Relations DSI-DG : pacs, mariage ou divorce ?

Les relations entre les DSI et les DG sont toujours complexes. On peut identifier trois modèles de coopération, à l’image des relations interpersonnelles : le mariage, le Pacs ou… le divorce. Ces trois situations correspondent à trois modèles : un modèle d’accompagnement, un modèle de transformation et un modèle d’intégration.

Suite à un séminaire organisé à Nantes, par l’ADN Ouest (l’association des décideurs du numérique de l’Ouest), en partenariat avec Best Practices Systèmes d’Information, plusieurs DSI et DG d’entreprises et de structures moyennes sont venus témoigner de leurs relations au quotidien. À travers ces retours d’expérience, il est possible de dégager trois modèles relationnels : un modèle d’accompagnement, un modèle de transformation et un modèle d’intégration.

Le modèle d’accompagnement. Il est représentatif d’orga­nisations très intégrées dans leur écosystème, comme par exemple la Chambre de commerce et d’industrie de Nantes Saint-Nazaire, dont les missions, selon Christian Le Cornec, directeur général, sont étendues : la représentation du monde économique, la promotion du territoire, la formation, l’accompagnement d’entreprises et la gestion d’infrastructures… « Le périmètre de la DSI reflète cette diversité, par les relations avec les structures associées de la CCI, les acteurs économiques et l’ensemble de son écosystème. J’interagis avec une cinquantaine de DG qui ne sont pas pour autant mes patrons ! », explique Pascal Bosser, DSI de la CCI Nantes Saint-Nazaire.

Dans ce contexte, les relations entre le DSI et son DG sont basées sur un partage de la vision. « Je siège au comité de direction, et, avec le DG, nous faisons un point mensuel pour s’informer, orienter et décider », souligne Pascal Bosser, qui a mis en œuvre un schéma directeur et des contrats de services. « Nous avons une vision partagée avec le DG, mon rôle est de proposer des solutions et de rester vigilant quant aux capacités des utilisateurs à se les approprier », ajoute-t-il. Cette vision partagée s’exprime à l’occasion d’un comité directeur, qui se réunit sur un rythme quinzomadaire.

Des comités de pilotage réguliers permettent de faire le point sur les projets en cours, comme par exemple, en 2013, la refonte du site Web et un projet de gestion de la relation client. « On ne peut plus réaliser de projets IT dans une tour d’ivoire, il faut trouver le bon équilibre dans les relations entre les DG et les DSI », résume Christian Le Cornec, dont Pascal Bosser assure que ce dernier « le laisse travailler, en particulier pour accompagner la transition numérique que l’on va tous devoir effectuer, même si mon rôle reste encore à préciser, parce que l’on « apprend en marchant ». »

Le modèle de transformation. Il est représentatif d’orga­nisations très éclatées qui doivent adapter leurs modèles d’affaires. Exemple : le groupe Grimaud, une entreprise familiale de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires (2 000 collaborateurs), spécialisée dans les sciences de la vie appliquées à la sélection génétique et à la biopharmacie. Le groupe est très implanté à l’international avec des centres de R&D en Europe, aux Etats-Unis, en Chine, au Japon et au Brésil, en plus d’une quinzaine de centres en France.

Grimaud a également des filiales dans ces mêmes pays ainsi qu’au Vietnam et au Canada. La DSI, qui compte 23 collaborateurs, est organisée en trois entités : la partie technique (infrastructures, support, mobilité…), les systèmes de gestion et la R&D, dont l’existence se justifie par le fait que le groupe Grimaud a développé sa propre base de données. « La problématique internationale génère une certaine complexité, notamment pour les délais de livraison des projets et la communication, d’autant que notre modèle de fonctionnement est relativement décentralisé, en lien avec les directions métiers », explique François Danet, responsable du système d’information du groupe Grimaud, qui ne siège pas au comité de direction.

« La DSI, mise en place il y a environ cinq ans, est relativement récente, nous prenons encore nos marques, mais je bénéficie d’une bonne écoute », ajoute François Danet, qui est rattaché au DAF. « Nous faisons un point mensuel », précise le responsable du système d’information. « La direction générale m’a confié la supervision du système d’information, nous n’avons pas une approche hiérarchique, mais nous privilégions le travail en équipe et l’agilité », précise Olivier Gerry, DAF du groupe Grimaud.

