Un média peut être chaud ou froid. Le diagnostic, émis au milieu des années 1960, émane du sociologue américain Marshall Mc Luhan. Son ouvrage de référence (Pour comprendre les média, Seuil, 1968, 404 p.) ne contient évidemment pas de chapitre concernant Internet.
Le sociologue explique que des média tels que la radio ou le cinéma sont « chauds » parce qu’ils « prolongent un seul des sens et lui donne une haute définition », en apportant une grande quantité de données. Le téléphone et la télévision sont, en revanche, considérés comme des média froids.
Le premier parce que « l’oreille ne reçoit qu’une faible quantité d’information. La parole est un médium froid de faible définition parce que l’auditeur reçoit peu et doit beaucoup compléter. Les médias chauds, au contraire, ne laissent à leur public que peu de blancs à remplir ou à compléter », explique Mc Luhan.
Autrement dit, ils permettent moins de participation. La télévision, selon le sociologue, est un médium froid dans la mesure où « elle nous implique en profondeur et nous émeut, mais elle n’excite pas, n’agite pas, ne soulève pas ».
Avançons que le net est aujourd’hui un médium tiède. Pourquoi ? Pour deux raisons. D’une part parce, dans sa composante messagerie (l’e-mail), il est le prolongement du téléphone, avec, toutefois, une diffusion d’informations en plus grande quantité, en un minimum de temps. L’e-mail est donc un médium moins froid que le téléphone.
D’autre part, dans sa composante Web, Internet se rapproche, se « réchauffe », en se rapprochant des média cinéma et télévision. Internet est en effet plus chaud que la télévision, dans la mesure où, de plus en plus, il parvient à agiter et à soulever.
Les mouvements protestataires sur le Web illustrent bien cette capacité. Il se rapproche également de la presse, médium que Mc Luhan définit comme « un confessional colectif qui permet une participation communautaire ». Car la presse est un médium chaud : pour cette raison, « il faut de mauvaises nouvelles à un journal, par besoin d’intensité et pour assurer la participation des lecteurs ».
Mais le médium Internet, tout comme la planète, va-t-il se réchauffer davantage ? On peut également retenir cette hypothèse : le Net est de plus en plus un mélange de cinéma, de presse, de radio, de télévision, sur fond d’interaction généralisée.
Mais le Net ne sera jamais un médium brûlant car, à la différence des média chauds par excellence que sont la radio ou le cinéma il encourage la participation de ceux qu’il touche. Internet a même un effet de rétro-action vis-à-vis des autres média : « un nouveau médium ne s’ajoute jamais aux média antérieurs et ne les laisse jamais intacts. Il les bouscule sans cesse et leur trouve de nouvelles formes et de nouveaux emplois », écrivait Mc Luhan. Le net réussira-t-il à tiédir tous les médias ?