Modèles d’affaires des plateformes technologiques : les cinq ingrédients

De plus en plus d’entreprises ambitionnent de devenir des « Tech Compagnies », y compris dans des secteurs plutôt en retrait de la révolution numérique (les constructeurs automobiles, les distributeurs…). C’est en effet tentant dans la mesure où les valorisations des sociétés technologiques, même si elles ont récemment reflué, ont de quoi attiser des convoitises pour satisfaire les actionnaires. Pour concrétiser une telle stratégie,

La transformation doit donc être étroitement liée aux opportunités métiers qu’elle suscite. Certaines entreprises l’ont peut-être oublié. Avec ces deux éléments, on peut définir quatre configurations. Les entreprises qui ignorent la transformation numérique et les opportunités qui vont avec entreront dans une phase de déclin.

Celles qui engagent une transformation numérique « comme effet de mode », sans y chercher de nouvelles opportunités, vont se trouver dans une zone de désillusions ; celles qui identifient des opportunités, sans pour autant engager une transformation numérique pour les saisir, perdront, à terme, leur influence sur le marché. Quant à celles qui conjuguent transformation numérique ET recherche d’opportunités, elles entreront dans une zone de capitalisation (de leurs savoirs, de leurs métiers, de leurs clients…).

N’importe quelle entreprise est, a priori, susceptible de se voir concurrencée par des plateformes numériques, dès lors que celles-ci proposent des services différenciés et accélèrent les temps de transactions à des prix attractifs, avec suffisamment de sécurité pour attirer les clients. Pour prendre en compte ce qui peut apparaître comme un risque, la stratégie se base sur trois temps : à court terme, identifier les trous transactionnels avec les clients dans lesquels peuvent s’engouffrer des nouveaux acteurs et des concurrents. À moyen terme, nouer des partenariats susceptibles de renforcer la résilience de l’entreprise face à des nouvelles plateformes digitales et, à plus long terme, imaginer comment créer de nouveaux business modèles basés sur des plateformes digitales.

Meriem Berkane, Chief Technology Officer chez Octo Technology, lors de la conférence USI 2022, a analysé les modèles d’affaires des plateformes. En matière de transformation digitale, « il ne s’agit pas d’aller plus vite que les concurrents, car la logique linéaire ne change pas la donne, mais de créer des nouveaux modèles d’affaires pour proposer aux clients de nouvelles expériences », explique-t-elle. Qu’est-ce qu’une plateforme ? Meriem Berkane propose la définition suivante : « Une activité qui crée une valeur significative par l’acquisition et la mise en relation de deux ou plusieurs groupes de consommateurs pour leur permettre d’effectuer des transactions, sous forme numérique ou non. » Mais, une fois la stratégie définie, les opportunités plus ou moins identifiées, comment faire ? Meriem Berkane liste les cinq ingrédients indispensables pour réussir la mise en place d’un modèle d’affaires basé sur des plateformes :

  1. Une communauté d’utilisateurs et/ou de contributeurs. Son développement repose sur deux éléments : d’une part, l’effet de réseau indirect. Rappelons que l’effet de réseau a été popularisé par la « loi de Metcalfe », qui pose que la valeur et l’utilité d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs. « C’est ce qui a fait le succès de l’AppStore et le déclin de Nokia », remarque Meriem Berkane. D’autre part, une bonne stratégie de tarification : « Dans les plateformes, il y a toujours une partie des utilisateurs qui sont prêts à payer plus que d’autres », note la CTO d’Octo Technology. Dans ce domaine, toute erreur de tarification peut remettre en cause le modèle car, une fois le prix fixé, il est très difficile de revenir en arrière, sauf à disposer, comme les géants du Web, d’un « pricing power » qui leur permet d’augmenter les prix sans subir une hémorragie d’utilisateurs (comme c’est le cas, par exemple d’Amazon ou de Netflix…).
  2. Une scalabilité, une masse critique et un « tipping point », c’est-à-dire « un point de bascule, difficile à anticiper, à partir duquel la logique de la plateforme fonctionne », explique Meriem Berkane. Ce point de bascule est lié à l’effet de réseau : « Plus il y a de contributeurs, plus il y a d’utilisateurs et plus il y a de contributeurs, mais il faut un juste dosage de bonnes technologies et de fonctionnalités utiles », prévient Meriem Berkane. Avec la recherche d’un équilibre délicat entre, d’une part « l’ajout de code qui coûte cher et la croissance du nombre d’utilisateurs qui diminue le coût moyen de la plateforme. » Il ne faut donc pas se focaliser sur la scalabilité technique. « Le cimetière des start-up est rempli d’entreprises qui se sont focalisées sur la scalabilité technique en oubliant celle de leurs équipes, ce qui a conduit à des surcharges mentales », déplore Meriem Berkane, qui recommande de ne pas sous-estimer le temps nécessaire pour redécouper les compétences.
  3. Une plateforme technologique pour réaliser les services et gérer les données. Pour Meriem Berkane, deux principes sont à privilégier : le cloud et une stratégie d’API (Application Programming Interface) pour ouvrir les services vers l’écosystème.
  4. Une stratégie d’écosystèmes de produits et services. L’objectif est de privilégier une expérience client « sans coutures » qui permette de décupler la valeur. Exemple : « Amazon a plusieurs dizaines de filiales et chaque produit sert aux autres produits », note Meriem Berkane.
  5. La conciliation du temps long de la stratégie et du temps court des offres. Cet exercice d’équilibriste est un grand classique des projets de transformation. Passer trop de temps à définir la stratégie aboutit à des pertes de compétitivité vis-à-vis des concurrents. A l’inverse, aller trop vite peut faire rater des opportunités et ignorer des pans de business facilement valorisables avec le numérique. De même, sortir des offres trop vite risque de désorienter, voire d’irriter, les utilisateurs.