Par quoi commencer pour mieux décider ?

Comment améliorer la prise de décision ? Certains tentent de rendre cohérente la prise de décision avec la stratégie, à tous les niveaux de leur organisation. D’autres, très pragmatiques, souhaitent simplement réduire la charge de travail qui y est dédiée. Les enjeux sont différents, mais liés par un levier d’action commun : le système de pilotage.

Celui-ci peut être défini comme « l’ensemble des règles propres à une organisation relevant de la prise de décision ». Un système de pilotage présente plusieurs caractéristiques :

  • Il est basé sur un ensemble d’instances, lieux de décision, dans lesquels sont rendus les arbitrages.
  • Il est consommateur d’un nombre important de données, d’informations et de connaissances produites par l’organisation, et producteur d’arbitrages, d’orientations, de lignes directrices et de travaux complémentaires.
  • Il est éphémère et doit être défini par l’équipe managériale amenée à gouverner l’organisation pour le futur.
  • Il est supporté par un système documentaire, dans lequel est archivé l’ensemble des arbitrages et des informations sur lesquels il se base.
  • Il est lisible et doit permettre aux collaborateurs de l’organisation de savoir où obtenir un arbitrage, quel que soit le sujet sur lequel il porte.
  • Son efficacité et sa légitimité reposent sur la capacité de l’équipe managériale à le faire vivre et respecter les règles qui le supportent.

Le niveau d’information avec lequel sont prises les décisions dans les organisations renseigne beaucoup sur l’ADN des dirigeants, de l’organisation et leurs appétences respectives à la prise de risque. La culture et le type d’organisation ont, ici aussi, leur impact sur le système de pilotage. Ses caractéristiques (niveau de formalisation, structure, lisibilité) vont dépendre fortement de l’importance relative des différents modes de coordination au sein de l’organisation : ajustement mutuel, objectifs communs, hiérarchique, processus, expertise.

On constate en réalité que, dans les entreprises, le système de pilotage n’est pas bien défini, bien souvent hérité d’un précédent dirigeant, calqué sur la structure hiérarchique, et souvent constitué d’un Codir « voiture balai », c’est-à-dire qui traite de tout, tout le temps. Il en résulte un malaise, tant pour le management intermédiaire que pour les opérationnels, qui cherchent à obtenir une décision.

Comment faire ? Quatre principes peuvent être appliqués.

1. Spécialiser les instances

Elles ne doivent pas traiter de tout et tout le temps. Il est important que les lieux de décisions soient disjoints et concentrés sur des thématiques que l’organisation est amenée à gérer de manière continue, pérenne. Il est toujours possible de créer des instances adhoc, temporaires, dont l’objectif sera de prendre certaines décisions difficiles à instruire.

2. Dissocier les cycles

L’entreprise est soumise à des cycles de différente nature : année fiscale, année civile, plan stratégique, plan à moyen terme, etc. Cela est dépendant de l’entreprise, de sa tutelle, de sa culture, de son secteur d’activité. Quelle que soit la nature des cycles auxquels elle est soumise, il est important pour ses collaborateurs de dissocier trois phases : le lancement, l’exploitation et le bilan. De fait, ces phases ont un impact sur le système de pilotage. Il doit les prendre en compte si ce n’est dans sa structuration, au moins dans la manière de conduire les instances.

3. Préparer chaque arbitrage

La plupart des organisations confondent instance de décision avec réunion de travail préparatoire. Les instances se tiennent avec pour seuls objectifs de prendre des décisions, de rapporter sur leur mise en œuvre et d’informer de décisions prises par ailleurs et ayant un impact sur le périmètre de responsabilité de l’instance. Il est fréquent de constater que des dossiers non instruits sont ouverts au cours des instances. Il en résulte une tentative bien souvent infructueuse, de résolution de problèmes en séance. Cela ne permet pas la prise de distance nécessaire à un arbitrage. Un dossier prêt à être arbitré présente la problématique, ce en quoi elle est en ligne avec la politique générale et les objectifs stratégiques de l’entreprise, ses impacts sur les opérations courantes, des alternatives concises, une vision claire des risques qu’elle présente.

4. Convier les seules personnes intéressées

Il n’y a pas de nombre magique pour le nombre de participants à une réunion. D’expérience, ce nombre doit être inférieur à 8 permanents pour un comité : le propriétaire et 7 participants. Ils sont permanents car associés aux zones de responsabilités que recouvrent le périmètre de l’instance. Ces représentants sont issus d’un dosage propre à chaque instance entre la ligne managériale, les filières d’expertise, des opérationnels concernés par l’arbitrage inscrit à l’ordre du jour de l’instance. La plus grande difficulté est de résister à la pression de convier tout un niveau hiérarchique à une instance de direction.

Si un dirigeant n’est pas à l’aise avec le système de pilotage actuel, que les instances auxquelles il participe ne sont pas performantes ou si les collaborateurs ne parviennent pas à obtenir rapidement des arbitrages de qualité, alors il est utile de lancer une réflexion de fond sur la prise de décision dans l’organisation.

Cet article a été écrit par Sébastien Raynaut, partner chez Talisker Consulting