Le marketing de la DSI est en voie de développement. Les dossiers présentés lors des derniers Trophées du marketing du SI ont montré que la créativité est bien réelle. Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir : la qualité de la communication des DSI n’est notée que 4,6 sur 10, selon le baromètre EBG.
La synthèse de la Task Force, organisée par l’EBG sur le marketing de la DSI, résume bien la problématique : « La néo-DSI l’a bien compris. « Vivre caché » ne peut plus durer. Des stratégies marketing et de communication sont nécessaires pour gagner la confiance de la direction générale, doper la collaboration avec les clients internes, améliorer l’image de marque et attirer les talents. »
Mais l’exercice n’est pas toujours facile, car cela demande une culture particulière, une approche différente et des outils que les DSI et leurs équipes n’ont pas toujours l’habitude de manipuler. Il reste donc du chemin à faire (voir encadré sur les chiffres clés, page 4). Toutefois, la cinquième édition des Trophées du marketing du système d’information, organisés par Talisker Consulting en partenariat avec le Cigref, a montré, une fois de plus, que les initiatives dans ce domaine continuent sur leur lancée. En 2018, parmi onze dossiers présentés, nous en avons retenu six, dont quatre lauréats (Elior, Enedis, Criteo, Fondation Partage & Vie) récompensés par le jury.
Elior Group : sensibiliser les utilisateurs à la sécurité
Dans le cadre du mois européen de la cybersécurité, Elior Group, spécialisé dans la restauration collective, a initié une campagne de sensibilisation sur les bons et les mauvais usages en matière de cybersécurité. « Les objectifs étaient à la fois de mettre en avant la responsabilité de l’entreprise en matière de sécurité et de protection des données personnelles, de réduire les risques d’attaques, de promouvoir les bonnes pratiques et de rendre accessible la cybersécurité à chacun, via une approche pédagogique et ludique », résume Agnès Rullier, directrice de la communication interne du groupe Elior. « Nous avons souhaité privilégier une stratégie de communication ludique, interactive, originale et pédagogique », confie Gérard Leymarie, RSSI groupe d’Elior.
La DSI a collaboré avec la direction de la communication pour créer un court-métrage intitulé « tout ne s’est pas passé comme prévu » : « C’est une bande-annonce, avec les codes du cinéma et une musique angoissante », souligne Gérard Leymarie. Le nom de code était « Hacking diner » et un site Web spécifique a été conçu (http://kackingdiner.eliorgroup.com). « Notre direction générale est très sensible à ces sujets de cybersécurité, cela n’a pas été très compliqué de la convaincre et la DSI a tout fait pour que nous ayons les moyens adaptés », assure-t-il.
Cette opération a mobilisé deux personnes de l’équipe communication interne et deux autres de l’équipe communication externe. Un budget a été dédié à l’élaboration d’une plateforme de contenus dont l’objectif est de diffuser les conseils et les bonnes pratiques, de rassembler des contenus vidéos issus de sources externes, notamment de l’Anssi et du site cybermalveillance.gouv.fr. Une vidéo interne de sensibilisation a également été conçue par une agence de communication externe.
L’initiative a été lancée en novembre 2018 et plusieurs thématiques seront déclinées jusqu’en mai 2019, notamment pour la gestion des mots de passe, le phishing, les usages professionnels/personnels et la sécurité des mobiles.
Enedis : attirer les talents à la DSI
Enedis, gestionnaire du réseau de distribution d’électricité (38 700 salariés) a construit un « dispositif d’écoute et de valorisation de la DSI à destination de l’ensemble des parties prenantes internes : Comex, Codir national et des directions régionales, collaborateurs de la DSI, utilisateurs et candidats potentiels », résume Jean-Claude Laroche, DSI d’Enedis. Les objectifs étaient, d’abord « d’installer une relation de confiance avec nos commanditaires métiers et nos interlocuteurs en région, ensuite de faire comprendre et valoriser le rôle de la DSI et ses activités complexes et invisibles dans le contexte de transformation numérique de l’entreprise, enfin de développer la marque employeur pour répondre aux besoins de croissance externe. »
La DSI d’Enedis est confrontée, selon Jean-Claude Laroche, à plusieurs défis : la scalabilité des systèmes, pour intégrer l’installation de plus de 30 000 compteurs par jour, la transformation des métiers, avec la disparition du rôle de conseiller clientèle, l’apport de nouveaux services pour étendre la couverture fonctionnelle du SI, les compétences, les enjeux technologiques, notamment avec les objets connectés, la cybersécurité et la gestion des coûts. « Nous dépensons 50 % pour le Run et 50 % pour le Build, si on ne fait rien, nous dépenserons 20 à 30 millions d’euros supplémentaires pour le Run, il faut donc trouver des gains de productivité », prévient Jean-Claude Laroche.
