Processus budgétaires : actionner les bons leviers

Le budget est bien plus qu’un dispositif technique pour les entreprises. C’est un élément central. Mais aujourd’hui, le pilotage de la performance financière doit être à la fois plus réactif et prédictif, pour une meilleure efficacité opérationnelle. Plus vite, plus souvent : c’est ce que l’on appelle le fast budget.

Aujourd’hui, la majorité des directeurs financiers veulent réduire les délais d’élaboration des budgets. Selon le baromètre de la fonction DAF publié mi-2013 lors du Congrès des DAF, 44 % d’entre eux ont mentionné comme priorité l’amélioration des indicateurs de pilotage et 42 % la maîtrise de la trésorerie, dans un contexte où, pour huit DAF sur dix, il est toujours important de réduire les coûts (46 % vont utiliser ce levier) et améliorer la productivité, ce qui suppose une plus forte réactivité pour élaborer et ajuster les budgets. Un autre baromètre, publié en 2013 par CSC, avec Cegid, la DFCG et TNS Sofres, révèle que 51% des DAF (55 % en France) jugent l’intérêt des indicateurs de pilotage plus fort sur un horizon de un à trois mois contre 34 % en 2012.

« Le fait d’aller vite n’est pas une nouveauté en soi », assure Patrice Godart, directeur Business Intelligence, Enterprise Performance Management chez Micropole, qui est intervenu lors d’un séminaire organisé par Micropole en juin 2013 sur les processus d’élaboration budgétaire. Il est clair que l’alignement des systèmes de pilotage de l’entreprise avec la stratégie constitue depuis longtemps un facteur essentiel de réussite, d’autant plus que cette stratégie se déploie dans des marchés à la fois nouveaux et très mouvants. L’entreprise doit également intégrer en permanence l’évolution des règles de gouvernance et de multiples normes. Dans tous les cas, il y a une pression structurelle sur les coûts et donc un besoin de pilotage financier plus fin. Si auparavant les entreprises pilotaient plutôt par les résultats (pertes et profits), désormais, elles pilotent davantage par les liquidités : la maîtrise de la trésorerie constitue d’ailleurs la deuxième priorité des DAF français, devant l’amélioration des indicateurs de pilotage, selon le baromètre des DAF 2013.

Les contrôleurs de gestion en première ligne

Le budget doit permettre à l’entreprise d’avoir une meilleure visibilité et un meilleur pilotage de ses prévisions. C’est également un moyen de susciter une réflexion sur son mode d’organisation, de se fixer des objectifs et de réfléchir aux moyens nécessaires pour les atteindre. C’est à ce moment là qu’intervient souvent le contrôleur de gestion de l’entreprise.

« C’est le chef d’orchestre du processus », assure Delphine Benoît, responsable de la Practice FPM (Financial Performance Management) Conseil de Micropole. C’est à lui d’organiser la remontée d’informations, de relayer les messages de la direction générale, de décider du planning et des outils requis. « Véritable interface avec les responsables opérationnels des différentes branches et de la direction financière, non seulement il accompagne la direction dans l’orientation et le suivi de la stratégie qu’elle s’est fixée, mais il participe aussi à la définition des objectifs et établit le schéma directeur des budgets », précise Delphine Benoît. Il doit donc être capable de prévoir, clôturer et assurer le reporting, et de faire évoluer les outils en vue d’atteindre les objectifs fixés.

établir un budget est un exercice exigeant qui nécessite au moins quatre ingrédients :

  • une méthodologie rigoureuse,
  • un rétro-planning efficace et réaliste,
  • des outils adaptés,
  • l’implication des opérationnels.

