Piloter les prestataires avec des centres de services : l’exemple de la Banque de France

Œuvrant dans un environnement compétitif et exigeant, la Banque de France a choisi notamment l’approche des centres de services pour travailler avec ses prestataires. Un centre spécialisé dans les technologies .Net lui permet d’être plus réactive face aux demandes des clients internes.

La Banque de France est une institution confrontée à de nombreux défis. En tant que banque centrale, elle doit tout d’abord assurer de nombreuses missions (voir encadré ci-dessous) : certaines proches de celles des banques classiques ou de marché, d’autres plus spécifiques, comme la cotation des entreprises ou l’émission de monnaie.

Pour l’entité chargée de l’organisation et de l’informatique, placée sous la responsabilité du secrétariat général, cette diversité se traduit par un grand nombre des projets : « Nous en gérons plus de 200 actuellement », précise Michel Spiri, adjoint du secrétaire général et responsable de cette entité.

Si un grand nombre de ces projets se limitent à l’Hexagone, une partie d’entre eux s’inscrivent néanmoins dans le cadre européen de la politique monétaire, comme Target 2, le système de transfert express automatisé transeuropéen à règlement brut en temps réel. Pour ceux-ci, la Banque de France est mise en concurrence avec les banques centrales des dix-neuf autres pays européens participant. Elle doit donc s’assurer de sa compétitivité, aussi bien lors de la réalisation des projets que lors de la phase d’exploitation. « Nous devons être les plus performants possible pour faire partie des banques centrales reconnues comme des fournisseurs d’applications pour l’Eurosystème », explique Michel Spiri.

Enfin, l’institution doit gérer un défi de taille dans les années à venir : le départ en retraite, d’ici à 2020, de plus de 40 % de ses agents, soit environ 5 000 personnes sur un effectif total actuel de moins de 13 000. L’organisation souhaite profiter de ce renouvellement des équipes pour effectuer une transformation en profondeur, en changeant notamment les usages et les modes de travail : développement des outils collaboratifs, des workflows… Pour les futurs recrutements, les profils recherchés et les attentes seront donc très différents de ceux qui existent actuellement.

Cette transformation en cours, la quête de compétitivité et l’exigence de ses différentes missions ont conduit la Banque de France à revoir sa politique de choix et de gestion des fournisseurs. Une rationalisation d’autant plus nécessaire que l’institution est soumise à des procédures d’achat assez contraignantes : « Celles-ci sont encadrées par le législateur, rappelle Michel Spiri. Nous devons passer des appels d’offres européens, au fonctionnement assez proche de celui des marchés publics français. »

Ajuster les ressources aux besoins

Dans cette optique d’optimisation, deux choix étaient possibles : entamer une démarche de référencement ou opter pour une approche de centres de services. La Banque de France a retenu une combinaison des deux solutions tout en privilégiant de plus en plus la seconde approche. « Les centres de services constituent un moyen privilégié pour une organisation de disposer d’une réserve de ressources, souligne Michel Spiri. En outre, ils permettent de travailler avec un fournisseur qui nous connaît bien et est formé à nos méthodes. C’est une organisation très bien adaptée pour ajuster les ressources, notamment humaines, à des besoins variables. »

Un atout particulièrement crucial dans un contexte de renouvellement important des effectifs. Cette approche a également permis à la Banque de France de réduire le nombre de ses fournisseurs, pour atteindre un juste milieu : ni trop, pour garder la maîtrise des relations, ni trop peu, pour conserver une marge de manœuvre.

L’entité organisation et informatique de la Banque de France travaille actuellement avec une dizaine de centres de services, qui correspondent à des technologies spécifiques ou à une combinaison entre des technologies et un périmètre métier. « Il faut veiller à obtenir une certaine taille critique, pour garantir au fournisseur un volume d’activité suffisant », conseille le responsable de l’entité.

Sur le plan technologique, les activités de la Banque de France se répartissent sur trois grandes plates-formes : un certain nombre d’applications métiers de type « legacy » fonctionnent encore sur IBM/Pacbase, mais les nouvelles applications sont développées soit sur Unix/Java EE, soit sur des systèmes Microsoft .Net.

Les applications métiers sont généralement développées sur la plate-forme Java, en s’appuyant sur des méthodes de développement adaptées au contexte spécifique de l’institution. Néanmoins, ces méthodes doivent être allégées sur les projets nécessitant une réactivité importante. Pour ces derniers, c’est souvent la plate-forme .Net qui est privilégiée.

Un centre de services pour gagner en réactivité

En juillet 2009, la Banque de France a mis en place avec la société de conseil et d’ingénierie Alti un centre de services portant principalement sur la plate-forme .Net, ainsi que les technologies Sharepoint et Delphi. Sa taille varie selon les projets en cours, mais il occupe en moyenne une dizaine de personnes, à la fois des développeurs et des analystes. Les équipes du centre mènent entre trois et quatre projets en parallèle. Environ 60 % des développements sont réalisés en back-office, dans un centre de développement basé à Poitiers.

« Dans ce centre, nous déclinons notre méthode de développement de façon moins lourde, en s’inspirant des approches agiles », relate Michel Spiri. Basée sur des cycles courts, une approche itérative et des échanges le plus possible en direct entre les utilisateurs et le centre, cette méthode est adaptée aux projets plus légers, avec moins de contraintes d’architecture. Cela permet notamment au département organisation et informatique de répondre dans des délais plus courts aux besoins des clients internes, la réactivité étant un critère important pour son image de marque. Au cours du premier contrat conclu avec Alti, le centre a ainsi assuré la maintenance de dix-huit applications .Net pour 2,7 équivalents temps plein (ETP), et de cinq applications Sharepoint pour moins d’un ETP. Parmi ces dernières figuraient deux applications intranet visibles par l’ensemble des agents de la Banque : le catalogue de formation et la consultation des offres de postes.

