Lors du symposium Gartner 2018, plusieurs conférences ont porté sur le métier de DSI. Nous avons retenu cinq questions : quelles sont les caractéristiques d’un DSI leader ? Comment évolue la fonction de DSI avec le digital ? Que faut-il ne jamais déléguer ? Les DSI doivent-ils devenir des provocateurs ? Comment parler à un Comex ?
1. Les caractéristiques d’un DSI leader
« La pertinence et la clarté » : telles sont, selon Alistair Newton, consultant chez Gartner, les deux principes fondamentaux qui doivent guider les DSI, surtout ceux qui sous-estiment le degré de changement nécessaire pour transformer les organisations. Un DSI leader a huit principales caractéristiques :
- Il agit davantage comme un leader business que comme un leader IT.
- Il a une vision économique de son secteur.
- Il utilise les indicateurs métiers.
- Il est capable d’intelligence émotionnelle et se concentre sur les compétences de ses collaborateurs.
- Il intègre la culture dans la stratégie.
- Il recherche des compétences additionnelles partout où elles sont disponibles.
- Il privilégie le coaching et la vision plutôt que le « Command & Control ».
- Il se focalise d’abord sur les innovateurs avant l’innovation.
2. Les DSI et le digital : l’avant et l’après
Pour l’analyste de Gartner Kimberly Harris-Ferrante, « le digital réécrit le futur du DSI, s’il n’évolue pas, sa fonction aura disparu à l’horizon 2025. » Selon Gartner, 78 % des DSI reconnaissent que leur métier est plus exigeant qu’il y a deux ans. Quelles sont les caractéristiques d’un DSI dans un monde digital, par rapport aux spécificités historiques de la fonction ? Les notions de stratégie, de métiers, de vitesse, d’agilité et de collaboration dominent (voir tableau ci-contre).
3. DSI : ce qu’il faut déléguer… ou pas
Les DSI ont tout intérêt à « davantage déléguer et faire confiance », suggère Ansgar Schulte, analyste chez Gartner, pour qui « les tâches complexes ne peuvent être effectuées seulement par le DSI. » Plusieurs bénéfices sont associés à la délégation de responsabilités : une meilleure maîtrise de l’emploi du temps, moins de stress, une motivation accrue, une productivité plus élevée et une moindre dépendance à l’égard de quelques personnes. Les objections les plus courantes ne sont guère pertinentes, notamment « Moi seul peut le faire », « Je risque de perdre le contrôle », « Je suis trop occupé », « Je ne fais pas confiance aux autres » ou « Je ne veux surtout pas prendre de risques ». Pour Ansgar Schulte, les DSI peuvent utilement déléguer les relations avec les métiers et les fournisseurs, la veille technologique, le management de projets et la gestion au quotidien des ressources humaines. En revanche, il est recommandé de ne pas déléguer la stratégie IT, les relations avec les managers métiers, la gouvernance, les budgets, le management de la performance et les problématiques critiques (recrutement des compétences clés, la structure de l’organisation…).
4. Les DSI doivent-ils devenir des provocateurs ?
Pour Erik Van Ommeren, analyste chez Gartner, les DSI « doivent se décoincer ». Pour y parvenir, il suggère d’introduire une dose de provocation pour favoriser l’innovation et faire bouger l’organisation. Quatorze approches peuvent être utilisées (voir tableau page 5).
5. Comment parler à un Comex ?
Pour participer à un Comex ou à un Board, un DSI ne « doit pas être ennuyeux, mais, au contraire, bref, ouvert, pertinent et diplomate », résume Tina Nunno, analyste chez Gartner. Plusieurs recommandations sont utiles :
- Décider ce que l’on veut, au bon moment (Des budgets ? Des ressources ? Une approbation ? Une stratégie ?…).
- Savoir quand se retirer du débat.
- Ne pas survendre un sujet.
- Savoir quand le DSI est en mode « discussion » ou en mode « présentation ».
- Privilégier l’intérêt sur l’exhaustivité : « Le métier de DSI n’est pas d’être objectif, mais de prendre position et de raconter une histoire, en insistant sur ce que les interlocuteurs doivent retenir et sur ce qu’ils doivent décider, s’ils ne retiennent rien, c’est une perte de temps », note Tina Nunno.