Chez Enedis, trois axes de communication sont privilégiés. D’abord, vers les métiers, via une newsletter mensuelle qui récapitule les principaux faits marquants. Ensuite, vers les utilisateurs. « Les notes dans nos enquêtes de satisfaction plafonnent à 6 sur 10, nous avons donc entrepris d’identifier les points irritants qui seront traités. Pour chacun d’entre eux, un groupe de travail est chargé de trouver des solutions, que nous examinons en comité de direction de la DSI », explique Alexandre Vera, responsable communication à la DSI. Enfin, un axe d’internalisation des compétences : « C’est un enjeu de communication en terme de marque employeur », ajoute-t-il.
La DSI a en effet recruté 50 collaborateurs supplémentaires en 2018 et une centaine de recrutements sont prévus pour 2019. Un film a été réalisé pour « présenter ceux qui font le système d’information et que l’on ne voit pas, on développe un métier en trois minutes », explique Julien Lemoigne, chef de projet à la DSI. « Il faut faciliter le parcours des candidats et proposer des programmes de formation aux emplois de demain. Nous avons déjà eu 400 demandes d’informations sur les métiers de la DSI, cela représente quand même 1 % des effectifs globaux du groupe », se félicite Jean-Claude Laroche.
Criteo : un avatar ambassadeur de la DSI
Dans un contexte de croissance exponentielle, Criteo, entreprise spécialisée dans le ciblage publicitaire, a démarré en 2005 avec cinq personnes. Les premières initiatives de marketing de la DSI ont débuté en 2015. « L’objectif était de rendre l’organisation plus lisible, au-delà de ce qu’indique l’organigramme, de valoriser les services de la DSI, notamment auprès des Digital Natives, ainsi que de mesurer et de communiquer sur la valeur apportée par la DSI, avec des enquêtes de satisfaction », explique Christelle Jackson, directrice performance IT chez Criteo, dont les missions sont l’amélioration des processus internes et le marketing de la DSI d’une centaine de personnes (pour 2 800 salariés). Pour cette dernière, les actions de marketing s’expriment par un slogan : « Moins complexe sans complexe ».
Parmi les actions entreprises : une marque spécifique à la DSI (internal.IT), une approche orientée multiservices, à l’image des Genius Bars d’Apple, la création d’une vingtaine de formations ludiques et interactives, vues plus de 11 000 fois, ainsi que la mesure régulière, à la fois qualitative et quantitative, du feedback des utilisateurs. « Nous avons 92 % d’entre eux qui se disent satisfaits de notre qualité de service », assure Christelle Jackson. Par ailleurs, 94 % des utilisateurs pensent que la DSI va dans la bonne direction et 92 % qu’elle s’est améliorée.
La DSI de Criteo a créé un avatar, baptisé Matt, ambassadeur de la DSI. C’est lui qui envoie les e-mails de sensibilisation, dont le taux d’ouverture dépasse les 90 %. Par ailleurs, la mise en place de programmes de sensibilisation aux risques du phishing a donné de bons résultats : « La moitié des utilisateurs ont participé et 97 % ont été satisfaits de ce programme », assure Christelle Jackson.