Sans une approche ciblée, l’entreprise risque de faire face à quelques imprévus, par exemple un délai de réalisation qui s’allonge, passant de quatre à six mois entre le démarrage du processus budgétaire et la validation finale par la direction générale. Il se peut également que le processus déployé soit totalement inadapté à l’entreprise ou encore que les informations soient mal intégrées au pilotage de performance. Delphine Benoît cite également le manque de souplesse du budget établi, basé sur des hypothèses figées, ou encore un manque de communication entre les opérationnels et la direction. Enfin, certaines entreprises n’adoptent pas de procédure budgétaire ou s’appuient uniquement sur une lettre de cadrage qui mentionne les orientations de la direction générale. Il arrive également qu’une feuille Excel serve à la constitution du budget, méthode vieillissante qui ne facilite pas l’intégration des informations au sein de l’entreprise, ce qui peut conduire à une perte des informations et un manque de rapidité dans l’analyse.

Processus budgétaire : les pièges à éviter

L’élaboration d’un budget mérite du temps, de l’attention et une certaine méthodologie pour éviter les pièges encore nombreux à ce jour. Première erreur à éviter : élaborer son budget en ne tenant pas compte de la structure de l’entreprise. Une approche verticale, même si elle est plus facile à mettre en œuvre, ne favorise pas la communication et la transmission des informations entre les différents services et est souvent source de lenteur.

Deuxième point d’attention : l’entreprise doit se doter d’outils logiciels spécifiques qui permettent de déployer le processus budgétaire à travers l’entreprise. Trop souvent, elle utilise la feuille Excel ou une solution budgétaire non interfacée avec les autres applicatifs, qui, de fait, n’est pas toujours maîtrisée par la DSI, par exemple pour la hiérarchie des données, les règles de calcul ou le choix des indicateurs les plus pertinents. Troisième point d’attention : l’entreprise ne doit pas perdre de vue que le budget doit avoir une fonction managériale et une fonction opérationnelle. Enfin, l’élaboration du budget doit être souple : l’ajout de phases prévisionnelles ne doit pas impliquer une refonte globale du processus.

Accélérer le processus budgétaire : les pistes de solutions

Pour basculer dans un mode « fast budget », les consultants de Micropole suggèrent quatre pistes. Selon eux, il convient d’abord de réduire le niveau de détails des informations, ce qui permet d’accélérer le processus et donc de gagner en temps. Ensuite, le modèle retenu doit être simple, facile à être adapté, représentatif et intégrer des leviers. Il est également essentiel d’anticiper les phases ultérieures, c’est-à-dire de repartir de ses prévisions pour établir le budget au lieu de regarder son budget à date, ce qui permet d’anticiper tous ses cycles. Et enfin, toutes les tâches sans valeur ajoutée doivent autant que possible être supprimées. La méthode peut être progressive, et permettre de passer d’un modèle pyramidal à une approche de type « business plan ». Concrètement, six étapes sont nécessaires.

Étape 1 : baliser le déroulement du projet

Il s’agit de concilier vitesse et cohérence. L’entreprise doit intégrer une gouvernance dans la durée, c’est-à-dire non seulement mettre en place une équipe en charge du projet, mais aussi prévoir des ressources chargées d’administrer l’application après le développement, de manière à garantir la cohérence des règles de gestion et de maintenance. Elle doit aussi impliquer tous les utilisateurs (finance, directions opérationnelles et DSI), tout en intégrant la montée en compétence.

Étape 2 : élaborer une note de cadrage

Il s’agit de réaliser un diagnostic flash, c’est-à-dire d’identifier les messages clés des entités (le plus souvent la DAF) qui définissent les grandes orientations et déterminent les enjeux, et piloter la finance à un horizon de trois et cinq ans. À ce stade, l’entreprise peut définir si elle souhaite opter pour le « rolling forecast » ou prévision glissante. Le rolling forecast reste très proche de la réalité tout au long de l’exercice et ne nécessite pas de corrections formalisées puisqu’il évolue régulièrement en fonction, justement, des événements.

Étape 3 : analyser l’existant

Il s’agit de revoir les processus existants qui sont documentés et normalement mis à jour, de définir des limites au regard des enjeux et d’identifier les gains de productivité possibles.

Étape 4 : cadrer les besoins

Il s’agit, pour l’entreprise, d’exprimer ses besoins c’est-à-dire définir les processus cibles et les fonctionnalités attendues, et établir les priorités des besoins à court, moyen et long termes.

