Les contrats de financement de matériels constituent des outils dont le but principal est d’offrir une gestion simplifiée du parc informatique et une prévisibilité du budget que l’entreprise entend y consacrer. Mais attention aux pièges…
Depuis quelques années, les offres des professionnels du secteur ont évolué, suivant une tendance de plus en plus répandue et dont les principes sont fondamentalement différents de ceux jusqu’alors rencontrés sur le marché.
Des principes contractuels plus souples
Ces types de contrats sont présentés selon différents noms, comme des contrats avec faculté de « location évolutive » ou encore « T.R.O. » (Technology Refresh Option).
Quel que soit le nom qui leur est donné, ces contrats sont présentés par les loueurs comme étant mieux adaptés aux besoins de leurs clients. En comparaison des contrats classiques de crédit-bail ou de location financière, ils sont censés leur apporter une plus grande souplesse dans la gestion de leur parc informatique. Ainsi, la principale innovation introduite dans de telles offres est que, pendant le contrat, le client dispose de la faculté de restituer au loueur une partie du matériel déjà loué (qu’il considère obsolète ou qui ne répond plus à ses besoins), pour le remplacer par des modèles plus récents et non obsolètes. Ce mécanisme contractuel permet donc, en principe, d’évoluer selon des règles connues d’avance, qui sont censées permettre de déterminer le niveau d’investissement disponible pour le locataire et les loyers futurs, éventuellement modulés en fonction des ajouts/restitutions de matériels informatiques.
Les écueils à connaître lors de la contractualisation
Le premier écueil va se situer lors de la mise en place de l’offre nouvellement souscrite et de la reprise des matériels déjà loués au titre de plusieurs contrats classiques en cours d’exécution dans un nouveau contrat unique. Dans le nouveau dispositif contractuel qui sera proposé au client, le point d’attention majeur devra porter sur la « valeur de référence du contrat ».
La valeur de référence du contrat : un effet secondaire dévastateur
En effet, les montants futurs, qui seront disponibles pour le client afin d’effectuer des renouvellements de matériels et souvent désignés sous le terme « Capacité nette de renouvellement », sont calculés en pourcentage de la valeur de référence du contrat.
Lors de cette opération dite de « refonte », la valeur de référence du nouveau contrat sera souvent calculée en additionnant tous les loyers restant dus pour les produits déjà loués au titre des contrats amenés à disparaître. La validité comptable de cette méthode n’est pas forcément critiquable et elle présente au moins un mérite, celui de la clarté pour le client.
En revanche, cette clarté apparente, sur laquelle l’attention du client est volontairement attirée, cache un effet secondaire dévastateur. En effet, la méthode consistant à réintégrer des produits déjà loués dans le nouveau contrat aura également pour conséquence de donner lieu à une extension automatique de la durée de location des matériels « anciens ». Cette extension a lieu en raison du redémarrage « à zéro » de la durée de location pour tous les produits, c’est-à-dire pour 36 mois, voire 48 mois (selon les contrats). Et, en conséquence, cette nouvelle location entraîne l’exigibilité des loyers sur cette période, quelle que soit la durée restant à courir au titre des anciens contrats et/ou la vétusté des matériels…
Les dates de signature, sources de complexité contractuelle
Si le client accepte néanmoins ce jeu, car il y trouve un intérêt, il conviendra toujours de veiller à un second point, celui des dates de signature, de prise d’effet et de démarrage de la location. Ces différentes notions existent dans les contrats et cachent un mécanisme discret permettant au loueur de jouer sur les valeurs et les loyers.
Le locataire, véritable victime de la complexité contractuelle qui lui est proposée, aura intérêt à veiller à ce que :
- d’une part, la prise d’effet du contrat soit la plus proche possible de celle du démarrage de la location,
- d’autre part, à ce que la valeur de référence du contrat soit calculée et actualisée le plus tard possible, c’est-à-dire lors du démarrage du contrat de location nouvellement signé, et non lors de sa signature ou de sa prise d’effet.
Ces précisions sont extrêmement importantes car, en pratique, il peut s’écouler souvent un semestre, voire plus, entre la prise d’effet du contrat et le démarrage effectif de la location. Cette période « grise » est initialement prévue pour permettre au locataire de constituer un nouveau parc de matériel (lorsqu’il n’en a pas encore) sans régler de loyers entiers.
Mais si le locataire dispose déjà de matériels (ce qui est fréquent), alors il doit, en sus et en parallèle, continuer de régler des «loyers» pour les anciens matériels, alors que la location au titre du nouveau contrat n’a pas réellement démarré.
