La reconfiguration des business modèles des entreprises tend à considérer que tout produit doit pouvoir se consommer à la demande, avec une approche de type « as a Service ». Il en est de même pour les systèmes d’information. L’engouement pour les « Apps » et les usages en mobilité a largement contribué à ancrer l’exigence d’une reconfiguration du SI, de même que celles de la transformation numérique.
Pour simplifier, les business modèles les plus prometteurs s’articulent autour de deux éléments : les plateformes et la consommation à la demande. Et peu d’entreprises sont à l’abri de ces ruptures. Selon le cabinet Gartner, seulement 7 % des dirigeants d’entreprises estiment que leur secteur économique ne sera guère modifié à l’horizon 2020. Les autres sont plus radicaux : 43 % anticipent une transformation modérée, 41 % une modification substantielle et 9 % des changements profonds.
Cela implique des efforts significatifs en matière de personnalisation, de mise à jour des systèmes d’information existants, d’ajout de nouvelles applications et d’optimisation des processus. L’une des questions est précisément la capacité du système d’information à supporter toutes les offres « as a Service ». Celles-ci se caractérisent généralement par quatre éléments :
- L’efficience (faire mieux qu’avant ou que les concurrents).
- La répétabilité (pour différentes cibles ou offres).
- L’agilité (capacité à s’adapter aux évolutions des marchés).
- La flexibilité/facilité d’usage.
Tous ces attributs doivent se retrouver dans un SI. Qu’il s’agisse du système d’information ou du portefeuille de produits et services, la réussite dépend de trois éléments, du plus facile au plus difficile : d’abord, le niveau d’alignement entre le système d’information et les métiers, qui est généralement bien assuré. Ensuite, le degré d’agilité de l’organisation face aux changements dans les offres et les systèmes d’information. Enfin, la propension à l’innovation, toujours difficile à mesurer et à accroître. Ainsi, les DSI et les responsables métiers doivent se poser au moins trois questions :
- Comment l’approche Everything as a Service peut-elle s’appliquer aux offres existantes ?
- Comment transforme-t-elle les manières de travailler ?
- Quels produits et services peuvent être lancés avec cette approche ?
Adapter un système d’information à un modèle économique Everything as a Service peut se réaliser avec plusieurs approches. Nous suggérons de s’inspirer du principe des dix R (voir tableau ci-dessous).
Une typologie des dirigeants
Selon le cabinet de conseil Deloitte, on retrouve, dans une entreprise, quatre types de dirigeants :
- Les entraîneurs (Drivers), qui valorisent le changement, l’expérimentation et la curiosité. 22 % des DG font partie de cette catégorie.
- Les conservateurs (Guardians), qui privilégient la stabilité, l’ordre et la rigueur. 10 % des DG sont dans cette catégorie.
- Les pionniers (Pioneers), qui sont les plus créatifs, aiment prendre des risques, sont adaptables et imaginatifs. 51 % des DG sont dans cette catégorie.
- Les intégrateurs (Integrators), qui encouragent le travail collaboratif, l’empathie et la diplomatie. 17 % des DG sont dans cette catégorie.
Innovation disruptive : comment réagir ?
France Stratégie, organisme public, a publié une note sur les problématiques de disruption et les stratégies possibles à adopter, du point de vue des pouvoirs publics. Selon ce document, deux options sont possibles : ouvrir le champ à l’expérimentation, en fixant les bornes à l’intérieur desquelles les innovateurs peuvent tester leurs idées avec l’appui des pouvoirs publics, ou édicter des principes généraux (soft regulation), dans un « code de l’innovation » et laisser les entreprises se lancer. « La seconde option permet sans doute plus d’innovation, mais elle comporte également plus de risques et de responsabilités pour les entreprises », notent les auteurs, qui précisent : « Répondre à l’innovation disruptive suppose de prendre des risques, donc d’accepter d’éventuels échecs, de faire face à leurs possibles conséquences négatives et d’être capable d’en tirer toutes les leçons. »
Notre recommandation
La vision publique de l’innovation peut se décliner dans le secteur privé. En effet, face à un mouvement de disruption d’un business modèle, dans une entreprise, deux options principales sont envisageables : d’abord, « ouvrir le champ de l’expérimentation » consiste à libérer les énergies créatives, notamment parmi les collaborateurs et pas seulement dans les départements de R&D. Ensuite, « édicter des principes généraux » correspond à la vision stratégique des dirigeants, sans laquelle il est difficile d’avancer et de réussir. Mais, à la différence de l’approche des pouvoirs publics, dont les deux stratégies peuvent être exclusives, dans une organisation privée, il est préférable que les deux approches soient mises en œuvre en parallèle : on ne peut libérer les énergies créatives sans leur donner, au minimum, un cadre général pour guider leurs actions, canaliser les ressources et ancrer une vision de là où les dirigeants veulent aller et de ce à quoi la transformation numérique doit aboutir.
Évolutions parallèles possibles d’un business modèle et d’un système d’information : l’approche des 10 R | |||||
Actions | Évolution d’un business modèle | Évolution d’un SI | Inconvénients | ||
Principe | Avantage | Principe | Avantage | ||
Rafraîchir | Reformuler le discours marketing | Coût faible | Migrations vers des versions plus récentes | S’aligner sur l’état de l’art | Approche superficielle |
Rationaliser | Modifier ou ajouter quelques fonctionnalités | Pas de remise en cause de l’offre | Supprimer les applications obsolètes | Réduire les coûts et la dette technique | Nécessite des évolutions régulières |
Reproduire | Dupliquer un modèle sur d’autres offres | Capitalisation sur une marque ou une expérience client | Réutiliser des composants applicatifs | Mutualiser/amortir les investissements | Faible innovation |
Reconfigurer | Digitaliser une offre existante | Fidéliser les clients existants | Améliorer les performances | Meilleure satisfaction des utilisateurs | Pas ou peu de ruptures |
Recentrer | Restreindre ou changer la cible | Meilleure adaptation aux besoins d’une ou plusieurs cibles clients | Externaliser tout ou partie du SI | Réduire les coûts | Trouver le bon équilibre entre standardisation et personnalisation |
Revaloriser | Intégrer une composante « données » | Conquête de nouveaux clients | Intégrer de nouveaux usages | Améliorer la perception du SI par les métiers | Investissements en R&D / marketing / nouvelles technologies |
Recycler | Intégrer tout ou partie d’une offre à une autre | Maîtrise des coûts de R&D | Intégrer des composants existants dans de nouvelles applications | Réduire les coûts | Risque de complexifier l’offre/le SI |
Remplacer | Substituer une offre numérique | Fidélisation des clients existants et conquête de nouveaux | Moderniser le SI | Maintenir le SI à l’état de l’art | Gérer la période de transition |
Réduire | Supprimer une partie des fonctionnalités | Simplification de l’offre | Décommissionner des applications et/ou des serveurs | Réduire les coûts et la complexité du SI | Risque de dégradation de l’expérience client/utilisateur |
Renoncer | Abandonner une offre | Coût réduit par rapport à une reconfiguration | Décommissionner des applications et/ou des serveurs | Réduire les coûts et la complexité du SI | Nécessité de trouver de nouvelles sources de revenus/gérer la dette technique |
Source : Digitalonomics. |