Le 1er janvier 2013 est entrée en vigueur une disposition qui change considérablement les pratiques de facturation des entreprises. Elle est issue d’une directive européenne du 13 juillet 2010 dont l’objectif est d’harmoniser les obligations fiscales liées à la facturation dans tous les états membres de l’Union européenne et d’encourager l’usage de la facturation électronique vue, par les instances européennes, comme un levier pour aider les entreprises à « réduire leurs coûts et à accroître leur compétitivité ».
Jusqu’à lors, il n’existait que deux cas de figure pour lesquels les factures électroniques pouvaient être reconnues sur le plan légal : avec la signature électronique (PDF signé) ou avec une transmission EDI. A ces deux moyens s’en ajoute un troisième : le PDF simple.
Une traçabilité complète du processus de facturation
Avec, toutefois, une contrainte : la nécessité pour toutes les entreprises de mettre en place une « piste d’audit ». Celle-ci répond à trois objectifs précis. D’abord, pouvoir reconstituer, dans l’ordre chronologique, l’ensemble du processus de facturation, depuis son origine (le plus souvent, un bon de commande) jusqu’à la facture, en passant par les bons de livraison : tous les documents du processus doivent pouvoir être reliés entre eux.
Ensuite, il faut garantir que la facture émise ou reçue reflète une opération réelle. Enfin, les entreprises doivent pouvoir justifier toute opération par une pièce correspondante et « il doit être possible de remonter par un cheminement ininterrompu à la facture et réciproquement », précise le législateur.
On le voit, ce changement réglementaire qui, rappelons-le, s’applique à toutes les entreprises, quelles que soient leurs tailles, introduit une complexité supplémentaire.
D’autant que subsiste une part de subjectivité dans la mesure où le législateur laisse à chaque entreprise le soin de déterminer « en fonction de sa propre organisation, l’ampleur et les moyens des contrôles qu’il doit mettre en place pour garantir l’authenticité de l’origine, l’intégrité du contenu et la lisibilité des factures émises et reçues. » Ainsi, la fiabilité d’une piste d’audit ne sera confirmée… qu’en cas de contrôle fiscal !
Une épée de Damoclès sur des entreprises toujours « hors la loi »
Cette complexité explique probablement pourquoi les entreprises sont encore loin de s’être mises en conformité et sont, de fait, hors la loi, n’ayant pas pris la vraie mesure de ces nouvelles obligations réglementaires. Pourtant, des sanctions sont prévues et dissuasives : l’administration fiscale peut rejeter le droit à la récupération ou de l’exonération de la TVA et infliger des amendes.
Des sanctions qui s’appliquent si, en cas de contrôle fiscal, une entreprise est incapable de prouver l’existence de la piste d’audit. Par exemple, d’une part, si elle ne peut fournir les composantes du système d’information concernées : cartographie des applications informatiques impliquées dans le processus de facturation, structures des fichiers utilisés, tables de codification des données et les paramétrages utilisés, habilitations de sécurité…
D’autre part, si elle ne peut fournir le détail des processus de facturation, notamment le mode d’alimentation des fichiers, les schémas de circulation des informations et les modalités d’échange et de validation des informations avec les tiers, ou encore les modalités d’injection des informations dans la comptabilité et les contrôles effectués pour s’assurer de leur cohérence. Tous ces éléments doivent être maintenus et mis à jour.
Aux difficultés techniques et organisationnelles de mise en œuvre de la piste d’audit s’est ajouté le fait que le législateur n’a laissé aucun délai aux entreprises pour se mettre en conformité, contrairement à d’autres changements législatifs majeurs, par exemple la DSN (Déclaration Sociale Nominative), pour lesquels elles ont bénéficié de larges délais pour adapter leurs systèmes.
Un projet d’entreprise
Faut-il en conclure que la situation peut perdurer, avec des millions d’entreprises qui n’appliquent pas une disposition fiscale majeure ? Évidemment non. Au contraire, l’obligation de mettre en œuvre la piste d’audit constitue une opportunité d’engager un changement organisationnel qui ne peut être que bénéfique : c’est, avant tout, un projet d’entreprise, avant d’être un projet technique, comme peut l’être la mise en place d’un flux EDI.
D’autant que les entreprises d’une certaine taille ne partent pas de zéro. La plupart ont déjà dématérialisé tout ou partie de leurs factures, ont investi dans des systèmes EDI, toutes sont dotées de systèmes d’information capables de s’adapter à de nouvelles réglementation et il existe déjà des processus sur lesquels s’appuyer : par exemple le chemin de révision, utilisé en comptabilité (justification de l’écriture comptable) et dont la piste d’audit est complémentaire, pour justifier les opérations facturées.
Certes, mettre en place la piste d’audit prend du temps et un accompagnement se révèle indispensable. D’abord, par des consultants pour analyser de l’existant et poser les jalons de mise en œuvre. Ensuite, par des éditeurs qui disposent de solutions qui couvrent la problématique de bout en bout (gestion de l’authenticité des émetteurs, gestion des doublons, contrôles de cohérence et des mentions obligatoires…), y compris pour le stockage des documents, avec des coffres forts électroniques.
L’archivage est d’ailleurs l’une des pierres angulaires de la mise en œuvre de la piste d’audit : celle-ci oblige en effet à stocker, pour une durée de six ans, beaucoup plus de documents (les bons de commande, les devis, les bons de livraisons…) qu’avec les autres modes de facturation, C’est d’ailleurs tout l’intérêt de faire appel à un tiers capable de mutualiser ses ressources pour diminuer les coûts pour ses clients.
Ne pas confondre chemin de révision et piste d’audit
- Le chemin de révision est défini par l’article 410-3 du plan comptable général (PCG) : l’organisation des comptabilités informatisées doit permettre de reconstituer à partir des pièces justificatives appuyant des données entrées (écritures comptables), les éléments des comptes, états et renseignements soumis à la vérification, ou de retrouver ces données et pièces justificatives. Le chemin de révision permet d’établir un lien entre les écritures comptables et les pièces justificatives.
- La piste d’audit permet d’établir le lien vérifiable entre la facture et la livraison de biens ou prestation de services afin de permettre de contrôler si la facture correspond à une opération qui a été effectivement réalisée. Elle doit également permettre de garantir l’authenticité de l’origine, l’intégrité du contenu et la lisibilité des factures.
Le périmètre de la piste d’audit est donc plus large que celui du chemin de révision, mais les documents constitutifs peuvent être identiques (devis, bon de commande, extrait de compte…).