S’il semble logique de payer un loyer pendant cette période, le jeu des dates a pour effet de retarder le démarrage de la nouvelle location contractuelle et d’augmenter encore la durée de location réelle, mais sans qu’aucune réduction de durée contractuelle n’ait lieu sur l’un ou l’autre des contrats…
De plus, lorsque commencera la nouvelle période de location définie au nouveau contrat, le loueur aura tendance à conserver la valeur de référence arrêtée plusieurs mois auparavant (loyers restant dus à la date de la signature), sans la mettre à jour, alors que de nombreux matériels anciens n’ont plus ou peu de valeur. En effet, la logique impose de procéder à une actualisation de cette valeur en la diminuant des « loyers » réglés entre les deux dates, voire de réviser la valeur totale du parc en place. Or, la plupart du temps, les loueurs ne font pas cette actualisation, qui n’est d’ailleurs jamais prévue dans le contrat. Cette pratique est également hautement critiquable et passe inaperçue pour de nombreux clients.
C’est pourtant sur cette période que les loueurs réalisent un profit maximal au détriment de leurs clients. Certains auront même tendance à pousser leurs clients à signer des avenants d’extension de cette période de « constitution » (période « grise »), afin de maximiser encore un peu plus ces purs profits réalisés sans effort. Ces deux seuls points sont extrêmement critiquables et apparaissent souvent tardivement aux yeux des locataires, rendant plus grave encore le préjudice.
Renouvellements : un risque d’engrenage coûteux
Chaque renouvellement, ou ajout de matériels nouveaux, donnera lieu à la conclusion d’un nouveau contrat annulant le précédent. Ces périodes dites « de renouvellement » se font généralement sur six mois. Ce ne sont donc pas plusieurs contrats qui viennent se superposer, mais un seul contrat regroupant l’ensemble du matériel qui est chaque fois renouvelé.
La philosophie du contrat est en résumé la suivante : le locataire prend en location des matériels informatiques, dont une certaine proportion peut être changée au fil du temps. Seulement, le mécanisme contractuel est tel qu’il faut, pour bénéficier du mécanisme de renouvellement, conclure, à chaque fois, un nouveau contrat « global » et ce, pour chaque ajout ou changement de matériel.
Ce mécanisme consistant à obliger à conclure un nouveau contrat pour une durée longue, qui semble n’être qu’un détail, est en réalité un engrenage qui ne se termine jamais, sauf à en sortir difficilement et à un coût exorbitant. Le locataire devient alors « otage » d’un contrat que l’on peut qualifier de perpétuel. L’emploi d’une terminologie spécifique, volontairement abstraite, et l’adjonction d’éléments de chronologie pour chacun de ces concepts, font que l’ensemble qui en résulte est pratiquement indéchiffrable pour le cocontractant.
Pourtant, on trouve parfois dans les contrats «cadre» certaines clauses ayant vocation à s’appliquer lors des renouvellements et permettant au locataire de gérer, à un coût admissible, son parc de matériel. La valeur du parc, par exemple, peut être actualisée des matériels loués durant quatre ans et lesdits matériels, conservés par le client, sont considérés comme sans valeur et viennent diminuer la « CBE ».
Mais là encore, passée la date de signature, les loueurs auront tendance à inclure d’office, dans les contrats signés lors des renouvellements, des clauses prévoyants moult dérogations ou déviations, sans explication ni justification, voire à écarter de facto l’application des rares clauses favorables au client lorsqu’elles existent.
À noter que très récemment, la Cour d’appel de Versailles a réduit dans des proportions importantes les pénalités dues par le locataire en cas de non restitution du matériel après le terme du contrat de location en considérant que la pénalité de jouissance ne pouvait être supérieure au montant du loyer contractuel (voir arrêt n°1, CA Versailles, 13ème Ch., 6 août 2015, 13/05623) ainsi qu’en cas de résiliation anticipée du contrat de location. Dans ce dernier cas, la Cour a considéré que les indemnités devaient être déduites : « Les indemnités réclamées au titre de la clause pénale (…) apparaissent manifestement excessives ainsi que l’a exactement apprécié le premier juge, eu égard notamment à la possibilité de relouer (le matériel) qui appartient au bailleur, à la récupération, fut-ce partielle, des matériels et à la durée du contrat, ainsi qu’à l’économie des rapports contractuels (Voir arrêt n°2, CA Versailles, 16ème Ch. 24 septembre 2015 – 14/03950). »
Là encore, les dommages peuvent être significatifs. Seule une connaissance approfondie du métier et des pratiques en vigueur chez ces professionnels permettra de commencer à comprendre la logique qui trouve sa transcription dans les contrats et il conviendra donc d’y consacrer une vigilance particulière et de chercher l’assistance de conseils rompus à ces contrats bien particuliers.