Sans informatique performante une grande entreprise ne peut être compétitive. Pour encourager la mise à niveau et la valorisation du « patrimoine logiciel » des entreprises, nous proposons que les grands groupes soient tenus à publier, annuellement, à côté de leur bilan financier et de leur bilan RSE, un troisième bilan rendant compte de la gestion de leurs systèmes informatiques.
Ce bilan « IL » pour Intelligence Logicielle, devrait être apprécie et noté par une agence de rating indépendante, à l’instar des agences de notation financière et de notation RSE (responsabilité sociale & environnementale) existantes.
Il nous semble que la France pourrait prendre le leadership de cette initiative en convainquant les autres Etats membres de l’Union européenne de s’associer à la création d’une telle agence de rating.
Pour que les entreprises puissent améliorer leur notation et, donc, accroître leur compétitivité, et de façon à stimuler les investissements dans la reconstruction des systèmes informatiques, nous proposons que les sommes investies dans ce processus soient éligibles au crédit d’impôt recherche (CIR), au même titre que les dépenses de R&D.
Le constat : des SI comme bombes à retardement
Les systèmes informatiques au sein des entreprises recèlent de véritables bombes à retardement qui menacent la compétitivité de notre économie. Au cours des trente dernières années, les grands groupes industriels et de services ont investi des sommes considérables dans le développement de leurs propres systèmes informatiques (équipements et logiciels).
Toutes les activités de l’entreprise (production, gestion, vente, etc.) sont aujourd’hui tributaires de l’informatique ; celle-ci est devenue un facteur-clé de la performance globale. Or la plupart des systèmes informatiques développés par les grandes entreprises se sont complexifiés à l’excès et ont mal vieilli.
Ce qui est une source de fragilité préjudiciable. La rapidité des évolutions technologiques, les changements de standards et de réglementations, les rapprochements et fusions d’entreprises, la pression des fournisseurs informatiques, les effets de mode … ont abouti dans les entreprises à un empilement des logiciels par couches successives, un « mille-feuilles » coûteux et d’une opacité totale.
Seuls les informaticiens connaissent, et pas toujours très bien, le contenu de cette « stratification » de logiciels et la façon dont les données sont gérées.
Opacité, obsolescence et complexité excessive des systèmes informatiques empêchent aujourd’hui nos plus grandes entreprises d’optimiser leur fonctionnement, de déployer de nouvelles activités, de gagner en agilité et de répondre rapidement à de nouvelles normes ou contraintes internationales.
Cette situation est dangereuse : elle est source de fragilité et de risques pour les entreprises engagées dans la bataille de la mondialisation.
Sensibiliser les directions générales
Une refonte en profondeur des systèmes informatiques s’impose ! Les directions générales ont aujourd’hui du mal à saisir l’importance de ces enjeux. Elles considèrent, en effet, l’informatique comme un coût et non comme un actif. Pourtant l’intelligence logicielle développée à l’intérieur de nos grands groupes (certains employant plus de 10 000 informaticiens) fait partie intégrante du capital immatériel de l’entreprise, au même titre que ses marques, ses brevets, ses innovations…
Il est donc urgent de sensibiliser les Directions générales et les conseils d’administration à la nécessité d’actualiser et de valoriser ce « capital logiciel ».
L’impératif d’une meilleure gouvernance, le renforcement des règles prudentielles internationales (Sarbanes Oxley, Bale 2, Solvency…) imposent aux entreprises une plus grande transparence et une meilleure traçabilité de l’ensemble de leurs données.
Or, paradoxalement aujourd’hui, du fait de la complexité excessive et de l’opacité des systèmes informatiques, nul n’est capable de garantir que les flux de données traitées traduisent fidèlement la réalité de l’activité de l’entreprise.
Ainsi, par exemple, l’auditeur n’a aucun moyen de contrôler la vérité et la fiabilité des informations qu’il est censé certifier… Pour entretenir et valoriser ce capital immatériel, garant d’une meilleure transparence et d’une meilleure gouvernance, les entreprises doivent procéder à une refonte en profondeur de leurs systèmes informatiques.
Cette reconstruction est possible en réorientant une partie des investissements de la maintenance vers la reconstruction de systèmes.
Proposition 1 : un bilan spécifique annuel
Pour encourager la mise à niveau et la valorisation du « patrimoine logiciel » des entreprises, nous proposons que les grands groupes soient tenus à publier, annuellement, à côté de leur bilan financier et de leur bilan RSE, un troisième bilan rendant compte de la gestion de leurs systèmes informatiques.
Ce bilan « IL » pour Intelligence Logicielle, devrait être apprécie et noté par une agence de rating indépendante, à l’instar des agences de notation financière et de notation RSE (responsabilité sociale & environnementale) existantes.
Cette agence de notation à vocation européenne, devrait être composée de professionnels et de personnalités reconnues pour leur expertise et leur réputation, de façon à élaborer des critères d’évaluation et des référentiels faisant autorité.
Il nous semble que la France devrait prendre le leadership de cette initiative en convainquant les autres Etats membres de l’Union européenne de s’associer à la création d’une telle agence de rating.
Le système de notation devrait être compréhensible par les dirigeants d’entreprises et les actionnaires – pas seulement par les informaticiens !
De façon à permettre aux comités de direction et aux conseils d’administration de décider en connaissance de cause des mesures d’amélioration et de refonte des systèmes informatiques de leur entreprise.
Proposition 2 : une incitation fiscale simple à mettre en oeuvre
Pour que les entreprises puissent améliorer leur notation et, donc, accroître leur compétitivité, et de façon à stimuler les investissements dans la reconstruction des systèmes informatiques, nous proposons que les sommes investies dans ce processus soient éligibles au crédit d’impôt recherche (CIR), au même titre que les dépenses de R&D.
Cet article a été écrit par Pierre Bonnet, fondateur de la communauté Sustainable IT Architecture (S-IT-A), et Saïd Elinkichari (PDG du cabinet GEC).