Recruter son DSI en période de crise : pas si simple

La fonction de DSI a beaucoup évolué ces dernières années pour s’enrichir et intégrer de plus en plus les métiers et leur transformation. Le DSI est aujourd’hui très impliqué dans les plans de développement des entreprises et la recherche de nouveaux leviers de croissance.

Plus les technologies s’intègrent dans les métiers du retail et de l’industrie, plus les DSI sont précieux dans l’organisation de l’entreprise. Après cette période de crise sanitaire si particulière, nous assistons sur le marché de l’emploi à l’ouverture de nombreux postes au fort contenu technologique, mais aussi en management du changement.

Dans ce contexte où les start-up sont en compétition avec les ETI et les plus grands groupes pour intégrer leurs plateformes digitales dans leur processus, moderniser les systèmes existants et intégrer de plus en plus de technologies, le recrutement des DSI reste, pour les DRH et les directions générales, un vrai casse-tête.

On peut ainsi identifier plusieurs pièges dans lesquels il est très facile de tomber.

1. La trappe à compétences. La situation actuelle est quasiment inédite : les entreprises se trouvent entre deux effets générationnels. D’un côté, la génération des DSI les plus seniors, qui quittent leur poste, essentiellement pour prendre leur retraite. C’est la génération des quarantenaires des années 1990, qui ont pu satisfaire aux besoins des entreprises qui, à l’époque, se sont fortement informatisées et converties à Internet et au e-commerce. D’un autre côté, la relève ne paraît pas totalement assurée en termes de compétences et d’expérience, notamment pour les moyennes et grandes entreprises. Il semble que nous soyons dans une trappe à compétences. Le piège consiste à croire qu’il sera facile de recruter un DSI et que toutes les compétences se valent, alors que les profils rares sont potentiellement les plus créateurs de valeur.

2. La transformation des attentes des candidats. La crise sanitaire est passée par là et les attentes des managers intègrent de plus en plus la qualité de vie, en particulier avec le télétravail, ou la modération de la charge de travail et, de moins en moins, le besoin d’« incentives » classiques, de type voiture de fonction. Le piège est de privilégier « l’ancien monde », sans anticiper cette évolution/individualisation des attentes.

3. La surenchère salariale. Le contexte de tension rejaillit inévitablement sur les rémunérations, poussées à la hausse. Le piège est de conserver une posture rigide basée sur des grilles de salaires de plus en plus déconnectées de la réalité du marché.

4. Le manque de visibilité sur les parcours. Il est de plus en plus difficile de juger de la vraie valeur d’un candidat, à la lecture de son CV : un excellent CV peut cacher des personnalités qui manquent cruellement de soft skills (intelligence émotionnelle, créativité, capacité de négociation, autonomie, capacité à résoudre des problèmes complexes…). C’est ce qui explique, par exemple, que des DSI ou d’autres managers continuent, malgré quelques expériences difficiles, à retrouver des postes alors qu’ils ont été poussés dehors. Heureusement, ils sont peu nombreux, mais peuvent occasionner de gros dégâts.

Comment éviter de tomber dans ces pièges ? Plusieurs approches sont pertinentes :

1. Individualiser votre approche car les grilles fonctionnent de moins en moins pour recruter des experts et des acteurs du change management. Comme pour les experts de la data, de l’architecture et de l’IoT, privilégier les parcours à fort contenu qui ont connu des entreprises en croissance plutôt que les profils issus des plus grands groupes dont le design et les systèmes sont conçus ailleurs.

-> Éviter de proposer à un nouveau candidat ce qui a pu conduire à l’échec dans votre organisation précédente.

2. Valider et mettre en avant les compétences de management et la capacité d’intégration des technologies et des systèmes. Le DSI est un homme ou une femme orchestre même s’il (elle) a pu être spécialiste à une étape de son parcours. Sa capacité à piloter les projets et à faire grandir les experts fera toujours la différence sur le long terme. Cela demande une expérience d’au moins quinze ans pour avoir observé la globalité des SI.

-> Éviter de recruter des gourous inexpérimentés.

3. Valoriser les profils rares. Les candidats correspondant aux nombreuses offres du marché sont à valoriser si vous souhaitez réussir vos projets. Salaire en hausse, souplesse pour le télétravail ne seront pas suffisants pour attirer ces talents si convoités. Ayez bien conscience que la plupart des entreprises proposent déjà ces mêmes avantages. Il faut donc trouver des éléments différenciateurs et ne pas chercher à les convaincre uniquement d’être résilients et de faire avec les difficultés de l’entreprise. Un candidat DSI maîtrisant les nouvelles technologies et les plateformes digitales ne viendra pas seulement convaincre ses futurs collaborateurs de l’évolution nécessaire de l’entreprise, il ira plutôt là où il est en phase avec le CODIR et sa stratégie de développement.

