Il existe de nombreux ouvrages sur les meilleures pratiques de management. Mais ils souffrent de deux inconvénients : les experts qui ont analysé les méthodes de management n’en ont pas la pratique. A l’inverse, les managers sont trop accaparés par leurs fonctions pour écrire sur leur métier.
Cet ouvrage, qui s’adresse plutôt aux dirigeants et managers de grands groupes, se veut différent, comme l’expliquent les auteurs, Monique Pierson, qui a occupé plusieurs postes de management dans la grande distribution, et François Duvergé, qui a dirigé l’école de commerce Escem : « Face à la complexité des problèmes qui se posent au manager, l’humilité et le bon sens sont souvent les recours les plus pertinents, loin de poncifs, des assertions péremptoires ou des préceptes en tous genres qui font recette ou fureur ! »
L’idée générale de cet ouvrage est qu’il y a un lien très étroit entre la qualité managériale et la performance d’une organisation, « en limitant le mal-être au travail, en donnant à chacun le sentiment de participer à un projet collectif, en libérant les énergies et les initiatives. »
Plusieurs tendances justifient une remise en question des approches managériales : pertes de repères et de sens, besoins de reconnaissance et de participation, explosion des moyens de communication, exigences d’innovation comme conditions de survie… C’est un changement d’ère, marqué en particulier par le passage à une société de l’information et de la connaissance, la réorganisation des appareils productifs, le changement de la nature du travail, la modification du statut de l’information et l’irruption de la société civile au sein de l’entreprise. « Les compétences techniques ne suffisent plus et les compétences comportementales deviennent déterminantes. Les activités de service font au moins autant appel à l’intelligence émotionnelle qu’au QI et au savoir. La réactivité et l’adaptation, la créativité et l’innovation deviennent des facteurs de différentiation. Il ne s’agit plus d’exécuter des tâches et de respecter des processus bien standardisés, mais de réfléchir aux situations rencontrées, de poser un diagnostic, de résoudre des problèmes et d’adapter son comportement à la situation », résument les auteurs.
Le management peut-il être plus performant ?
Pour ces derniers, « la période actuelle rend plus nécessaire que jamais la mise en œuvre d’un management plus performant dans les entreprises françaises. » Ils reprennent à leur compte la citation d’Antoine Riboud : « L’expérience prouve que les entreprises les plus performantes sont celles qui ont changé, en même temps, la technologie, le contenu du travail et les rapports sociaux internes. » Autrement dit bien manager n’est plus un choix, même si, reconnaissent les auteurs « l’entreprise reste un lieu de tensions sociales par nature, un lieu où s’affrontent des intérêts divergents, un lieu où s’exerce l’autorité. Le recours aux sens, aux valeurs, à un management plus soucieux des personnes, n’efface pas cette réalité économique et sociale. » Autrement dit, les entreprises qui inspirent la confiance sont plus rentables que les autres.
S’il existe principalement trois types de managers (top management, management intermédiaire, management de proximité), ils ont tous un point commun : « Ils doivent « faire faire », faire travailler ensemble des gens qui ne se sont pas choisis et être reconnus comme managers. » Les auteurs rappellent que la notion de management recouvre trois dimensions. D’abord, une dimension mobilisation, pour donner aux équipes l’envie de contribuer. Ensuite, une dimension organisation/mode de fonctionnement, pour contribuer au projet collectif et, enfin, une dimension ressources humaines.
Les auteurs en déduisent quatre styles de management : gestionnaire, stratège et animateur, centré sur la tâche ou centré sur la relation. Coexistent donc les styles directif, participatif, délégatif et incitatif. Il n’y a évidemment pas de modèle idéal. « Il faut que le manager garde à l’esprit qu’en cas de divergence entre la voix de la raison et celle de l’émotion, c’est toujours celle de l’émotion qui l’emporte. Il n’existe pas de bon style de management, de modèle établi une fois pour toutes. On ne peut définir le style de management adapté qu’à partir d’un diagnostic de la situation et des besoins, le bon manager est celui qui sait s’adapter aux personnes et aux situations. » Ce n’est évidemment pas aisé, car le manager « se trouve ainsi confronté à un véritable défi : il doit manager en cohérence avec « qui il est » pour être digne de confiance, tout en adaptant son style aux diverses personnalités de ses collaborateurs et aux enjeux concrets auxquels il est confronté. Et cette intelligence des situations relève plus de l’intuition que du raisonnement », assurent les auteurs. Il faut faire correspondre à chaque collaborateur son management. Ainsi, le management incitatif est adapté à ceux qui ont des compétences fortes mais une faible implication (ils s’ennuient…), le management directif à ceux qui ont de faibles compétences et une faible implication (ils sont indifférents…), le management participatif est plutôt requis pour les collaborateurs très impliqués mais qui ont de faibles compétences (ils sont anxieux…).