Étape 5 : réaliser un POC (Proof of Concept)

Il s’agit de choisir l’outil (paie, gestion des immobilisations…) ainsi que l’architecture fonctionnelle, et de définir les critères fonctionnels (sur quels critère on va choisir l’outil) et techniques. Pour choisir l’outil qui correspond le mieux à ses besoins, il est toujours préférable de réaliser un POC ou une démonstration.

Étape 6 : élaborer un schéma directeur finance

Il s’agit d’un plan visant à absorber au niveau du système d’information les conséquences de la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise. Pour cela, il faut élaborer un plan projet, soit définir la roadmap, le lotissement et le planning, puis les budgets (interne et externe) avec des plans de charge (interne et externe), et les coûts d’infrastructure.

L’architecture du système d’information financier comprend une couverture complète des briques du système d’information garante de la performance de l’architecture et de l’optimisation des coûts. Toute entreprise est généralement outillée d’un ERP, d’une comptabilité. Elle doit également disposer d’un référentiel. L’objectif de ce dernier est de mutualiser les efforts et les investissements entre les différents métiers de l’entreprise, et abaisser les coûts de fonctionnement et des transformations des métiers.

Thématique Questions considérées comme les plus importantes Principales bonnes pratiques
Les indicateurs clés pour
les DSI
Comment démontrer au DAF la valeur créée par le SI ?
  • Élaborer des indicateurs compréhensibles par la DG, les directions métiers, et facilement mesurables
  • Choisir des indicateurs facilement mesurables dans le temps et favorisant la comparaison
  • Veiller à la qualité et à la disponibilité du support
    Privilégier les indicateurs métiers
  • Être équipé pour suivre les indicateurs
  • Développer la communication sur les indicateurs
Le financement des grands programmes Comment identifier les coûts complets ?
  • Définir une typologie des coûts (périmètre, niveau de détail…)
  • Définir l’échelle de temps
  • Distinguer les coûts directs et les coûts indirects
  • Intégrer les coûts d’une annulation du programme, d’un plan de secours,
  • la réversibilité…
  • Intégrer les variations d’OPEX (à la hausse ou à la baisse)
Comment « vendre »
un programme ?
  • Mettre en évidence les conséquences de ne rien faire
  • Limiter le périmètre pour ne pas engager un projet trop important, limiter le temps d’exécution
  • Présenter le contexte et les conséquences des différents choix
  • Financer par des « quick wins »
  • Faire porter les enjeux par les métiers, trouver des alliés
  • Impliquer les fournisseurs
  • Partager les responsabilités (« co-construction »)
  • Savoir adapter le discours aux enjeux en fonction des métiers et des interlocuteurs
Le contrôle
de gestion
Comment mesurer de manière exhaustive les bases de coûts ?
  • Vérifier que le service correspond à un besoin réel
  • Définir une « roadmap » pour le déploiement des services
  • Refacturer avec un objectif de simplification
  • Isoler le coût des services spécifiques et les refacturer séparément
  • Disposer de clés de répartition simples
  • Intégrer les coûts de la suppression des anciens services dans les nouveaux services
  • Bien définir l’objectif en cas d’utilisation d’une méthode de type ABC/ABM et justifier les dépenses
Comment sortir d’une vision « centre de coûts » ?
  • Positionner la DSI comme contributrice de la stratégie
  • Privilégier une vision transversale SI-métiers (force de proposition)
  • Mettre en évidence les enjeux métiers liés au changement du SI
  • Favoriser les interactions entre informaticiens et utilisateurs et privilégier
  • les méthodes agiles
  • S’inspirer de quatre principes : informer (budget et sa réalisation) – expliquer (vision