-> Éviter les profils trop lisses et trop scolaires.

4. Ne pas tomber dans l’excès technologique. Bien sûr les technologies s’imposent partout comme les process et l’optimisation de la Data et de la Cybersécurité. La robotisation s’accélère dans l’industrie, mais vous recherchez avant tout une personnalité capable de comprendre votre histoire et vos valeurs. Les meilleurs candidats ne tombent pas dans le tout technologique et gardent une vision de la finalité humaine de leur travail. Ils ont, en outre, une capacité à délivrer les projets, jusqu’au bout, dans une logique de performance opérationnelle continue.

-> Fuir les candidats qui cherchent à impressionner par leurs connaissances techniques et qui ont du mal à vulgariser leur savoir lors d’un entretien. Ils ne seront pas plus clairs à l’avenir.

Cet article a été rédigé par Jean-Pierre Scandella, président du cabinet Arrowman Executive Search.


Recrutement d’un CTO : oser sortir des sentiers battus

C’est l’un des profils les plus convoités dans le monde des technologies. Le Chief Technology Officer (directeur technique) est l’un des acteurs incontournables pour pérenniser le développement d’une entreprise, notamment d’une start-up. Reste que le CTO, dont le périmètre s’élargit de plus en plus, est difficile à dénicher. Et si la solution était de s’ouvrir à des profils éloignés de son propre environnement ?

Nombreuses sont aujourd’hui les start-up et les scale-up à rechercher un CTO pour passer à l’échelle et déployer des projets technologiques de grande envergure. Une perle rare difficile à trouver, d’autant plus depuis la crise sanitaire, qui a tendu le marché de l’emploi. Siégeant au comité de direction, le CTO examine les besoins de son entreprise afin de définir une stratégie de développement et d’innovation essentielle à sa croissance. Sa mission ne se cantonne toutefois pas à cette seule dimension technologique. Il est également de plus en plus attendu pour challenger les modèles organisationnels et méthodologiques. Lorsque l’entreprise grandit, le CTO prend en charge, par exemple, l’architecture et la définition de la roadmap de l’entreprise, surtout lorsque les équipes techniques sont managées par un VP Engineering. Son rôle est avant tout de mettre en place un modèle d’organisation robuste et « scalable ». Son profil « geek » ne suffit alors plus.

Les soft skills incontournables

La grande hétérogénéité des CTO disponibles sur le marché rend le recrutement de ce profil relativement ardu. Les dirigeants d’entreprise souhaitant s’entourer d’un directeur technique ont donc tout intérêt à faire preuve d’ouverture d’esprit s’ils souhaitent dénicher le bon profil. Une start-up évoluant dans l’univers très agile des technologies a de bonnes raisons de s’ouvrir à des profils qui ne sont pas forcément issus de son environnement, par exemple sortant d’un grand groupe. C’est en osant ce grand écart que les entreprises réussiront à porter leur croissance et à insuffler toujours plus d’agilité dans leurs équipes.
Une ouverture d’esprit qui suppose de mener une conduite de changement, à la fois auprès des équipes en place, mais aussi des dirigeants. Ce qui importe, lorsqu’on recrute un CTO, est donc moins le secteur d’où il vient que les soft skills qu’il y a développées. C’est d’ailleurs sur ces critères que porte le travail d’étalonnage des tiers de recrutement. Sa propension à faire preuve d’agilité tout en anticipant les risques, sa capacité à se projeter et à fédérer des équipes autour d’un projet, son envie de « sortir du cadre » sont autant de dimensions qu’il convient d’évaluer chez le CTO. Depuis la pandémie, qui a propulsé la pratique du télétravail, savoir piloter des équipes à distance est également un critère de sélection incontournable.

De CTO à DSI : une évolution naturelle

Lorsqu’une start-up réussit son passage à l’échelle, des enjeux liés à la sécurité des informations et des données externes comme internes jaillissent et doivent être adressés par un DSI. D’un rôle de prestataire interne et centre de coûts, le DSI devient un « business partner » proche des métiers, chargé de faire de l’IT un vecteur d’efficacité opérationnelle, donc de croissance. À condition qu’il ne se heurte pas à des silos internes rendant complexe toute transformation. Les CTO sont souvent très bien placés pour se positionner sur ce poste de DSI. Cette perspective d’évolution est d’autant plus naturelle que, du fait de la disruption digitale et de l’évolution rapide des nouvelles technologies, une porosité émerge entre les missions du CTO et du DSI. •

Cet encadré a été rédigé par Vincent Monnet est directeur associé d’Arrowman Executive Search, intervenant dans la practice Technologie et Digitale.