- Ne jamais communiquer des chiffres sans les interpréter et les replacer dans leur contexte. Et préciser si ces chiffres sont de bonnes ou de mauvaises nouvelles, si l’impact est faible ou élevé et si la tendance est inquiétante ou rassurante.
- Si de mauvaises nouvelles sont communiquées par le DSI, il faut les associer à des questions.
Le SI avant le digital | Le SI après le digital |
Le DSI est un facilitateur | Le DSI intervient dans l’élaboration de la stratégie d’entreprise |
Focalisation sur la disponibilité du SI | Les stratégies métier déterminent le SI |
Le DSI est un « faiseur » | La vitesse de changement s’accélère |
La DSI a sa propre stratégie | Tout le monde peut maîtriser le numérique |
La posture de la DSI est « inside-out » | La posture de la DSI est « outside-in » |
La DSI est un nid d’experts | Les approches agiles dominent |
La DSI est en mode projet en V | L’approche digital first prévaut |
Pas ou peu de collaboration avec les métiers | La collaboration avec les métiers est systématique |
Les quatorze manières de bousculer une organisation | |||
Technique | Principe | Pour quoi faire ? | Recommandation |
Mentir | Prétendre que le futur se réalise déjà et qu’on ne peut revenir en arrière | Rétablir le sens de l’urgence, transformer les pessimistes en optimistes | A éviter pour les DSI en début de carrière |
Voler | Identifier les bonnes idées à « voler » dans d’autres entreprises | Accélérer la production de nouvelles idées | S’inspirer d’entreprises avec des profils de clients, une organisation et des coûts similaires |
Crier plus fort que les autres | Surcommuniquer sur l’innovation | Attirer l’attention sur des perspectives nouvelles | Commencer petit et associer les clients |
Passer pour un fou | Se fixer des objectifs très ambitieux | Favoriser la créativité et l’engagement | Ne pas aller trop loin |
Contredire | Transformer positivement ce qui est vu de manière négative | Eliminer les pensées négatives | Rester réaliste |
Truquer | Promouvoir ce que l’on n’a pas encore | Tester la pertinence des idées | Se préparer à dire la vérité |
S’obstiner | Se focaliser sur un aspect de l’innovation | Fixer l’attention | Choisir l’expérience client comme terrain de jeu |
Tricher | Briser les règles | Eliminer l’aversion au risque | Choisir un terrain où quelques règles ne peuvent s’appliquer |
Quémander | Aller chercher ce que l’on n’a pas en interne | Trouver des ressources et du support | Commencer petit |
Allumer un incendie | Vouloir changer la culture avant les process | Préparer une organisation au changement | Prévoir plusieurs départs de feu |
Influencer | Identifier l’influence que l’on a | Amplifier les efforts que l’on accomplit | Considérer que l’influence n’est pas un gros mot |
Repousser les limites | Réduire au maximum les cycles de décision et d’action | Focaliser sur l’essentiel | Conserver des objectifs réalistes |
S’incruster | Faire appel à d’autres pour innover | Contourner une contrainte budgétaire ou de gouvernance | Cartographier les partenaires possibles (fournisseurs, start-up, autres entités de l’entreprise…) |
Quitter le navire | Initier l’innovation en dehors de l’entreprise | Accélérer la disruption d’un modèle existant | Se faire aider par les partenaires existants |
Les cinq erreurs à éviter quand on est DSI
- Faire passer l’égo avant l’efficacité.
- Préempter sa fonction.
- Agir trop vite.
- Critiquer son prédécesseur.
- S’entourer de mauvais conseils.
Comment créer la confiance et l’influence
- Écouter pour comprendre.
- Valider sans juger.
- Apprendre à dire « Non » et « Oui, mais… ».
- Créer des coalitions.
- Régler les problèmes rapidement, devenir un facilitateur.
- Affronter les conflits.
- Créer des « moments exceptionnels »
- Pratiquer la réciprocité.
- Rester authentique.
- Être prêt à croire et à se tromper.