« Nous avons fait du marketing une vraie culture à la DSI et le DAF nous a demandé de lancer des démarches similaires pour les autres services support, c’est, pour nous, une reconnaissance de nos actions », poursuit-elle. L’avatar Matt aura donc son homologue féminin, baptisée Amy, pour les autres métiers. « C’est souvent très difficile de légitimer la fonction dédiée au marketing au sein de la DSI. Il faut donner des preuves de la légitimité », souligne Christelle Jackson
Amaris : rendre l’IT moins complexe, sans complexe
Amaris est un groupe international de conseil en management et technologies, avec 5 000 salariés dans cinquante pays. La DSI s’est construite de façon exponentielle, passant de neuf personnes en 2011 à 289 aujourd’hui, implantées dans douze pays. « Pendant sept ans, la priorité a été d’accompagner la croissance du groupe, qui a été très rapide et internationale, le SI a été l’épine dorsale de l’entreprise », précise Maliha Vayid, IT Customer Success Manager, pour qui « la mission du marketing de la DSI est de permettre plus d’interactions entre les métiers et la DSI sur les projets, l’amélioration et la transformation. » La DSI d’Amaris dispose d’une personne dédiée dont le rôle est de centraliser et d’unifier tous les besoins de communication, de travailler avec les équipes produits pour élaborer des roadmaps de communication claires, en lien avec la direction marketing groupe. « Il faut donner de la visibilité aux développements en cours et aux nouveautés, et pour le Comex, il faut montrer comment on adresse ses enjeux : on ne veut plus entendre la réflexion suivante : « Sérieux ? Ils font du marketing à la DSI ? » », explique Maliha Vayid. Amaris a créé une « galaxie Techshare », avec quatre déclinaisons : « Techshare blog » pour le partage de connaissances, « Techshare-events » pour les événements, « Techshare Q&A » pour les questions-réponses et Techshare Innovation. « A quoi bon s’extasier devant nos productions si c’est invisible pour les utilisateurs ? Désormais, le taux de lecture de nos communications atteint les 80 % », justifie-t-elle.
Fondation Partage & Vie : renforcer la proximité avec les utilisateurs
La Fondation Partage & Vie, qui lutte contre toutes les formes de dépendance liées à la maladie, à l’âge ou au handicap, gère 118 établissements, avec 6 200 salariés et 370 millions d’euros de ressources. « Le système d’information était jusqu’à présent peu considéré comme prioritaire, notre cœur de métier étant la lutte contre toutes les formes de dépendance. Le projet porté par la DSIO est de constituer un réseau de partenaires actifs, impliqués, à l’écoute et en demande », explique Delphine Langlet, responsable de programmes stratégiques.
Une démarche marketing a été entreprise en 2015 : « Les sparadraps de la DSI se décollaient plus vite qu’ils ne se collaient », résume Isabelle Maurin, référente en accompagnement du changement, pour qui « il fallait, dans un premier temps, passer du rouge à l’orange : même avec 99,9 % de disponibilité du système d’information, nous avions l’impression d’être juste dans la moyenne. Mais la technologie est subie par les utilisateurs et pas considérée comme une aide. Le « Care », qui est au cœur de métier de l’organisation, ne fait pas partie intégrante de la roadmap de la DSI. »
La DSI de la Fondation Partage & Vie a ainsi créé des tutoriels vidéos en formats courts d’environ trois minutes et renforcé la pédagogie autour des projets SI, avec un espace collaboratif, une visibilité sur la roadmap annuelle et une communication sur l’actualité des projets. Avec des applications innovantes sur la géolocalisation des patients, tels que des détecteurs de fugue ou des capteurs d’environnement.
Un responsable de la communication interne à la DSIO est en charge de transmettre l’information sur l’actualité de la DSIO et des projets. « Nous observons une nette diminution des « tickets de support » en phase post-déploiement », assure Delphine Langlet.
Université Paris Dauphine : accompagner les usages numériques
Le monde de l’enseignement est confronté à des ruptures significatives telles que « l’éducation as a service, le Big Data, le chercheur augmenté, les campus numériques et le décloisonnement des communautés d’enseignants, d’étudiants et de chercheurs », résume François Madjlessi, directeur du numérique et Chief Digital Officer du pôle universitaire Paris Dauphine, pour qui « 100 % de nos métiers ont changé, il faut les accompagner et, en trois ans, nous avons évolué d’une DSI d’informaticiens à une DSI du numérique ».
