Le droit n’est pas simple, mais celui afférent aux logiciels semble encore plus obscur. Véronique-Déborah Cohen rappelle d’ailleurs dans son ouvrage que la définition du logiciel et des droits associés n’est pas claire, avec des confusions entre logiciels, progiciels et licences afférentes, entre les notions de « licence » et de « cession ».
Outre le droit d’auteur, les logiciels peuvent être protégés par le droit des contrats. Mais, précise l’auteur, les contrats « instaurent une inégalité et un déséquilibre qui pourraient en faire fuir plus d’un », car, sur ce terrain, tout est affaire de négociation entre l’éditeur et son client. Celui-ci se retrouve souvent dans une « situation précaire et inconfortable, les besoins ne sont pas toujours pris en compte alors qu’ils le devraient dans le cadre des licences », ajoute l’auteur.
Face à ce contexte relativement déséquilibré, en faveur des éditeurs, leurs clients peuvent-ils retrouver des marges de manœuvre ? L’auteur le suggère : « Il est possible de rétablir, dans une certaine mesure, un semblant d’équilibre, sachant que cela ne sera pas possible dans le cas de licences de progiciels qui n’autorisent aucun aménagement contractuel », sauf si l’éditeur accepte de modifier ses dispositions contractuelles dans un sens plus favorable à ses clients.
Dans le cas de logiciels développés spécifiquement, dans la mesure où le client est à l’origine de la commande, « il est en droit de poser certaines exigences et de s’assurer que ses intérêts sont préservés et consignés au contrat, il pourrait même subordonner son engagement à l’octroi de certaines garanties par l’éditeur », souligne l’auteur.
Les logiciels propriétaires, cadre juridique et licences associées, par Véronique-Déborah Cohen, Afnor Editions, NetPME, 2015, 143 pages.
Tout est donc affaire de négociation et l’auteur propose quelques conseils et rappelle plusieurs principes :
• Exiger que les performances du logiciel soient définies avec la plus grande précision et qu’elles tendent vers une obligation de résultats.
• Prévoir que le contrat contraigne l’éditeur à une obligation de résultat. Toutefois, reconnaît Véronique-Déborah Cohen, « il sera difficile de l’imposer car ses effets sont lourds de conséquences » pour l’éditeur, « ce dernier préférant une obligation de moyens, moins contraignante pour lui, mais moins sécurisante pour le licencié. »
• L’éditeur doit prendre en compte les besoins réels de son client tels que présentés lors des négociations, d’où l’intérêt de bien les définir dans le contrat. « Le but étant qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, ni de distorsion entre ce qui aura été décidé et ce qui sera finalement retenu aux termes de la licence », précise l’auteur, « une telle démarche permet de se prémunir contre tout conflit ultérieur. »
• L’éditeur doit accorder à son client une certaine liberté pour l’exploitation du logiciel, « notamment le droit de délivrer des sous-licences, outils stratégiques favorisant une telle liberté et facilitant les relations de travail avec des clients potentiels », commente l’auteur.
• Se montrer exigeant lors de la phase de recette : « Si celle-ci ne se déroule pas comme prévu, le client se retrouvera avec un logiciel non conforme à ses attentes et donc inutile. Aussi, il est nécessaire qu’il demande que les tests de fonctionnement les plus divers et les plus performants soient réalisés : en dépend la qualité du logiciel livré », conseille Véronique-Déborah Cohen.
• N’accepter le logiciel livré qu’après une période d’essai la plus longue possible, la difficulté étant de définir conjointement la durée de cette période, sachant que l’éditeur souhaitera qu’elle soit la plus courte possible. En outre, toutes les erreurs constatées doivent être corrigées sans supplément de coût : « Il y a peu de chances qu’une telle requête soit acceptée dans la pratique, compte tenu des implications qu’elle suscite », prévient l’auteur.
• Demander la possibilité de transférer le logiciel sur un autre matériel pour garantir l’interopérabilité et la portabilité, ainsi que l’accès au code source dans un but de décompilation : « Dans le cas d’un logiciel conçu sur mesure, le licencié devra se montrer clair sur ce point afin que sa requête soit facilement acceptée », suggère l’auteur.
• Demander, dès le départ, que des sessions de formation sur l’utilisation du logiciel soient organisées par l’éditeur. « Tout devra être défini avec précision : la durée de la formation, le lieu, le coût. À défaut, il sera difficile de faire accepter par la suite un tel dispositif une fois la licence conclue et le prix déterminé », avertit l’auteur.
• Prévoir la maintenance et les mises à jour dès le début de la relation contractuelle : « En général, les mises à jour sont incluses dans la licence de logiciels, mais pas la maintenance ou plutôt le suivi logiciel qui fait obligatoirement l’objet d’un contrat séparé », note l’auteur.
Reste un principe fondamental dans les relations entre un éditeur et son client, que rappelle Véronique-Déborah Cohen : « Ce dernier, pour remédier à sa situation précaire, devra se montrer convaincant, car il ne sera pas aisé d’imposer toutes ses demandes. »