Quand un projet ne paie plus

Ainsi apprend-on que le logiciel Louvois, destiné à gérer les rémunérations des militaires français va être abandonné. Il faut dire que les 160 000 utilisateurs ne sont guère satisfaits, qu’ils aient perçu trop (il faudra rembourser) ou pas assez. Au-delà du gâchis financier (plus de 400 millions d’euros), cette affaire est révélatrice de cinq plaies qui concernent la plupart des projets SI.

D’abord, une absence d’étude de faisabilité et d’analyse de retour sur investissement, si l’on en croit les témoignages cités par le quotidien Le Figaro (21 novembre 2013). Ensuite, l’application a été insuffisamment testée, le calculateur des soldes étant truffé de bugs. Le quotidien Le Figaro nous assure que l’application restera en place, avec ses bugs, « pendant 18 à 24 mois, avec, en appui, l’intervention manuelle de fonctionnaires (500) pour traiter les paies. »

Troisième difficulté : l’insuffisance de compétences en ressources humaines au ministère de la Défense, qui auraient pu contribuer à contrôler la situation. La quatrième difficulté réside dans la lenteur des réactions des parties prenantes : dès mai 2011, date de mise en œuvre du logiciel, les problèmes seraient apparus. Cette absence de réaction se manifeste notamment du côté des prestataires : face à une situation de crise qui risque de faire fuir leurs clients existants et rebuter les prospects, on aurait pu attendre davantage de réactivité. Certes, l’un d’entre eux, la SSII Steria a réagi le 26 novembre, parce que son nom était cité dans la presse, alors qu’il est préférable de réagir en quasi temps réel, surtout si l’on n’est pas responsable !

La cinquième difficulté concerne la détermination des responsabilités. « Face aux multiples responsables, Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, aurait choisi de ne pas chercher de boucs émissaires, « pour ne pas décapiter tout le monde », dit-on dans son entourage », précise l’article du Figaro. On imagine facilement que dans une entreprise privée, un DSI qui s’amuse à ignorer l’étude de faisabilité, occasionne 400 millions d’euros de pertes aux actionnaires, fait l’impasse sur les tests, mécontente des dizaines de milliers d’utilisateurs, attend plusieurs années avant de prendre des mesures correctrices, garde les responsables à leurs postes et conserve les mêmes fournisseurs, sera viré sur le champ. Et il l’aura bien mérité.