté : la plupart des individus considèrent le temps comme une ressource infinie alors que c’est, par définition, une ressource rare. « Le temps comme ressource infinie reste un mythe », assurent les auteurs. Résultat : toutes les opportunités qui se présentent se voient affecter une haute priorité, sans que soit toujours considéré le temps qu’il faut pour les traiter. Et on échoue faute de temps…
Les consultants de McKinsey ont dressé une typologie des managers en quatre groupes, selon leur attitude à l’égard du temps :
les drogués du on line, qui passent davantage de temps que la moyenne à traiter des e-mails ou à téléphoner, et relativement moins à motiver leurs troupes ou à échanger avec leurs managers ;
- les adeptes du réseau (schmozeers), qui consacrent davantage de temps que la moyenne, à travailler leur réseau professionnel et les clients, au détriment de la stratégie ;
- les meneurs (cheerleaders), qui passent davantage de temps que la moyenne dans des interactions individuelles ou des réunions, et moins à traiter des e-mails ou des appels téléphoniques ;
- les pompiers (firefighters) sont davantage focalisés sur l’urgence, à travers l’e-mail ou le téléphone.
La fragmentation des emplois du temps est très répandue, malgré les centaines d’ouvrages sur la gestion du temps. « Les moins performants dans ce domaine passent trop de temps à des tâches inutiles et ignorent celles liées à leur cœur de mission. Lorsque les individus ne peuvent plus consacrer le temps nécessaire au management de leurs équipes, ils tendent à ne gérer que les exceptions, celles qui s’écartent de ce qui est planifié. » C’est ce que soulignent les auteurs, qui rappellent une citation de Peter Drucker, gourou du management : « Le temps est la ressource la plus rare, et tant qu’elle n’est pas gérée correctement, rien d’autre ne peut être géré. » De fait, le « laisser-faire » n’est jamais une bonne option.
Comment faire ? D’abord, rappellent les auteurs, « il n’y a pas de méthode unique qui s’appliquerait à tous ». Les managers qui estiment être satisfaits de leur allocation de temps passent en moyenne un tiers de leur temps à interagir avec d’autres, 39 % dans des réunions, et un quart de leur temps à travailler seuls. Dans une perspective organisationnelle, une approche en cinq étapes est conseillée. Première étape : élaborer un processus d’allocation du temps notamment pour les dossiers prioritaires.
Ensuite, systématiquement intégrer la dimension temporelle lors de tout changement organisationnel. « Les organisations trop légères (lean) laissent les managers avec trop de supérieurs directs qu’ils leur est difficile de gérer », notent les auteurs. Troisième bonne pratique : s’assurer que les individus mesurent régulièrement leur temps.
« La plupart de ceux qui mesurent leur temps sont surpris de s’apercevoir que leurs tâches sont peu alignées avec les priorités de l’entreprise », observent les auteurs. Quatrième idée : identifier, dans une équipe, les tâches et les actions qu’il faut arrêter, même s’il peut y avoir des exceptions. Par exemple : anticiper les réunions qui ont pour objet de diffuser de l’information, celles qui servent à la collaboration (pour résoudre des problèmes) et celles qui servent à prendre des décisions.
« Les managers les plus performants passent la moitié de leur temps dans des réunions qui servent à prendre des décisions et moins de 10 % dans celles qui servent simplement à les informer, hélas, dans beaucoup d’entreprises, c’est l’inverse qui se produit », précisent les consultants de McKinsey. Dernière bonne pratique : fournir un support administratif pour aider les individus à mieux organiser leur temps.
Dans un autre article, Peter Bregman (auteur de l’ouvrage 18 minutes pour agir ) propose une méthode pratique qui consiste à identifier les cinq domaines pour lesquels un individu doit consacrer 95 % de son temps. Pourquoi 95 % ? « Parce que passer 80 % de son temps sur dix sujets est toujours contre-productif… »