Avec un passé professionnel de chef de projet, il assure être « convaincu de la nécessité et de la valeur des projets IT, ma difficulté est moins de libérer des budgets que de convaincre. Avec le responsable du système d’information, nos objectifs sont alignés et je comprends ses contraintes. » Dans le modèle de relation avec la DSI, Olivier Gerry estime que, dans la mesure où le « couple » DAF-DSI chez Grimaud est relativement récent « nous sommes encore dans la période « d’émerveillement » et il convient d’éviter deux écueils : d’une part, considérer le DSI comme une fonction à tout faire et, d’autre part, à l’inverse, l’idéaliser en pensant qu’il peut faire des miracles avec des coûts très serrés ; le DSI n’est pas un magicien : j’attends de lui qu’il aide à structurer la fédération de PME qui composent notre groupe, et qu’il nous accompagne en partageant la vision stratégique. »

Le modèle d’intégration. Il est représentatif d’entreprises dans lesquelles le système d’information est très proche des métiers. Exemple : Janneau, fabricant de fenêtres et portes (environ 400 salariés et 60 millions d’euros de chiffre d’affaires avec une centaine de magasins). « Notre savoir-faire n’est pas de produire des portes et des fenêtres, mais de fabriquer, chaque année, 100 000 produits industriels tous différents. Cette production ne peut reposer que sur un système d’information, que je considère comme le centre névralgique de l’entreprise », explique Christian Pernot, directeur général de Janneau.

Pour Bruno Maillard, DSI de Janneau et membre du comité de direction, « depuis des années, le DG instille un esprit agile dans l’entreprise et je travaille davantage avec les directions métiers qu’avec la direction générale, qui conserve une vision globale. Notre relation avec les métiers et la direction générale est basée sur la transversalité et cette forte intégration fait que la DSI n’est pas considérée comme une boîte noire. » Le directeur général de Janneau résume l’évolution de ses relations avec son DSI de la manière suivante : « Avant, nous étions dans une posture de type « j’en ai rêvé, mon DSI l’a fait », désormais nous sommes plutôt dans une approche de type « c’est mon DSI qui me fait rêver », même si, pour lui, c’est relativement stressant de mettre en œuvre les solutions. »


Vincent Charpin, président du Medef Loire Atlantique : « Partager la vision »

« En matière de relation DSI-DG, le divorce est hors de question, le Pacs est insuffisant, seul le mariage a un sens : c’est la seule configuration qui permette de définir un projet et de partager une vision avec un vrai sens de l’engagement. Lorsque le DSI n’est pas rattaché à la DG, c’est inquiétant, car c’est le seul poste de l’entreprise où l’on connaît l’ensemble des contraintes de tous les métiers. Le DSI est au cœur de l’organisation de l’entreprise. Il en connaît même davantage que le DAF, avec qui il est parfois en concurrence… »


Les commerciaux des prestataires en voie d’adaptation

L’évolution de la relation DSI-DG vers davantage de maturité et de coopération contraint les prestataires à adapter leur discours commercial. « L’enjeu est de comprendre les enjeux métiers des clients, de savoir les reformuler et de vulgariser les apports des solutions et le retour sur investissement, c’est un vrai sujet pour les consultants avant-vente et les commerciaux pour aider le DSI à mieux vendre son projet à la DG », explique Rodolphe Francou, directeur de l’agence ouest de Micropole. De son côté, Philippe Plantive, directeur général de Proginov, un éditeur de logiciels de gestion d’entreprise, confirme que les commerciaux « doivent être multilingues pour parler également aux DAF, aux DG, aux directeurs des achats, de la logistique… Si le commercial axe trop son discours sur les aspects technologiques, cela ne passera pas, surtout pour les entreprises en situation de crise. » Les prestataires semblent voir d’un bon œil la collaboration entre les DSI et leurs directions générales. « Lorsque l’on ne voit pas le DG, ce n’est pas bon signe, nous avons besoin de ce binôme et s’ils ne se parlent pas ou peu, on est très vite confronté à un problème, surtout si l’ambiance dans l’entreprise n’est pas très bonne », assure Philippe Plantive.

Un constat partagé par Rodolphe Francou : « L’implication des DG est lié à la maturité numérique des entreprises, aujourd’hui, peu de projets se traitent en avant-vente sans que la DG ne soit consultée, c’est inquiétant lorsqu’elle ne l’est pas. Il y a encore une dizaine d’années, on avait affaire essentiellement aux DSI et aux métiers ; c’est évidemment positif et un facteur clé de succès dans la mesure où la prise de décision s’en trouve clarifiée et accélérée. » Lorsque les DSI et les DG ne communiquent pas, c’est le signe que chacun cherche à protéger son territoire. Le risque est que ce type de comportement déteigne sur les métiers, tentés de contourner la DSI. « Nous ne sommes pas l’ennemi des DSI, bien au contraire, et nous ramenons les métiers vers la DSI, l’essentiel est de conserver une cohérence dans les projets », assure Philippe Plantive.

 

Trois modèles de relations DSI-DG
Point de focalisation principal Point d’ancrage de la relation DSI-DG
Modèle d’accompagnement L’écosystème  Partage de la vision
Modèle de transformation  L’international Optimisation
Modèle d’intégration Les métiers  Coopération
Source : Digitalonomics.