Cette direction du numérique est organisée autour de trois axes :
- Une vision orientée utilisateur avec, notamment, un guichet unique de support pour accompagner les usages numériques. « C’est une sorte de coach virtuel, on passe du support à l’accompagnement des usages », estime François Madjlessi. En outre, les projets sont co-construits avec toutes les parties prenantes et « les méthodes de développement agiles favorisent le recentrage sur l’expérience utilisateur », précise le directeur du numérique. Soixante projets ont ainsi été engagés en 2018, dont les deux-tiers en lien avec les métiers et un tiers pour la sécurité/qualité. Il s’agit également de simplifier la vie des étudiants et des enseignants. Pour les premiers, les e-candidatures permettent de traiter 50 000 dossiers et 150 000 pièces justificatives. Pour les seconds, cela concerne 2 200 recrutements de vacataires, avec plus de 10 000 pièces justificatives. Les 4 000 étudiants ont également accès à une application mobile et aux emplois du temps en ligne.
- Une urbanisation du système d’information, avec des référentiels (personnels, étudiants, enseignants, chercheurs, formation…) et la mise en œuvre de technologies, tels que la GED, le BPM et un portail de services, avec un guichet de support unique qui gère 7 000 demandes par an.
- La sécurité et la qualité, autour des principes Itil, la nomination de référents qualité, le renforcement du dispositif de cyberdéfense, la mise en place de plans de reprise d’activités et le recours au cloud pour une disponibilité 24 heures sur 24, notamment pour la messagerie (Office365) et l’accès au centre d’ingénierie pédagogique MyCourse (cours en ligne).
Les chiffres clés du marketing de la DSI
- 4,6/10, c’est l’évaluation de la qualité des communications de la DSI.
- 75 % des clients internes pensent que la DSI ne communique pas assez ou peu fréquemment.
- 25 % des clients internes se sentent suffisamment accompagnés par la DSI.
- Moins de 1 % des budgets des DSI sont dédiés à la communication.
- 59 % des collaborateurs de la DSI pensent que le marketing n’est pas un axe stratégique.
- 66 % des DSI ne disposent pas de budget spécifique pour le marketing.
- 53 % des DSI considèrent que l’embarquement des équipes IT a été facile.
- 33 % des DSI ont défini un plan marketing pour orchestrer leur relation client.
- Le manque de ressources humaines est mentionné par 73 % des DSI comme le principal frein pour mener à bien un projet marketing, devant le manque de budget (47 %) et la collaboration difficile avec les métiers (20 %).
Source : Marketing de la DSI, EBG, Awakit, 2018, 24 pages.
Le marketing de la DSI résumé en neuf mots-clés
M… comme Message : c’est la colonne vertébrale de toute action de communication et de marketing du SI. Pas de message = pas d’impact !
A… comme Adhésion : le message doit être en adéquation avec les différentes cibles. Inutile de communiquer sur la beauté de nouveaux serveurs à un Comex qui n’en a que faire…
R… comme Répétition : il faut, hélas, répéter les messages, ni trop, ni trop peu, pour qu’ils soient assimilés correctement.
K… comme Kiosque : l’information doit être diversifiée, l’utilisateur doit pouvoir faire des choix selon ses centres d’intérêt.
E… comme écoute : la notion de feedback est importante, de manière à adapter les messages, les types d’information et les canaux de diffusion en fonction des besoins, du contexte, des évolutions de périmètres… Réaliser des enquêtes de satisfaction sans tirer les conséquences des résultats expose la DSI à des effets boomerang.
T… comme Transmission : les flux d’information doivent circuler avec les bons canaux de communication, adaptés aux types d’informations.
I… comme Information : sa qualité est déterminante pour la réussite de la stratégie marketing. Le jargon et la langue de bois n’ont pas leur place, les codes de la communication corporate ne doivent pas déteindre sur la communication de la DSI qui doit privilégier le concret, l’utile et la proximité.
N… comme Nouveauté : le « Quoi de neuf ? » est un élément fondamental pour entretenir l’intérêt des cibles, par exemple pour informer sur les différents jalons d’un projet de transformation ou des nouvelles fonctionnalités d’une solution.
G… comme Gouvernance : le marketing de la DSI doit être organisé, avec des actions complémentaires, coordonnées dans le temps et selon les cibles, surtout pour des organisations très décentralisées et/ou très internationales.
Les six principes clés du marketing de la DSI
- Exprimer son ambition.
- Construire son véhicule de communication.
- Récolter et nourrir.
- Savoir d’où l’on part.
- Entretenir la dynamique.
- S’adapter.
Source : Talisker Consulting.