Une question d’attitude du manager
Quant au management délégatif, il est préconisé pour les collaborateurs ayant de fortes compétences, qui sont très impliqués et demandeurs d’autonomie. Les auteurs formulent quatre conseils aux managers : choisir son attitude (« si vous ne pouvez pas changer ce que vous avez à faire, vous pouvez choisir la manière dont vous le faites »), créer et maintenir une bonne ambiance, être présent et « illuminer sa journée », c’est-à-dire s’intéresser à autrui, adopter une attitude bienveillante et donner du feedback. Ils suggèrent également de faire le point sur les différents temps qui rythment la journée d’un manager : le temps du reporting, de production, d’échange, de management et de prise de recul. L’idée est de se consacrer à l’essentiel : co-construire une vision mobilisatrice, décider de l’organisation et des règles du jeu et renouveler l’énergie individuelle et collective. Bref, susciter l’enthousiasme : « Pour fédérer et mobiliser les salariés, il est nécessaire de leur proposer un autre but plus noble, qui les touche au cœur : un destin, ou, mieux, un rêve partagé. (…) Une entreprise sans vision partagée sera tôt ou tard défaillante, car il lui manque cet élément déterminant de la mobilisation et de l’engagement de ses collaborateurs. »
L’art du management : en finir avec les idées reçues, manager au quotidien, par Monique Pierson et François Duvergé, Afnor Editions, 2020, 243 pages.
Les cinq dimensions de la qualité de vie au travail
- L’engagement.
- Le plaisir.
- La qualité des relations interpersonnelles.
- Le sens.
- L’accomplissement.
Les autres idées à retenir
- Comment innover si les collaborateurs n’échangent pas, si l’information ne circule pas, si la relation hiérarchique est exercée par des petits chefs dont l’autorité ne dépend que de leur grade, si l’initiative est découragée et l’échec sanctionné ?
- L’information est, avec l’uranium, la seule ressource qui peut s’enrichir.
- L’excellence n’est plus « lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter » mais au contraire « lorsqu’il n’y a plus rien à ôter ».
- Il ne suffit pas d’être détenteur d’une autorité hiérarchique pour être reconnu comme leader, il faut gagner cette reconnaissance par l’expression quotidienne de son leadership.
- Manager, c’est donner du sens à l’action collective. C’est d’abord accepter d’écouter et d’entendre, pour pouvoir ensuite échanger et partager.
- Les équipes se conforment, plus ou moins consciemment, à la façon d’être et de manager de leur responsable.
- Dans de nombreuses entreprises, l’absence de sens, la déshumanisation, l’individualisation du travail conduisent à une exacerbation du sentiment d’inquiétude.
- La gestion ne fait pas rêver et elle n’a pas le pouvoir enthousiasmant de la vision : des objectifs chiffrés seuls désenchantent le travail. Mais elle doit être pertinente et réaliste.
- Décider, c’est toujours jouer avec le feu.
- Quand tout est urgent, rien n’est urgent.
- Gérer son temps, c’est aussi gérer le temps des autres.
- La qualité d’un manager se mesure aussi à sa capacité à éviter au maximum à ses équipes de subir un stress inutile.
- Si une personne a une réelle appétence pour une activité, même si elle est formée de manière approximative, il y a toutes les chances qu’elle parvienne à trouver les moyens de réussir.
- La communication requiert 25 % du temps du dirigeant.
- L’exemplarité n’est pas une façon d’influencer, c’est la seule.
- La démagogie ne saurait tenir lieu de politique au manager, la manipulation de l’opinion n’est pas plus acceptable.