analytique des coûts) – animer (choix, ROI, TCO) – anticiper

La facturation et les catalogues de services Comment aligner les principes de facturation sur les besoins ?
  • Disposer d’une bonne visibilité sur les coûts et l’utilisation des services
  • Construire le catalogue avec les métiers pour une meilleure adhésion
  • Définir systématiquement des engagements de services
  • Imaginer une stratégie marketing de la DSI et des catalogues de services
  • Accroître l’agilité et la réactivité de la DSI
  • Définir une politique d’entreprise sur le « make or buy »
  • Réaliser régulièrement des comparaisons (benchmarks)
Comment établir
les bonnes clés de répartition ?
  • Anticiper les conséquences des changements de consommation des services et identifier si elles sont acceptables ou non par la DSI
  • Définir des unités d’œuvre les plus proches des métiers
  • Définir des unités d’œuvre faciles à gérer par la DSI pour limiter la complexité de la refacturation
  • Définir des unités d’œuvre qui facilitent les prévisions et les comparaisons
  • Dans un premier temps, tester le modèle de facturation sans l’appliquer, pour en valider la pertinence
  • Disposer des coûts complets des applications avant application de la facturation
Source : Membres de CIOnet. Dans le cadre de plusieurs ateliers organisés par le réseau de DSI CIOnet France, le 24 septembre 2013, les DSI ont identifié, de manière collaborative, les meilleures pratiques dans quatre domaines : la valeur créée par le SI, le financement des grands projets, le contrôle de gestion, la facturation et les catalogues de services.

 

Drivers d’une architecture de pilotage
Domaine Points de focalisation
Organisation
  • Spécialisation métier
Processus
  • Homogénéisation
Technique
  • Performance
  • Stabilité du socle technique
  • Gestion des volumes
Fonctionnement
  • Visualisation rapide

Les quatre méthodes principales d’élaboration budgétaire

Budget base zéro (BBZ) : cette méthode consiste à construire le budget non pas en fonction des résultats réalisés l’année précédente, mais d’une façon théorique, par rapport aux objectifs stratégiques : l’entreprise définit ses activités, puis détermine les ressources nécessaires. C’est une pratique peu aisée à mettre en place, car il faut repartir de zéro.

Budget sur objectifs : c’est une technique stratégique de pilotage d’un budget dont l’objectif est d’optimiser les performances globales. C’est celui que l’on rencontre le plus souvent, notamment pour des entreprises en forte croissance, et qui permet aussi de mieux piloter sa rentabilité. Pour réussir cette méthode, il est préférable de fixer des objectifs ambitieux.

Activity Based Budgeting (ABB) : il s’agit de passer d’une logique de prévision de résultat à l’intégration du budget dans le business plan. Méthode peu facile à mettre en place, elle est aussi relativement chronophage et s’adapte pour un cycle long. Il faut donc être très mature sur son business plan.

Beyond budgeting : méthode de gestion apparue il y a une dizaine d’années qui consiste à supprimer la gestion de budget et à se baser sur du prévisionnel. Cette méthode se généralise, car elle offre plus de souplesse dans le fonctionnement, tandis que les acteurs sont plus responsabilisés quant à l’application de la stratégie de l’entreprise. Elle est cependant plutôt adaptée à un cycle court.


Dix points-clés pour choisir une solution de pilotage financier

  1. Vérifier la couverture fonctionnelle de la solution et la modélisation.
  2. Vérifier que la solution propose un accès intuitif et performant aux informations.
  3. Vérifier la simplicité de prise en main de l’outil par les utilisateurs.
  4. Vérifier les possibilités de paramétrages, si possible directement par les utilisateurs.
  5. Étudier l’adéquation des fonctionnalités de reporting et d’analyse aux besoins des utilisateurs.
  6. S’assurer de l’intégration dans les applications existantes (sources/destination des données, normes, modes d’accès, administration technique).
  7. Examiner la qualité de support de la solution (le niveau de support de l’éditeur, les références clients, les roadmaps envisagées par l’éditeur).
  8. Prévoir le coût de développement et le coût de revient total (licence et maintenance, projet/intégration, coûts internes, architecture et exploitation).
  9. Élaborer un scénario de mise en œuvre pour la maquette, la démonstration et l’évaluation, le débriefing et la décision.
  10. Vérifier la faisabilité d’un POC avec l’éditeur.