« À travers les centres de services, nous reportons sur le fournisseur la responsabilité d’avoir des personnes formées et rapidement disponibles », pointe l’adjoint au secrétaire général. Le contrat de services comporte néanmoins des seuils d’activité minimum et maximum, le premier pour fournir une garantie de chiffre d’affaires au prestataire, le second étant plutôt une protection pour éviter à ce dernier de devoir faire face à une charge excessive. « Il est dans notre intérêt d’aider les fournisseurs à maintenir des collaborateurs opérationnels et maîtrisant nos technologies, ajoute Michel Spiri. Les centres de services apportent à la Banque de France une réelle souplesse. Sans ce système, il serait nécessaire de faire un appel d’offres pour chaque projet, ce qui prend plusieurs mois. »

Alti a été sélectionné à la suite d’un appel d’offres européen. Parmi les critères ayant guidé le choix figurent les profils des intervenants proposés, le prix et les références dans le domaine concerné par l’appel d’offres, mais aussi le fait qu’Alti soit un fournisseur de longue date de la Banque de France (plus de dix ans de collaboration). « Nous les connaissons bien, et ils nous connaissent bien, résume le DSI. Ce qui entretient la confiance. » Depuis le premier contrat, l’appel d’offres a été renouvelé, et Alti a de nouveau été retenu. La taille du prestataire (127 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec 1 200 collaborateurs), ni trop petite ni trop grosse, a également joué en sa faveur. La Banque de France apprécie en effet les partenaires de taille intermédiaire, aux ressources suffisantes pour réaliser les projets sans pour autant s’imposer et déséquilibrer la relation.

Un centre de services, par définition consommateur de ressources humaines et de compétences et d’expertise pointues, peut connaître des périodes de tensions, notamment lorsque, sur le marché de travail, la demande est supérieure à l’offre, ce qui est le cas pour les développeurs et experts .Net. « Généralement, un centre de services tend à éloigner le client de la réalité du marché, souligne Michel Spiri. Il a moins la vision des tarifs et de la demande du marché sur telle ou telle compétence, celle-ci étant déportée sur son fournisseur. »

Conscient de cet état de fait, Michel Spiri insiste sur l’importance du dialogue avec le prestataire dans les moments de tension sur les ressources, afin de comprendre les causes de la situation et de trouver des solutions viables. « Un bon contact direct avec l’équipe dirigeante et commerciale d’Alti nous a permis d’avoir des échanges en toute transparence, sans avoir besoin de se référer systématiquement au contrat ou impliquer des juristes au moindre problème. »

Pour anticiper les difficultés éventuelles, deux indicateurs sont particulièrement à suivre, selon Michel Spiri. Savoir, d’une part, comment se positionne le centre de services en termes de chiffre d’affaires pour le prestataire, par rapport aux seuils minimum et maximum préalablement définis. Mais aussi, d’autre part, déterminer quel est le taux de satisfaction des utilisateurs par rapport au centre de services. Pour cela, une enquête de satisfaction bimensuelle est menée auprès des clients internes de la Banque de France.

Un facteur de cohésion entre la DSI et les métiers

La cohésion entre les différents acteurs des projets est également un critère primordial pour qu’un centre de services fonctionne de façon optimale. Dans le cas présent, les acteurs sont au nombre de trois : le centre de services lui-même, qui a le rôle de maîtrise d’œuvre déléguée, la maîtrise d’ouvrage, qui regroupe les utilisateurs et spécificateurs, et, enfin, l’informatique interne, qui gère le contrat et impose ses normes, méthodes et techniques. « Il importe que ces trois entités interagissent de manière harmonieuse, affirme Michel Spiri. Si le métier se méfie du centre de services, par exemple, les projets ne peuvent pas réussir. Même dans un domaine technique comme l’informatique, l’humain prime. »

Pour contribuer à la mise en place d’une relation harmonieuse, il faut que les interlocuteurs de la maîtrise d’ouvrage et des méthodes connaissent les équipes du centre de service, leurs contraintes et leur niveau. Les exigences ou les demandes de correction doivent être transmises de manière claire, sans ambiguïtés. « Les collaborateurs qui gèrent le centre de services doivent rester vigilants, c’est leur mission de s’assurer que les utilisateurs ne soient pas déçus », ajoute Michel Spiri.

Pour cette raison, la Banque de France a confié la gestion des centres de services à un département interne, le « Center », à cheval entre l’architecture et la réalisation. Ce service assure à la fois la gestion administrative des contrats et l’encadrement méthodologique des prestataires. « Cela nous évite de multiplier les interlocuteurs, nous avons un pilote global au sein de la Banque de France », relate Michel Spiri. À l’avenir, l’organisation va poursuivre le développement de ces centres de services. Un second centre est en cours de mise en place avec Alti, dédié aux architectures orientées services…


Trois bonnes raisons de créer un centre de services

Pour rationaliser le système d’information

  • Réduire le nombre de fournisseurs
  • Mutualiser et optimiser les ressources
  • Mobiliser les ressources internes sur des projets stratégiques

Pour accroître l’agilité

  • Adapter rapidement les effectifs aux pics de charge
  • Optimiser la prise en compte de nouveaux projets grâce aux maîtrises techniques, fonctionnelles et organisationnelles

Pour réduire les coûts

  • Réduire les coûts de fonctionnement par la mutualisation des ressources
  • Garantir la continuité de service
  • Éliminer les effets négatifs du turnover des ressources humaines